Culture & Solidarités

Patrick Scheyder : « Pour créer un nouvel imaginaire, un avenir vert, les nouvelles générations ont besoin de racines »

Par Marius Gouttebelle, le 31 mai 2021

Photo Patrick SCHEYDER 2020 Ciric Guillaume Poli

Auteur, metteur en scène et musicien, Patrick Scheyder valorise la culture de l’écologie, pour construire un nouveau récit positif. Très peu connue aujourd’hui du grand public, l’écologie culturelle est pourtant au fondement d’un changement de paradigme.

 

Qu’est-ce que l’écologie culturelle ?

La culture de l’écologie conduit à retrouver un des fondements de notre société : notre rapport à la nature. L’écologie est un terme « moderne » qui fut inventé en 1866 par Ernst Haeckel mais c’est en réalité une pensée qui préexiste depuis des milliers d’années et que l’on retrouve notamment dans des textes d’Aristote alors que la Grèce antique s’intéressait énormément au vivant. L’écologie fait partie intégrante de notre civilisation, l’être humain fait partie de la nature depuis toujours. Ce n’est pas une nouveauté mais pourtant nous en parlons et nous élaborons des stratégies en remontant à une trentaine d’année tout au plus.

Mon travail est de dire qu’il y a une filiation,  que nos revendications ont des antécédents, et que l’on est plus fort en les connaissant.

 

Pourquoi est-il fondamental d’avoir cette culture ?

Ne pas connaitre son histoire c’est être affaiblit et connaitre son histoire c’est agir en connaissance de cause. Pour créer un nouvel imaginaire, un avenir vert, les nouvelles générations ont besoin de racines. Pour que l’écologie fasse société, il faut rassembler toute une population et s’adresser à un très large public. Il faut qu’elle dresse un univers qui soit multiforme et non uniforme.

Je critique donc le fait que l’on parle d’écologie au présent avec une vision sur l’avenir catastrophique : c’est une erreur ! Aucun sujet ne se traite comme ça, tout sujet sérieux se traite avec trois dimensions : le présent, le passé et l’avenir souhaitable. Une écologie en 3D a des chances de convaincre le cœur et l’esprit des gens.

Il y a aussi un véritable problème de communication. Comment donner aux gens l’envie d’aimer l’écologie si on ne la rend pas souhaitable, aimable ? Toute société qui veut construire un imaginaire positif et qui se projette dans l’avenir doit donner envie. Nous devons lier l’écologie à notre présent, mais aussi aux grandes femmes et aux grands hommes du passé pour montrer toute cette filiation qui traverse le temps et ainsi pouvoir renforcer les discours.

 

Comment ancrer la culture de l’écologie dans notre société ?

Cela fait une éternité qu’on aurait dû ancrer la culture écologique dans notre société. Notre présent serait différent j’en suis certain.

Pour connaitre ses racines il faut enseigner l’écologie sans idéologie : de la maternelle à science po en passant par les formations dites techniques, car elle concerne tout le monde.

La dimension sensible et poétique qui est dans la nature de l’homme est un facteur rassembleur, c’est pourquoi éduquer à travers l’art peut également être une des solutions. Si nos ancêtres les plus lointains ont pris du temps pour peindre et s’exprimer c’est que c’est que l’art est une nécessité humaine. Je monte des spectacles qui lient musique, nature et textes écologiques. Je pense que la culture artistique peut obtenir des choses que les spécialistes eux même n’arrivent pas à obtenir. C’est pourquoi je me focalise sur ce point, car l’écologie aujourd’hui est trop politique ou économique. On néglige le rapport culturel qui est fondamental.

 

Avons-nous le temps de mettre en place une stratégie qui requière du temps et des connaissances en vue de l’urgence climatique ?

Mais bien sûr, les deux sont absolument indissociables. Il ne suffit pas de gagner, il faut structurer la victoire de cette idée et je ne connais aucun stratège qui soit inculte sur le thème qu’il a choisi. Il se pourrait bien que l’écologie à mon sens manque d’esprit stratégique, je pense d’ailleurs que l’on confond beaucoup trop aujourd’hui stratégie et tactique qui est un moyen de mettre en œuvre la stratégie. Penser que la loi climat et que l’activisme peuvent changer le monde à eux seuls ça non. C’est une confusion qui me gêne. Or justement construire une stratégie et avoir de réelles connaissances va permettre d’aller plus loin que l’activisme et de rentrer dans le dur du sujet qui va être la bataille des idées culturelle et politique.

Je pense même qu’une ré-évolution est déjà en marche inconsciemment en ce moment même. Je ne parle pas de révolution car c’est pour moi faire un tour complet sur soi-même à l’image de la Révolution française qui a ensuite connu l’empire puis plusieurs rois. À mon avis, le monde d’après on est en train de le faire advenir, on fait en général une révolution sans le savoir, elles naissent des aspirations que l’on peut avoir, secrètes, ou démonstratives comme les manifs.

Et là où je parle de re-évolution c’est que la jeune génération qui s’accroche à la planète, qui milite de centaines de façons différentes, a des pratiques et des manières de penser plus proches de leurs arrières grands-parents que de leurs parents. Et ils ont un milliard de fois raison ! J’essaie en partie de le rappeler dans mon livre Pour une pensée écologique positive (Belin) : qu’il y a 500 ans voir 1000 ans auparavant, des discours et des actes écologiques étaient déjà similaires.


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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