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samedi 23 novembre 2024
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Avec « L’Ecole en bateau », le Campus des Transitions prône une pédagogie immersive

Le Campus des Transitions, antenne de Sciences Po Rennes située à Caen, forme aux métiers en lien avec l’urbanisme durable, les énergies ou encore l’aménagement du territoire. Pour célébrer ses 10 ans, l’école a organisé une «traversée pédagogique» pour ses 40 élèves de 4ème année. Un voyage de trois semaines en voilier, en vélo et en train jusqu’au Danemark, pour découvrir la vie en mer et ses contraintes, puis développer un projet à impact pour le territoire normand.

Lolita Couchène, 22 ans, n’aurait jamais imaginé devoir un jour réaliser des quarts sur un voilier, c’est-à-dire gérer de jour comme de nuit, par rotation à plusieurs, la navigation en mer. Encore moins dans le cadre de ses études. C’était sans compter le projet de voyage en voilier à destination du Danemark pour les étudiant.e.s de 4e année, organisé par son école, le Campus des Transitions, antenne caennaise de l’IEP de Rennes.

Co-financé par l’IEP et la région Normandie, ce projet s’inscrit dans la célébration des dix ans de l’école. «On souhaitait mettre en place un événement fondateur pour se projeter dans la pédagogie de demain : une pédagogie plus immersive, qui décloisonne davantage, transdisciplinaire», témoigne Nicolas Escach, Directeur du Campus des Transitions, qui promeut les «cours hors les murs» depuis ses débuts.

Ce n’est pas la destination qui compte…

Pour embarquer les 40 élèves 4e année dans cette «traversée pédagogique», trois groupes ont été constitués : certains sont partis ou revenus en voilier, d’autres ont fait le trajet en bus, et quelques uns ont voyagé en vélo essentiellement et en train, pour relever le défi des mobilités douces. «Comme cela faisait partie de leur projet, ces derniers ont même lancé une cagnotte de financement participatif (crowfunding) pour financer[1] leur périple», détaille Nicolas Escach. Parti.e.s le 22 octobre au départ de Caen, toutes et tous devaient se retrouver sur l’île danoise Samsø, modèle de transition énergétique, une semaine plus tard.

Lolita a eu «la chance» de monter à bord du voilier l’Aztec Lady sur le trajet du retour. L’occasion pour cette étudiante originaire du sud de découvrir et prendre part à la vie à bord, au même titre que l’équipage, composé de trois skippers. Se relayer toutes les douze heures pour préparer les repas, gérer la navigation en observant le large ou en barrant (choisir le cap en tenant la barre du bateau, ndlr)… Au-delà de ces techniques, cette «immersion» en mer a permis un «vrai apprentissage» de la gestion de l’espace et des ressources pour Lolita. «Sur le bateau, tout le monde était extrêmement attentif à la consommation d’eau, car on avait un stock limité d’eau potable ; cela nous a questionnés sur le gaspillage dû aux sanitaires… Cette expérience nous a aussi montré comment on peut vivre dans des espaces très restreints à beaucoup. Je me suis sentie beaucoup plus à l’aise sur ce voilier alors que nous étions treize, que dans mon studio de 17m². En fait on vit très bien comme cela, on ne se prive de rien, mais on vit juste avec le nécessaire.»

©Anaëlle Quiniou

Cette étudiante en master «Générations futures et transitions juridiques», était déjà sensibilisée aux enjeux de la sobriété. Mais elle a été confortée dans l’envie de vivre à l’avenir en collectivité, dans des communautés écologiques. Elle s’en sent désormais capable.

Inspiration danoise

Le choix de la destination s’est porté sur le Danemark en raison des expériences pionnières du pays dans les domaines des énergies renouvelables ou encore de la mobilité. «Sans être parfait, nuance Nicolas Escach. Certains de nos étudiants ont pu remettre en question la vision fantasmée de ce pays.» Le Directeur du Campus donne l’exemple du retour critique des élèves sur l’incinérateur de déchets à Copenhague transformé en piste de ski artificielle, connue sous le nom de Copenhill.

A l’inverse, plusieurs d’entres eux.elles ont été inspiré.e.s par la visite de la Den Grønne Friskole, une école de la capitale danoise qui enseigne la transition écologique. «Ce que j’ai trouvé vraiment marquant, c’est cette manière dont on apprenait aux enfants à gérer des projets et à ne pas porter seuls la charge du monde sur les épaules. Ils s’appliquent ainsi à être actifs à leur niveau», se remémore Lolita.

Noélyse Drean, camarade de master de Lolita, a quant à elle particulièrement apprécié la visite de l’Académie de l’énergie sur l’île de Samsø, où le groupe d’étudiant.e.s a pu rencontrer Søren Hermansen. Ce «héros de l’environnement», selon Time Magazine, a participé au déploiement des énergies renouvelables sur ce territoire insulaire en mobilisant la population, atteignant ainsi l’autosuffisance énergétique de l’île. « J’ai longtemps souhaité travailler dans des organisations nationales, voire internationales, pour avoir le plus d’impacts possibles, mais j’ai réalisé avec ce voyage à Samsø l’importance de l’échelle locale», confie Noélyse.

Lolita (1e à gauche) et Noélyse (3e à gauche) en visite à Copenhague.

Développer des projets à impact

En parallèle de leurs trajets et de leurs visites, ces étudiant.e.s de Caen devaient mener des « projets à impact », notamment pour le territoire normand, qui a financé en grande partie ce voyage. Des élèves ont expérimenté des cultures de micro-pousses en milieu marin ; une étudiante a ramassé des déchets plastiques pour les faire fondre et produire ensuite du mobilier pédagogique pour le campus ; un élève a collaboré avec le Centre de recherche sur l’environnement côtier de Luc-sur-Mer pour mesurer la saturation d’algues dans l’eau et niveau d’oxygène dans l’eau ; une autre a capté des sons de la mer (tempêtes, vagues, etc.) pour recréer des ambiances sonores, des immersions, pour les partager dans des espaces clos, tels que les maisons de retraite et les prisons.

«C’était très inspirant de voir se développer les divers projets au jour le jour», reconnaissent Lolita et Noélyse, qui ont participé quant à elles à la valorisation de ces travaux, notamment à travers des articles de presse qui rendaient compte du voyage. Un voyage qui a aussi «renforcé les liens entre les membres de cette promotion, dont les cours et les rencontres avaient été bouleversés par la crise sanitaire», rappelle Nicolas Escach.

Le directeur du Campus des Transitions souhaite organiser une exposition à la fin de l’année pour mettre en avant tout ce qui a été produit lors de ce voyage. Et peut-être donné une suite à ce périple, en invitant par exemple en cours les skippers, «fins connaisseurs du milieu marin» et «amateurs de low-tech». «C’est la plus belle expérience pédagogique que j’ai vécue, conclut Nicolas Escach, qui a participé au voyage. Il y a tout ce que l’on apprend, en termes de contenus, mais aussi l’envergure de la curiosité que cela a nourri.»

[1] Les autres étudiant.e.s n’avaient que les frais de bord à régler, soit les charges telles que l’alimentation.


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