Eaux et Forêts

Recycler des sapins pour préserver les littoraux

Par Alicia Blancher, le 13 janvier 2022

Des sapins utilisés contre l'érosion sur l'île de Ré. ©Dunes Attitudes

Chaque année, environ six millions de sapins sont coupés en France pour les fêtes de fin d’année. Si de nombreuses collectivités récupèrent désormais les conifères pour en faire du compost ou du paillage, ces arbres de Noël sont recyclés pour prévenir l’érosion des dunes sur certaines communes. 

Que faire de son sapin de Noël après les fêtes ? Avec environ six millions de conifères coupés tous les ans en France pour cette période hivernale, la question est récurrente et met en lumière le gaspillage qui peut découler de cette tradition. Il y a une dizaine d’années, l’association Dunes Attitudes et l’Office national des forêts (ONF) ont alors pensé à transformer ce « déchet » en un allié de la préservation des littoraux sur l’île de Ré.

« Depuis des années, on observait une érosion dunaire importante, et on cherchait des solutions, des méthodes douces pour y faire face », relate Jean-Roch Meslin, vice-président de l’association basée à La Bois-Plage-en-Ré sur l’île. Après avoir essayé de mettre des branchages sur les plages pour capter le sable, les bénévoles et l’ONF, avec l’aide de la communauté de communes, ont commencé à récupérer des sapins, souvent destinés à la déchetterie.

©Hanane Abdaoui (photo ONF)

Depuis, l’initiative s’est répandue. Dans les Landes, en Gironde, mais aussi dans le Pas-de-Calais, sur la Côte d’Opale. Pour créer une barrière naturelle sur la dune d’Aval, la commune de Wissant a en effet collecté des conifères auprès des particuliers pour la première fois cette année. « Plus que nécessaire », se réjouit Arnault Graves, délégué du Conservatoire du littoral pour la Manche et la Mer du Nord, qui a donné son accord pour cette opération. Si les résultats sont concluants, l’expérience sera renouvelée l’année prochaine.

Un « chantier citoyen »

Une fois collectés par les communes, les arbres sont nettoyés pour éviter toute pollution plastique (retrait des guirlandes, boules, etc.), puis coupés sur un côté pour avoir une partie plate, afin d’éviter qu’ils roulent sur la dune. Les sapins sont ensuite déposés sur le haut des plages, comme un rempart, de sorte à piéger le sable poussé par le vent. Cela recrée un couvert végétal sur la dune et permet ainsi de la fixer.

L’ONF se charge d’identifier les zones, les communes organisent la collecte, et les habitants volontaires viennent installer les arbres sur les plages, accompagnés de bénévoles et de techniciens de l’ONF. Comme tient à le souligner David Rosebery, pilote du pôle littoral de l’ONF, c’est un véritable « chantier citoyen ». Sur plusieurs communes, les écoles sont aussi impliquées dans cette opération « Un sapin pour ma dune », permettant ainsi de sensibiliser les plus jeunes au phénomène d’érosion.

L’opération « Un sapin pour ma dune » réunit petits et grands. ©ONF

Une quinzaine de mètres reconquis

Environ 20% du trait de la côte naturelle est en recul à l’échelle nationale selon les données accessibles sur le site gouvernemental Géolittoral. En l’espace de cinquante ans, près de 30 km² de terres ont disparu au niveau de ces zones en recul. Sur l’île de Ré, grâce aux 450 mètres cubes récoltés et disposés chaque année, une quinzaine de mètres ont été reconquis sur certaines plages depuis le lancement du projet. Mais selon Philippe Pouvesle, le technicien de l’ONF en charge de l’île de Ré, il faut rester « modeste » : « Ce n’est qu’un fusible en cas de tempête. Il s’agit avant tout de solidifier le pied de dune, il ne faut pas croire que cela ne bougera jamais. »

Les sapins posés agissent comme des pièges pour le sable. Au bout de deux ans, ils ont presque disparu sous le tas de sable ainsi reconstitué. ©Philippe Pouvesle (photo ONF)

L’agent de l’ONF tient également à rappeler que ces « murs de sapins » ne sont pas adaptés à toutes les communes littorales. « Nous avons très peu de forêts sur l’île de Ré, donc cela nous évite d’importer des arbres du continent ; à l’inverse, l’île d’Oléron possède de nombreux espaces boisés, ce qui leur permet de récupérer facilement du bois », précise Philippe Pouvesle. De plus, il est inutile de créer cette barrière naturelle sur les dunes en bon état, voire dangereux sur les zones attaquées par l’océan, car les arbres peuvent être emportés par les vagues et détériorer les parcs à huîtres et les filets de pêche. Un point important à souligner pour l’ONF, qui déplore de plus en plus d’abandons de sapins sur les dunes.


Que faire de son sapin après les fêtes ?

Pour les particuliers qui n’habitent pas les communes littorales concernées par ces opérations, il est toujours possible de replanter le conifère dans son jardin pour ceux qui en ont un, ou de le déposer dans les bennes mises à disposition par les collectivités, qui récupèrent le bois pour du compost ou du paillage. Il est aussi possible de porter l’arbre dans une déchetterie qui accepte les déchets verts. Mais il est interdit d’abandonner son sapin sur les dunes ou en forêt. En effet, l’accumulation de déchets végétaux comme les sapins peut être nocive pour les sols, si des produits phytosanitaires ont été utilisés pour leur culture, car leur lente décomposition peut asphyxier voire acidifier le sol.

 


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