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jeudi 21 novembre 2024
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Carrefour impliqué dans la déforestation au Brésil

Alors que la déforestation ne cesse de s’intensifier depuis quelques années au Brésil, l’ONG internationale Mighty Earth, spécialiste de la préservation des forêts et du climat, révèle dans une nouvelle enquête les liens directs entre des produits animaux vendus par Carrefour et la destruction de l’Amazonie. Avec sa campagne #Carrefournousenfume, l’association entend contraindre le groupe à changer de fournisseurs, et créer un effet d’entrainement sur toute la filière.

C’est le 5 septembre, à l’occasion de la Journée mondiale de l’Amazonie, que l’ONG Mighty Earth a dénoncé la responsabilité majeure du groupe Carrefour dans la déforestation au Brésil. Rapport long de 39 pages à l’appui, l’ONG internationale de plaidoyer qui œuvre pour la protection des forêts tropicales, des océans et du climat, a révélé que le groupe français s’approvisionne auprès de fournisseurs aux pratiques dévastatrices, tels que JBS (la plus grande entreprise de viande bovine au monde), Bunge et Cargill (importateurs de soja). Pour des produits commercialisés en France, mais aussi au Brésil.

En effet, suite au rachat des supermarchés BIG en juin 2022, Carrefour est devenu le leader de la grande distribution dans le pays dirigé par Jair Bolsonaro. L’enquête de Mighty Earth met en lumière que deux tiers des 102 produits de viande répertoriés vendus par l’enseigne commerciale au Brésil proviennent de l’entreprise JBS. Cette société leader de la viande dans le monde est régulièrement pointée du doigt pour des cas de déforestation illégale dans sa chaîne d’approvisionnement.

Les rayons de la marque Carrefour en France ne sont pas davantage épargnés. Et pour cause, LDC, le principal fournisseur de poulet et d’œufs pour le groupe dans l’hexagone, s’approvisionne en soja auprès de la société Bunge, l’importateur de soja le plus impliqué dans la déforestation de l’Amazonie.

Des feux illégaux identifiés en Amazonie Brésilienne lors d’une investigation dans la chaîne d’approvisionnement de bœuf. ©Mighty Earth 2022

Cette divulgation intervient dans un contexte environnemental très préoccupant au Brésil, où la déforestation et les feux s’intensifient ces dernières années. En cause : la priorité donnée à l’élevage et à l’agriculture (notamment pour la production de soja), responsables de 97% de la déforestation. L’arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro en 2019 n’a fait qu’accélérer ce processus destructeur pour la forêt et ses habitants (voir encadré ci-dessous).

L’exemple de l’huile de palme

Carrefour est associée de longue date à des cas de déforestation. Dès 2019, le groupe de recherche Chain Reaction Research avait déjà révélé dans un rapport cette complicité de l’enseigne française, suivie d’une enquête de Disclose, ONG d’investigation, publiée en 2020. L’entreprise s’était alors engagée à supprimer la déforestation et la dégradation forestière des principales chaînes d’approvisionnement ; Alexandre Bompard, PDG du groupe, avait rejoint La Forest Positive Coalition du Consumer Goods Forum (CGF) en 2020.

Pourtant la chaîne d’hypermarchés commercialise toujours des produits issus de la déforestation comme le révèle Mighty Earth. L’ONG a entamé des discussions avec Carrefour afin que l’enseigne mette un terme à ses relations commerciales problématiques. Elle réclame « des produits sans déforestation et d’assurer la traçabilité ainsi que la transparence sur l’origine des produits vendus dans les différents magasins du groupe dans le monde ». Malgré l’envoi de ces demandes début juillet, aucune évolution de leur politique n’a été annoncée de la part du groupe français. L’ONG a donc lancé une campagne sur les réseaux sociaux depuis hier le 5 septembre, #CarrefourNousEnfume, afin d’accentuer la pression sur la marque. Suite à la publication du rapport, Carine Kraus, directrice de l’Engagement du groupe a déclaré à l’AFP que l’entreprise « se mobilise beaucoup sur le sujet de la déforestation ». Et de rappeler que Carrefour Brésil a annoncé vendredi 2 septembre la création d’un « comité forêt » doté d’un « panel d’expert s» sur la déforestation. L’objectif : réduire de 50% d’ici 2026 et 100% en 2030 ses approvisionnements provenant de zones considérées comme particulièrement en danger.

Deuxième supermarché en Europe et propriétaire de plus de 12 000 magasins dans le monde, Carrefour pourrait avoir un impact considérable sur toute la filière en changeant ses pratiques estime l’association, qui espère reproduire le même effet d’entrainement qui est survenu avec le scandale de l’huile de palme. En cinq ans, la déforestation liée à cette huile, produite principalement en Indonésie, aurait diminué de 95%. Suite aux campagnes d’ONG pour dénoncer les ravages environnementaux de ces plantations sur les forêts d’Asie du Sud-Est, les plus gros industriels concernés ont commencé à demander aux planteurs de changer leur mode de production. Les engagements « Zéro déforestation » pris par une grande partie des acteurs intermédiaires, sous la pression d’associations et de consommateurs, ont aussi été primordiaux pour atteindre ce but.


Déforestation et exactions envers les peuples autochtones

Depuis 2019, la déforestation a augmenté de 75% par rapport à la décennie précédente au Brésil, selon une étude réalisée par Mapbiomas. Un massacre en toute impunité qui s’effectue au détriment de la biodiversité, du climat et des peuples autochtones qui y vivent ou sont chassés de leurs terres. Le phénomène aurait même augmenté de 20.1% dans le pays en 2021. Le rapport produit par Mapbiomas entre 1985 et 2020 illustre par les cartes la croissance de l’aire réservée à l’élevage au Brésil, qui a augmenté de 39%. De même que la superficie des zones de culture du soja (le Brésil est le plus grand producteur et exportateur de soja au monde, ndrl) ne cesse de croître depuis 1985, et notamment dans la région du Cerrado, de la Mata Atlantica et de l’Amazonie, Ces productions sont les deux principaux vecteurs de la déforestation. Selon certains scientifiques, la plus grande forêt tropicale du monde pourrait bientôt atteindre un point de bascule et devenir une savane relâchant l’équivalent de deux années d’émissions de gaz à effet de serre stockés jusque-là.

La forêt amazonienne dévastée par des feux illégaux. ©Mighty Earth 2022

Avec 3 358 feux déclarés en une seule journée, l’Amazonie a battu un triste record le 22 août dernier. Cette intensification des incendies et de la déforestation s’explique en partie par les prochaines élections présidentielles au Brésil. Car l’année année 2022 pourrait bien être la dernière année du président Bolsonaro au pouvoir. S’il n’est pas réélu aux présidentielles du mois d’octobre, le contrôle des crimes environnementaux pourrait être renforcé par le nouveau dirigeant ; les acteurs de la déforestation ont intensifié leurs activités illégales ces derniers mois.

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