Économie circulaire et Zéro déchet

Echanger plutôt qu’acheter les vêtements pour enfants

Par Alicia Blancher, le 30 septembre 2022

Martin Letellier a ouvert sa boutique d'échanges de vêtements pour enfants, Bibou, il y a tout juste un mois à Rennes©AB

La gestion des vêtements des enfants apparaît souvent comme un véritable casse-tête pour les parents. Car la taille d’un bambin peut varier jusqu’à huit fois en trois ans. Pour des raisons économiques et écologiques, certaines familles se prêtent et s’échangent pantalons, manteaux ou encore chaussures. La boutique Bibou, implantée à Rennes, propose ce système d’échange, mais à l’échelle d’une ville.

On monte un étage, on traverse une salle de classe, on admire les peintures au mur tout en suivant les petits panneaux « Bibou c’est par là ». Cette boutique d’échange de vêtements d’enfants est nichée au cœur d’un véritable labyrinthe à Rennes, l’Hôtel Pasteur : un tiers-lieu qui accueille une école maternelle, un site dédié aux savoirs pédagogiques et numériques et divers projets multidisciplinaires ouverts à tous, de « 3 heures à 3 mois ». Martin Letellier, fondateur de Bibou, fait partie des porteurs de projet et occupants temporaires du lieu. En nous accueillant à l’entrée de sa boutique un peu particulière, ce jeune père de famille reconnaît les difficultés pour la trouver, mais ne s’en plaint pas : « C’est un peu le jeu aussi », sourit-il.

Après avoir testé l’échange de vêtements pour enfants dans un magasin éphémère au sud de Rennes, cet ancien salarié de la « Tech » expérimente de nouveau son concept pendant trois mois au sein de l’Hôtel Pasteur, jusqu’à fin janvier 2023. Le principe est simple : les parents viennent déposer des vêtements trop petits, des jouets ou des accessoires de puériculture, et obtiennent des « Bib », des crédits avec lesquels ils récupèrent d’autres biens en échange. Par exemple, un pyjama vaut 2 Bib, tandis qu’un manteau d’hiver en vaut 4. Et ce quelle que soit la marque, qui ne doit pas influer sur la valeur de l’objet. « C’est la question de l’usage qui doit primer », insiste Martin Letellier qui entend favoriser l’économie de la fonctionnalité et non la propriété en tant que telle.

Pour accéder aux services de Bibou, les parents paient un abonnement mensuel (20 euros) ou trimestriel (50 euros)[1] pour des échanges illimités, ou bien ils peuvent acheter des pièces à l’unité à des tarifs allant de deux à dix euros, en échange d’un don de vêtement.

En trois mois (d’octobre à décembre 2022), Bibou a permis la circulation de 3 000 vêtements d’enfants de 0 à 6 ans. ©AB

« Recréer ce que l’on fait avec nos proches »

La boutique ne récupère que les vêtements en parfait état. En ce qui concerne les pièces qui ne rentreraient pas dans les clous, Martin Letellier en fait don à l’association Un petit bagage d’amour. Cette association nationale, dont une des antennes locales est située près de Rennes, met à disposition des femmes et mères en difficultés sociales et financières des vêtements pour leurs nouveaux nés. Au moment de notre passage, le fondateur de Bibou prépare justement un carton pour l’association.

Ce dernier a quitté son emploi de chef de produit dans l’informatique il y a un an pour « avoir un impact environnemental plus fort ». Alors qu’il était papa à ce moment-là de deux enfants en bas-âge, la question de la gestion des vêtements lui est vite apparue problématique, d’un point de vue organisationnel et écologique. Pour rappel, un enfant porte en moyenne 300 vêtements dans ses trois premières années, et un body nécessite par exemple 452 litres d’eau pour être conçu.

« Simplifier au maximum la logistique des parents »

« Dans mon ancien métier, je cherchais des solutions digitales efficaces pour répondre à des problèmes précis. En ouvrant cette boutique, je souhaite apporter une solution pour mieux consommer dans le domaine du textile, et simplifier au maximum la logistique des parents », relate le père de famille, qui a longtemps eu tendance à accumuler les vêtements de ses enfants, sans savoir comment vider les placards ensuite.

L’intérêt de Bibou est donc pour Martin Letellier de « recréer ce que l’on fait avec nos proches » de manière informelle mais via un intermédiaire. « Souvent on se prête, on se donne des vêtements frères, cousins ou amis. Je souhaitais généraliser cela à l’échelle d’une ville avec un tiers de confiance qui centralise les stocks, qui s’assure que les vêtements sont en bon état, etc. »

La boutique Bibou propose également à l’échange des jouets ou encore des accessoires de puériculture. ©AB

Repenser la seconde main

Face à la prise de conscience de la pollution du monde de la mode, qui émet 1,2 millions de tonnes de CO2 chaque année, et du gaspillage qui s’ensuit – 30% à 40% d’un vestiaire n’est jamais porté -, le marché de l’occasion est en plein boom. Mais pour le créateur de Bibou, les dépôt-vente peuvent vite revenir chers étant donné que la marge se fait sur chaque pièce dans ces enseignes, contrairement aux magasins d’échange.

Casa Mirabelles à Marseille, Eskemm Boutik à Morlaix, Greendy Pact à Lille… Les boutiques d’échange fleurissent peu à peu sur le territoire. Une alternative également aux sites de seconde-main comme Vinted ou Leboncoin, qui peuvent vite devenir « chronophages » selon Martin Letellier, voire contre-productives d’un point de vue environnemental, en incitant à l’achat régulier.

Mais grâce à l’expérimentation à l’Hôtel Pasteur, le fondateur de Bibou a aussi pris conscience des freins à l’utilisation de sa boutique. Il a par exemple étendu son offre de vêtements aux enfants jusqu’à 6 ans (0-3 ans avant, ndlr) afin de simplifier la tâche aux parents de fratries, et propose désormais des carnets d’échanges, et pas seulement des abonnements, qui peuvent freiner certaines familles pour des raisons économiques.

Si l’expérimentation aboutit favorablement, Martin Letellier souhaiterait ouvrir un lieu permanent à Rennes. Et par la suite, pourquoi pas, essaimer le projet et créer des Bibou un peu partout en France.
 

[1] Dans le cas d’une fermeture définitive de la boutique, les client.e.s seront remboursés au prorata, avec la possibilité de venir chercher les biens déposés.



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