Lilo, Qwant, Ecosia, Karma… Des moteurs de recherche émergent depuis quelques années comme une alternative au géant du Web, Google. Si ces plateformes ne réduisent pas l’empreinte carbone de notre navigation, elles assurent une meilleure protection de nos données personnelles, et reversent pour certaines, une grande partie de leurs revenus publicitaires à des associations environnementales et/ou solidaires.
En recherchant une information sur internet – ce qui découlerait sur la consultation de cinq pages web -, on consommerait dix grammes équivalent de CO2, selon l’ADEME. Certaines pratiques en ligne, comme taper directement l’adresse URL d’un site, permettent de réduire l’empreinte carbone de notre navigation. Changer de moteur de recherche, en privilégiant des plateformes alternatives à Google, est souvent présenté comme l’une d’entre elles.
Techniquement, en préférant un moteur de recherche alternatif, comme Lilo, à des géants tels que Google, Bing ou Yahoo, on ne diminue pas directement les émissions de serre générées, les deux s’appuyant sur des technologies similaires. Cependant Lilo, Ecosia, Ecogine ou encore Karma reversent une grande partie de leurs bénéfices à des causes humanitaires, sociales ou environnementales.
Ces plateformes génèrent des revenus grâce à la publicité, c’est-à-dire les liens sponsorisés qui s’affichent en haut des pages de navigation. Ce marché de la publicité lié aux moteurs de recherche représente 185 milliards de dollars par an, et est capté encore à 92% par Google. Mais contrairement à cet ogre d’internet, Lilo, Ecosia ou encore Karma ne pratiquent pas la « publicité ciblée » : pour produire les liens sponsorisés, ces plateformes utilisent les mots clés et l’emplacement des usagers, et non leur historique et leurs centres d’intérêt (adresses IP anonymisées, pas de sauvegarde de l’historique sur le long terme, etc.). Il n’y a donc pas de stockage ou de revente des données personnelles à des annonceurs. Des moteurs tels que Qwant et DuckDuckGo ont d’ailleurs fait de la protection des données confidentielles leur cheval de bataille.
Malgré ces atouts, ces plateformes alternatives représentent à ce jour moins de 1% des parts du marché mondial des moteurs de recherche, dominé largement par Google.
- Lilo, au service de projets écologiques et solidaires
Lancé en 2015, ce moteur de recherche français reverse la moitié de l’argent généré par la publicité à des projets sociaux et environnementaux. Le principe de Lilo est simple : une recherche est égale à une goutte d’eau, et mille gouttes d’eau valent environ deux euros. Les internautes choisissent ensuite à quel projet ils vont donner leurs gouttes d’eau, afin qu’un projet soit sélectionné et financé chaque semaine.
Pour assurer la pertinence de ses résultats, Lilo interroge lors d’une recherche à la fois les serveurs de Google, Yahoo, et Bing (moteur de recherche Microsoft, ndlr) ; il ne s’agit donc pas à proprement parler d’un moteur de recherche, mais d’un métamoteur : un moteur de recherche qui base ses résultats sur d’autres moteurs. Par conséquent, il y a un partage des revenus Google, Bing ou Yahoo, qui récupèrent une partie des recettes publicitaires.
Lilo compte aujourd’hui plus de 600 000 utilisateurs.
Lire aussi : Lilo, le moteur de recherche qui finance des projets solidaires
- Ecosia, un fond de reforestation
Avec environ 15 millions d’utilisateurs, Ecosia est sans doute le moteur de recherche « vert » le plus connu du marché. Fondée en 2009, cette entreprise allemande à but non lucratif (c’est-à-dire qu’elle ne verse pas de dividendes à des actionnaires, ndlr) redistribue 80% de ses bénéfices à un programme de reforestation dans l’hémisphère sud (au Sénégal, au Pérou, à Madagascar, au Brésil, etc., contrôlé sur place par des experts en agro-écologie, et des spécialistes de l’agro-foresterie. Il faut compter environ 45 recherches pour permettre la plantation d’un arbre. A ce jour, plus de 150 000 arbres sont sortis de terre grâce au moteur de recherche.
Pour les publicités et les résultats de recherches, Ecosia s’appuie sur le moteur de recherche de Microsoft, Bing, avec qui il partage donc ses revenus publicitaires.
- Karma, des revenus destinés à la protection du vivant
C’est le benjamin des moteurs de recherche alternatifs. Lancé le 22 mai 2022, Karma reverse 50% de ses revenus à trois associations partenaires : L214, l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages (l’ASPAS), et Notre Affaire à Tous. Leur point commun : elles ont pour mission la protection du vivant, et privilégient la prévention à la réparation ou la compensation (lobbying, rachats de terrains forestiers, etc.). L’entreprise française souhaite sensibiliser à la crise de la biodiversité, « trop méconnue par rapport à la crise climatique » (et pourtant liée) selon le co-fondateur, Yann Kandelman.
Afin de rendre les internautes « acteurs du changement » (« Karma » est issu de « karman » en sanskrit, qui signifie « action »), le moteur de recherche a mis en place sur sa page d’accueil un fil d’actualité, « Learn & Act », sur lequel on peut retrouver des articles, des vidéos, en lien avec l’environnement, ainsi que des pétitions et des « défis écologiques ».
