Culture & Solidarités

Réussir son insertion au travail avec un handicap psychique

Par Léopold Picot, le 30 juin 2021

Valérie-Anne au travail dans la chaîne de production graphique de Messidor.

À distinguer du handicap mental, le handicap psychique peut freiner l’insertion professionnelle et sociale des personnes atteintes par ce trouble. Accompagnée par l’association Messidor, Valérie-Anne Ovise a su braver les obstacles, reprendre confiance en elle et en sa capacité à travailler. Rencontre.

Au téléphone, Valérie-Anne Ovise est à l’aise et développe plus ses réponses que certaines personnes expertes en communication. Lorsqu’on le lui fait remarquer, la jeune femme de 33 ans s’esclaffe : « Auparavant j’étais quelqu’un de très renfermée, qui avait peur de prendre la parole, je stressais, je bégayais… » Valérie-Anne a un syndrome de dysfonction non-verbale (SDNV), un handicap psychique aux multiples manifestations.

A distinguer du handicap mental, le handicap psychique n’entraîne pas nécessairement de déficience intellectuelle mais modifie les interactions sociales ou complique la maîtrise d’un certain quotidien. Sans le soutien d’une association, une personne vivant avec un SDNV peut se frotter à l’incompréhension des personnes sans handicap.

Expériences et difficultés

Encadrée par une association non-spécialisée dans le handicap psychique, Valérie-Anne a travaillé  à Lyon chez McDonald’s de 2009 à 2013, dont une première année en contrat suivi, avant d’être embauchée en CDI. Un poste qui finalement ne lui convenait pas. Son départ fut alors motivé par une lassitude : « Je suis partie de mon plein gré du Mcdo, quatre années c’était long… » Elle postule ensuite d’elle-même dans une crèche d’entreprise pour être agent d’entretien. Là-bas, alors que le travail lui plaît, elle est harcelée moralement par sa directrice. « Physiquement je n’en pouvais plus, ma directrice était tout le temps sur mon dos, j’avais peur, je faisais des nuits blanches. Ça a été très compliqué. J’ai eu une visite médicale de travail et le médecin m’a déclaré inapte à continuer dans ces conditions », confie-t-elle.

 

« Le handicap psychique peut trouver son remède dans l’insertion professionnelle. »

 

Valérie-Anne reste ensuite au chômage pendant trois ans, avant de reprendre doucement le travail dans une compagnie d’assurance, une fois par mois, pour tenter de se réapproprier le monde de l’entreprise. Mais son SDNV complique son insertion : « Je n’avais pas confiance en moi, je demandais plusieurs fois les mêmes choses pour être bien sûre… Je suis quelqu’un qui aime la perfection, quand on me donne une tâche je voulais tout de suite la faire du début jusqu’à la fin et ça m’empêchait de mener plusieurs tâches de front. »

Georges Bullion est le président de l'association Messidor, spécialisée dans l'insertion professionnelle des personnes vivant avec un handicap psychique. ©Messidor
Georges Bullion est le président de l’association Messidor, spécialisée dans l’insertion professionnelle des personnes vivant avec un handicap psychique. ©Messidor

La jeune femme se tourne alors vers sa conseillère d’orientation, qui la redirige vers Messidor, une association spécialisée dans la réinsertion des personnes ayant un handicap psychique par le travail. Georges Bullion, son président, en est convaincu : « Le handicap psychique peut trouver son remède dans l’insertion professionnelle, c’est le but de l’association depuis 45 ans, et on a prouvé que cela fonctionne. » Après un Atelier de Validation à l’Entrée (AVE) de deux semaines, Valérie-Anne apprend qu’il y a une place pour elle en septembre 2016 : « Quand j’ai appris que je commençais à la rentrée, ça a été un immense soulagement. »

Confiance et autonomie 

Si l’association possède différents services, selon la voie professionnelle choisie, Valérie-Anne opte pour le service de chaîne graphique : «Messidor a des clients qui leur proposent des activités pour nous faire travailler. Une fois le devis accepté, je fais de la reliures, de la perforation, de la création de carte de visite, j’affranchis des courriers pour les entreprises avec lesquelles on travaille ou on fait du conditionnement dans les cartons. »

Valérie-Anne travaille avec ses 38 collègues dans un espace où ils sont encadrés par des référents, de 8h30 à 16h30, avec des pauses régulières. D’une voix posée et calme, elle explique ce qu’elle aime dans cet environnement : « Le travail nous rappelle que l’on est des êtres humains. On m’a appris à prendre beaucoup la parole, à m’affirmer, alors qu’auparavant j’étais quelqu’un de très renfermée, qui avait peur d’échanger. » Selon elle, la confiance et l’autonomie sont énormément liées : si l’on n’a pas confiance en soi, on ne peut pas être autonome. Et la confiance en soi a été longue à venir, pour différentes raisons : « Avec mon handicap, j’étais toujours mise à l’écart par mes camarades, je n’arrivais pas à m’inclure dans les groupes, j’étais souvent rejetée, et je n’étais pas très communicative non plus. »

Des pratiques sociales salvatrices

En cinq années, le changement est majeur pour la jeune femme. Depuis l’année dernière, elle préside le Conseil à la Vie Sociale : elle échange avec les dirigeants de l’association au nom des travailleurs de tous les services de Messidor pour faire remonter leurs interrogations, leurs demandes.

Valérie-Anne Ovise (deuxième rang, deuxième violon en partant de la gauche), participe régulièrement à des concerts avec l'orchestre symphonique de Lyon.
Valérie-Anne Ovise (deuxième rang, deuxième violon en partant de la gauche), participe régulièrement à des concerts avec l’orchestre symphonique de Lyon. ©OSL

En parallèle de ce travail régulier, Valérie-Anne joue du violon depuis 2007 comme bénévole à l’orchestre symphonique de Lyon, avec lequel elle participe à de grands projets centrés autour des musiques de films. Elle retrouve régulièrement ses collègues devenus des amis le week-end : bref, l’environnement autour d’elle est redevenu sain. A tel point que  que la jeune travailleuse se sent prête à aller plus loin. Après l’expérience encadrée par l’association, elle souhaite poursuivre ses projets : « Mon objectif c’est vraiment d’aller en milieu ordinaire, de retrouver le monde de l’entreprise à l’extérieur. C’est mon objectif premier. Grâce à tout ce que j’ai appris, que je ne connaissais pas auparavant, je m’en sens capable. »


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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