Économie circulaire et Économie sociale et solidaire

Envie Le Labo : un nouvel écolieu d’insertion sociale à Paris

Par Léopold Picot, le 7 juillet 2021

Envie Le Labo de l'extérieur. ©Kaizen

Spécialisée dans l’insertion professionnelle et la réparation d’appareils électroménagers, l’association Envie fédère un réseau de 50 entreprises. Elle vient d’ouvrir un écolieu à Paris : Le Labo. Vitrine de son action sociale, espace de réparation et de vente durable d’électroménager, centre de sensibilisation, le bâtiment est aussi une source d’inspiration pour la construction écologique. Reportage.

 

Au cœur du 20e arrondissement de Paris se dresse un bâtiment étrange, tout de bois et de verre. Depuis mars dernier, son design moderne, qui s’étire sur quatre étages, tranche avec la terrasse parisienne du bistrot qui lui fait face rue Julien Lacroix. Mi-magasin d’électroménager, mi-centre d’insertion sociale et de sensibilisation à la cause environnementale, Le Labo est né de la volonté de l’association Envie de se faire connaître dans la capitale française. Il propose, en plus de la vente d’électroménager reconditionné, du dépannage, de la livraison en voiture électrique, des ateliers de sensibilisation ou encore des salles de réunions.

Lutter contre l’obsolescence 

Le magasin vend des appareils électroménagers remis en état : les 50 entreprises du réseau Envie récupèrent chaque année 165 000 tonnes d’appareils électroménagers dont 100 à 120 000 appareils sont reconditionnés. Pour l’instant, le service réparation fonctionne bien. « On fait payer 39 euros le diagnostic d’une heure. Deux clients sur trois acceptent le devis », note Stéphane Grégoire, qui répare les appareils électroménagers dans son atelier vitré, au rez-de-chaussée.

Stéphane Grégoire dans son atelier, au rez-de-chaussée du magasin Envie Le Labo. ©Kaizen
Stéphane Grégoire dans son atelier, au rez-de-chaussée du magasin Envie Le Labo. ©Kaizen

Du grille-pain à l’aspirateur, en passant par la chaîne Hi-Fi, Stéphane est un couteau-suisse de la réparation au sein de l’association où il travaille depuis deux ans. Les lunettes penchés sur le bout de son nez, Stéphane raconte : « Un monsieur est passé il y a un mois, il voulait réparer une visionneuse de diapositives. Ses grands-parents l’utilisaient : Il se fichait du prix. »

Christelle est une nouvelle cliente, elle a découvert le lieu par hasard. Elle sort avec espoir de son cabas un lecteur DVD, mais Stéphane lui déconseille de le réparer : l’appareil, sans prise HDMI, est obsolète et ne servira pas assez longtemps pour justifier le prix de la réparation. Une situation qu’essaie d’éviter le réparateur au maximum : « J’ai une satisfaction à prolonger la durée de vie de tous ces produits, c’est autant d’appareils qui ne finiront pas en décharge. Et plus on fait durer l’objet, plus l’énergie qu’on a dépensée pour le produire est optimisée. »

Une insertion avec du sens

Envie Le Labo est également engagé dans l’insertion professionnelle. Nesrine Dani, la directrice du lieu, précise les chiffres du magasin de Trappes : « Sur les 40 salariés qui travaillent pour Envie Trappes, 20 sont en insertion. Ils sortent d’un chômage de longue durée. Tous ne souhaitent pas se diriger vers la vente d’électroménager, la réparation ou la livraison, mais cela leur permet de retrouver le monde du travail. »

Nesrine Dani est directrice d'Envie Le Labo depuis son ouverture en mars 2021. ©Kaizen
Nesrine Dani est directrice d’Envie Le Labo depuis son ouverture en mars 2021. ©Kaizen

