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mardi 3 décembre 2024
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Le recyclage textile: solution pour sortir de la fast-fashion écocidaire ?

Pièce de tissu recyclé © Later

Pour réguler drastiquement les émissions de gaz à effets de serre, la production vestimentaire – deuxième industrie la plus polluante au monde – devrait être divisée par trois d’ici à 2050. Or, 100 000 tonnes de vêtements sont jetées chaque année en France. Devant l’ampleur des dégâts, les entreprises de recyclage textile se multiplient. Pour quel impact environnemental ?

Aujourd’hui, on peut « prédire la prochaine couleur à la mode en regardant celle des rivières », déplore Orsola de Castro, co-fondatrice du mouvement Fashion Revolution. D’après l’enquête “Dirty Laundry” (linge sale, en français) menée en 2011 par Greenpeace, 70% des eaux des rivières et lacs en Asie sont pollués, en raison notamment de l’industrie textile. Celle-ci émet en effet 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre chaque année, soit plus que les vols internationaux et le trafic maritime réunis !

Augmentant sans cesse depuis les années 2000, la surproduction de vêtements dans le monde est une réalité qui se solde chaque année par la mise en benne de 4 millions de tonnes de textiles, « dont 80% sont jetés dans la poubelle pour les ordures ménagères et finissent par être tout simplement enfouis ou incinérés », selon l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Énergie (Ademe).

Quant aux fibres synthétiques (polyester, acrylique, élasthanne), elles représentent une consommation mondiale d’or noir équivalente à celle de  l’Espagne ! Or le secteur textile, pour contribuer à limiter le réchauffement à moins de 1,5°C, devra diviser ses émissions de gaz à effet de serre par trois d’ici 2050[1]. Pour faire face à ce tableau accablant, et tendre vers cet objectif, des filières locales de collecte, de tri et de recyclage se multiplient en économie circulaire depuis quelques années.

Ces entreprises s’engagent à être écoresponsables de A à Z dans le processus de fabrication. Pour Hopaal, marque certifiée GRS (Global Recycle Standard), l’utilisation de fibres recyclées et le respect de critères sociaux et environnementaux, en réduisant au minimum le transport des matières, va jouer un rôle déterminant : « Plus nous recyclons, moins nous détruisons. Les fibres recyclées de nos vêtements sont obtenues à partir de chutes de production en coton biologique (certifiées GOTS), de bouteilles en plastique ou de vêtements usagés », peut-on lire sur le site web de l’entreprise.

Ne produisant qu’en petites quantités, La mécanique du pull se positionne, quant à elle, en faveur d’une production et d’une consommation raisonnées et s’engage également à n’utiliser que des matières recyclées, biologiques ou en fibres naturelles, certifiées et soigneusement sélectionnées en France, en Italie et en Espagne. Sur leur site internet, il est précisé que « n’impliquer aucune production de matière supplémentaire, aucune teinture polluante, permet une économie d’environ 99% d’eau et de 78% d’énergie ».

Later, entreprise rennaise de vêtements 100% recyclés, née en janvier 2019, produit de son côté des vêtements conçus uniquement à partir du recyclage des fibres textiles de vêtements de seconde main ou en fin de vie. D’après ses créateurs, Benjamin Hooge et Benoît Tardif, deux quadragénaires, l’approche prédatrice actuelle des industries textiles et de la mode va droit dans le mur : « Les 100 000 tonnes de vêtements qui sont jetées chaque année en France, c’est notre matière première ». L’entreprise choisit les matières qu’elle recycle, et limite l’impact écologique en minimisant ses consommations, privilégiant les partenaires locaux ou ceux qui partagent ces valeurs, comme Les filatures du Parc, spécialistes de la laine.

Chemise faite à partir de textiles recyclés © Later

Impacts écologiques et sociaux

Avant de prendre toutes décisions, les créateurs de Later se questionnent systématiquement sur les impacts écologiques et sociaux : « Peut-on continuer indéfiniment ? Qui aidons-nous ? Sur qui avons-nous un impact négatif ? Et comment trouver le meilleur équilibre entre les deux ? », précise Benjamin Hooge.

Or, concernant le recyclage de fibres textiles, « le développement d’une industrie du recyclage efficiente et performante nécessite une excellente connaissance des matières composant les textiles », nous informe le cabinet Terra, qui a publié en mars 2023 un compte-rendu portant sur deux études, réalisées pendant 18 mois, pour acquérir une meilleure connaissance des flux entrants et sortants des centres de tri.

Résultat : les articles conçus avec une matière pure (100% coton, 100% polyester, etc.) représentent 55% de ces pièces et les mélanges de deux matières en représentent 35%. Les mélanges de matières sont considérés comme des perturbateurs car ils sont plus complexes à recycler.

Dans cette dynamique, l’Ademe a publié, en mai 2017, une étude qui compare le bilan carbone de deux fils en coton, l’un recyclé et l’autre vierge. Victoire du fil de coton recyclé, qui émet 1.4 kg éq. CO2 contre 16 Kg eq. CO/KG pour le fil de coton conventionnel.