Pour optimiser son index de recherche, Karma utilise les algorithmes de Microsoft (Bing).
Tout comme Ecosia, et contrairement à Lilo, il s’agit d’une entreprise à but non lucratif.
- Ecogine, le moteur de recherche associatif
Il s’agit du seul moteur de recherche associatif, dont tous les bénéfices sont reversés à des associations environnementales choisies par le vote des internautes. Fondé en 2008 en France, Ecogine s’appuie sur les résultats de recherche de Google France, ainsi que sur sa régie publicitaire. Ce partenariat avec ce géant du Web permet à l’association de collecter 75% des recettes publicitaires générées par les utilisateurs.
Chaque recherche rapporte 0,0021 centimes d’euros en moyenne à Ecogine. Ainsi pour 1000 recherches, ce sont 2,10 EUR qui sont récoltés et reversés aux associations.
Ces dernières sont sélectionnées suite à un vote proposé aux internautes 1 à 2 fois par an, en fonction des sommes allouables ; elles peuvent être suggérées par les utilisateurs au préalable. En octobre 2021, Ecogine a par exemple reversé 3 000 euros à l’association Etats sauvages et 2 000 euros à l’association Pays de l’Ours Adet.
Petit bémol : en termes de politique de confidentialité, faire une recherche sur Ecogine.org ou sur Google revient au même. Le moteur de recherche intermédiaire ne stocke pas néanmoins, ne diffuse pas, ne vend ou ne donne aucune information concernant les recherches.
- Les moteurs « anti-tracking » : Qwant et DuckDuckGo
Face à Google, et ses politiques de confidentialités souvent critiquées, des moteurs de recherche ont émergé pour faire de la protection des données personnelles des usagers leur priorité. Pas de dons à des associations donc, mais une attention particulière au respect de la vie privée de leurs utilisateurs. Tout comme les autres moteurs de recherche, ils se financent sur l’affichage des publicités sur leurs pages.
Parmi ces moteurs de recherche « éthiques », on peut citer le français Qwant. Contrairement aux plateformes citées plus haut, qui s’appuient sur les algorithmes de Google et de Bing pour optimiser les recherches – et qui sont donc des « métamoteurs » -, Qwant a ses propres outils pour indexer le web. Néanmoins il a noué un partenariat de longue date avec Microsoft, afin de compléter ses résultats avec ceux de Bing.
Moins de publicités et des publicités non ciblées (basées sur les mots clés), requêtes chiffrées… Ce moteur de recherche « Made in France » est aujourd’hui plébiscité par l’administration publique française, comme le Ministère des armées. Qwant se décline désormais dans une version junior, à destination des enfants de 6 à 13 ans. Cette plateforme a pour but de protéger les plus jeunes des contenus violents ou inappropriés qui circulent sur le net.
Outre-Atlantique, DuckDuckGo n’enregistre pas les recherches des internautes, ni leur adresse IP et ne trace pas leur navigation à l’aide de cookies. Créée en 2008 – l’un des tous premiers moteurs de recherche alternatifs – l’entreprise américaine décode par exemple les politiques de confidentialité des principaux sites et services Internet, et leur donne une note de A à F, ce qui permet aux utilisateurs de savoir leur niveau de protection ou s’ils sont pistés. Mais le 25 mai dernier, un chercheur en cybersécurité, Zach Edwards, a révélé que certains sites appartenant à Microsoft – DuckDuckGo s’appuie sur Bing pour ses résultats de requête -, comme LinkedIn, récupèrent les données personnelles des usagers du moteur de recherche. DuckDuckGo bloque donc les trackers de tous les domaines du Web… à l’exception de ceux appartenant à son partenaire.
Moins connu, mais toujours dans une approche vertueuse en matière de protection de la vie privée, le moteur de recherche Brave Search se développe peu à peu au sein du navigateur Brave (qui utilisait auparavant Qwant comme moteur de recherche en France, ndlr), créé par le co-fondateur de Mozilla Firefox. Avec son propre index de recherches (indépendant de Google, Bing ou Yahoo), Brave Search propose une version gratuite avec des publicités et une version payante sans publicité. En affichant des annonces, l’internaute est également récompensé en cryptomonnaie (monnaie virtuelle, ndlr) à hauteur de 15% des revenus générés.
Soutenir financièrement des associations, protéger ses données personnelles, privilégier des petites entreprises… Quelque soit votre motivation, vous trouverez votre bonheur parmi les moteurs de recherches alternatifs.
Internet en chiffres :
-Les émissions de serre générées par le numérique :
28% dues aux infrastructures réseau
25% dues aux data centers
47% dues aux équipements des consommateurs (ordinateurs, smartphones, tablettes, objets connectés)
– Internet au niveau mondial
45 millions de serveurs
800 millions d’équipements réseaux (routeurs, box ADSL…)
15 milliards d’objets connectés en 2018 et 46 milliards attendus en 2030
180 millions de recherches Google en une heure
-15 000 km : c’est la distance moyenne parcourue par une donnée numérique (mail, téléchargement, vidéo, requête web…)
– 89% des Français utilisent Internet dont 80 % tous les jours, en moyenne 18h par semaine
Source : Guide pratique de la face cachée du numérique, ADEME (édition 2019)
Lire aussi :
Naviguer sur internet : guide des bonnes pratiques
Comment réduire son empreinte carbone ?
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