Adolescents : pour qu’ils deviennent adultes, faisons-leur confiance
Entretien avec Catherine Dumonteil-Kremer, consultante familiale, éducatrice Montessori. Fondatrice de la Maison de l’enfant, une coopérative de recherche d’alternatives à la violence éducative, elle préconise de favoriser le lien au cadre avec les adolescents.
En cette période de crise écologique, financière et politique, comment les adolescents peuvent-ils trouver leur place dans la société ?
C’est à nous, adultes, de les aider à le faire. On devrait intégrer de façon presque systématique les adolescents dans les groupes politiques et associatifs, dans les mouvements tels que Colibris, Alternatiba et le mouvement de la Transition. Ils ont des ressources, des idées qu’on n’imagine pas. Quand on voit un groupe de jeunes, lors d’un festival ou d’un événement, plutôt que de les snober, allons les voir, discutons avec eux. Si vous les regardez avec mépris, dédain, ou si vous les regardez avec intérêt, empathie, leurs réactions seront différentes. Le regard qu’on porte sur autrui induit son comportement. Ils ont clairement un rôle à jouer dans notre société. Mais le mode de vie qu’on leur propose est assez mortifère. Il est contre-productif de laisser assis huit heures par jour un adolescent. Les derniers travaux en neurosciences dont on peut avoir un résumé dans les ouvrages de Wendy Suziki [Bouge ton cerveau !, 2016] et de Norman Doidge [Guérir grâce à la neuroplasticité, 2016] démontrent que le meilleur cadeau qu’on puisse faire à son cerveau est de bouger. Norman Doidge suggère de faire huit kilomètres à pied par jour, car cela permet au cerveau de bien mieux fonctionner. L’école fonctionne à l’envers. Comme les horaires ne sont pas adaptés au changement de l’hormone du sommeil, tout est à revoir dans le système scolaire, au collège comme au lycée.
Quels sont les talents inhérents à l’adolescence ?
Un enfant naît avec beaucoup de talents : de l’empathie, de la curiosité… Il les développe à l’adolescence, en particulier la créativité, l’énergie, la loyauté. Pendant l’adolescence, il y a une fidélité dans l’amitié qui est très forte. Les jeunes se soutiennent beaucoup les uns les autres ; on peut utiliser cette force en tant qu’adultes. Ils peuvent nous aider, on peut les soutenir. Par ailleurs les adolescents de notre époque sont nés à l’ère numérique ; ils ont énormément de compétences dans ce domaine qui les aident à chercher des informations et à se connecter au monde entier pour répondre aux questions qu’ils se posent. Voyons-le comme un atout.
Comment encourager ces compétences ?
Il y a plusieurs façons. Laisser les adolescents partir à l’étranger, par exemple, pour découvrir, apprendre une langue, faire du bénévolat en Europe. Les laisser suivre des formations manuelles type CAP avant d’entrer à la faculté ou dans des écoles supérieures, comme cela se fait en Allemagne. Ils ont pour unique proposition la scolarisation qui n’est que du bachotage. Elle ne correspond pas à leur besoin de découvertes, à leur curiosité très intense. Il leur faut se connecter à l’authenticité des adultes. Les adolescents sont confrontés à des sujets qui les effraient, qui les inquiètent ; c’est pour eux la dernière ligne droite avant l’autonomie. Ils vont