En bas, à l’accueil, deux jeunes femmes travaillent scrupuleusement sur leur ordinateur. L’endroit est très silencieux, comme dans un musée. Nabarakissa Touré, 22 ans, est arrivée début juin comme vendeuse en contrat d’insertion et apprécie son nouveau travail : « Il n’y a rien que je n’aime pas dans mes tâches, sauf déplacer des machines trop lourdes ! » À ses côtés, Margaux Perrin, 28 ans, veille sur elle. Nabarakissa ne peut s’empêcher de remercier sa responsable « de l’avoir prise ».  Cette dernière lui répond du tac-au-tac : « Tu n’as pas à nous remercier, on t’a prise pour tes compétences ! » Pour elles, leur métier a du sens : « On lutte contre le gaspillage et l’obsolescence, tout en aidant à l’insertion sociale. »

Un bâtiment -presque- exemplaire 

Contrairement à l’extérieur tout de bois vêtu, l’intérieur du bâtiment revêt une style plus industriel, avec du béton, des parpaings et un escalier de fer en colimaçon… Un côté industriel qui cache en réalité une réflexion écologique. « On ne voulait pas d’une vitrine qui propose du reconditionné dans une logique environnementale et sociale mais un lieu dont la construction a été polluante », explique Nesrine en déambulant dans l’espace du rez-de-chaussée parcouru de grandes étagères où s’exposent des lave-linges, des réfrigérateurs.

Les vitres de lave-linge permettent de créer une lumière supplémentaire dans cet espace de travail. ©Kaizen
Les vitres de lave-linge permettent de créer une lumière supplémentaire dans cet espace de travail. ©Kaizen

L’utilisation de sept tonnes de matériaux a été évitée, en réduisant au maximum l’utilisation de placo, de peinture, de parquet… Treize tonnes de matériaux déjà existant ont été réemployées ou réutilisées : le carrelage blanc des sanitaires provient d’une fin de chantier, la peinture bleu est issue de fin de pots reconditionnés de chez Circouleurs, les briques d’un chantier de 1949… Le mur en face de l’entrée, lui, a été composé avec des vitres de machine à laver hors-services. Aux différents étages, peu fréquentés pour le moment, on trouve un meuble composé en parquet de gymnase, des établis d’occasion pour l’atelier de réparation, un patchwork de chutes de moquettes… dans une explosion de couleurs osée mais réussie.

« L’objectif c’est de changer le regard sur le réemploi sans faire culpabiliser les gens »

Appuyée sur la balustrade en fer du premier étage, la fierté de Nesrine se ressent : « L’objectif c’est de changer le regard sur le réemploi, d’aborder le sujet de la sobriété sans faire culpabiliser les gens, voire en leur donnant envie. » Quand on lui demande si la peinture dans les escaliers est aussi de Circouleurs, la jeune femme admet que ce n’est pas le cas : « Tout n’est pas parfait : on doit faire un compromis entre la durabilité au sol et l’écologie, et nous ne sommes pas autonomes en énergie. » Le bâtiment a coûté 1,9 million d’euros, dont 1,3 million financés par de nombreux partenaires, notamment la Ville de Paris, la Fondation Eiffage et l’Ademe.

Sensibilisation et ateliers

L’espace du deuxième étage est réservé à des ateliers, centrés sur la récupération, le recyclage et la sensibilisation. Tous n’obtiennent pas le succès escompté, regrette Nesrine : « Les ateliers pour les salariés ne marchent pas trop, parce que les gens viennent à des ateliers pour changer leur vie quotidienne, pas leur entreprise. »

Au deuxième étage d'Envie Le Labo, des chaises récupérées, un table basse en tambour de lave-linge et des chutes de moquettes disparates. ©Kaizen
Au deuxième étage d’Envie Le Labo, des chaises récupérées, un table basse en tambour de lave-linge et des chutes de moquettes disparates. ©Kaizen

Le bâtiment fait aussi l’objet de visites pour le grand public, les entreprises et les scolaires. Deux classes de CE1 sont déjà passées, au grand plaisir de la directrice : « C’est impressionnant de voir comme ils ont conscience de l’enjeu environnemental. Et ils sont exigeants : on a même eu des remarques sur le fait d’avoir des écrans géants dans les salles de réunion ! »

Pour Nesrine, le plus dur est de faire venir des citoyens qui ne sont pas encore intéressés par l’écologie. Elle s’est donc mise en contact avec des associations de proximité pour organiser des ateliers, dans l’objectif de démocratiser encore plus les comportements éco-responsables.


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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