Champ de coton © Pixabay

Ce que confirment Les filatures du Parc, pour qui les compositions recyclées sont à 98% moins impactantes que s’ils fabriquaient un fil issu de matières vierges. D’autant qu’ils évitent la teinture et, élément clé, produisent en quantités très raisonnables.

Installées à Brassac dans le Tarn, Les filatures du Parc, entreprise familiale depuis 1976, privilégient depuis 2007 le recyclage de fibres textiles (85% désormais de leur activité) à partir de chutes de bonneterie et de vêtements en fin de vie. Après le tri effectué en relais (Emmaüs, etc.), ils réalisent un classement des matières par nuances de couleurs, et obtiennent ensuite les coloris attendus par mélange des différentes fibres. Les partenaires qui répondent à leur cahier des charges vont ensuite délisser les pièces (retirer les corps durs : boutons, zips, étiquettes…), et ne garder que la maille, qui sera ensuite transformée en fibre avec laquelle on va refaire du fil.

Pour leur client Later, ils fabriquent de la matière issue de la laine principalement, qui servira à la confection de pulls, vestes, bonnets, chaussettes.

Éric Gunzle, responsable commercial des Filatures du Parc, confirme la forte augmentation de leur activité ces derniers temps : « On est en plein boom aujourd’hui, c’est en train d’exploser, on est beaucoup sollicités ». En particulier depuis la loi AGEC (Anti Gaspillage pour une Économie Circulaire) du 1er janvier 2023, qui oblige marques, fournisseurs et confectionneurs à se responsabiliser en revalorisant leurs déchets et à informer les consommateurs en toute transparence.

 « On est arrivé au bout d’un système, le recyclage devient primordial. Il est entré dans les mœurs : les nouvelles générations sont hautement sensibles à ces questions, avec la naissance de nombreuses start-ups en quelques années, face aux ravages de la fast-fashion », poursuit Éric Gunzle.

Vêtements moins polluants

Concernant le bilan carbone lié aux dépenses énergétiques de la production textile (eau, électricité et transports principalement), des Analyses de Cycle de Vie (ACV), sont faites régulièrement à chaque étape de la filière (tri, filature, fabrication et distribution), pour comparer les dépenses entre le recyclage et la fabrication de vêtements non recyclés. Ces analyses démontrent la valeur du recyclage sur le plan écologique.

Toutefois, si ces études sur le recyclage textile mettent en avant les réels avantages énergétiques de cette chaîne de fabrication, faire du neuf avec du vieux induit une logistique coûteuse pour les entreprises : les vêtements moins polluants sont en effet créés pour être solides, donc plus lourds, nécessitent également de l’énergie pour leur transport, et génèrent eux aussi une empreinte carbone, même moindre. De fait, sur ce plan, l’impact environnemental sera donc moins important pour une activité locale qui évitera le transport aérien.

Par ailleurs, la séparation mécanique des fils mélangés dans les matières recyclables n’est pas encore possible et se fait toujours chimiquement. Enfin, le polyester, matière la moins chère dans l’industrie textile et une des plus polluantes, est lui aussi très recyclé, même si un polyester biodégradable non issu du pétrole est actuellement à l’étude.

Filature de laine recyclée © Later

Autre enjeu, le frein majeur au changement d’habitudes des consommateurs, qui est aussi d’ordre budgétaire, comme le montre la tendance à privilégier les achats de vêtements d’occasion plutôt que l’acquisition de vêtements recyclés.

À la lumière des analyses comparatives, force est de constater les bienfaits apportés à l’environnement par le recyclage. Il est ainsi souhaitable que vivent et se multiplient les entreprises de fabrication de vêtements recyclés. Sur la base d’une consommation réfléchie, privilégier la production locale de vêtements faits à partir de matières recyclées et conçus pour être durables est donc devenu la solution la plus écologique. Certes, les prix de la mode durable ne sont pas encore à la portée de toutes les bourses écoresponsables, qui choisissent aussi la seconde main. Mais le marché d’occasion est le point de départ du recyclage textile : c’est en allant au bout de la vie d’un vêtement et en le déposant en Relais que l’on peut ensuite le recycler, jusqu’à deux fois. Son vêtement préféré peut donc avoir trois vies !

[1] (Loi de Transition Énergétique pour la Croissance Verte (LTECV), La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC).


Pour accélérer l’industrialisation du recyclage textile

Selon Refashion, l’éco-organisme de la Filière Textile d’habillement, 3 conditions sont indispensables pour accélérer l’industrialisation du recyclage des textiles et chaussures usagés non-réutilisables, en France et en Europe :

  • Des marchés demandeurs de matières recyclées : il s’agit de la première condition pour qualifier les besoins et développer des outils adaptés.
  • Un gisement trié par matières et préparé selon les besoins des recycleurs pour optimiser le circuit, qui comporte encore de nombreux perturbateurs au recyclage.
  • Des process et des technologies pour industrialiser le surtri et la préparation, et automatiser les process.

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