Alimentation et Permaculture

Retour à la terre en Île-de-France



Une étude d’Emmanuel Bailly (voir l’ouvrage Terre d’avenir, coécrit avec Philippe Desbrosses) montre que la France est presque autonome à l’échelle nationale (à 93 %) mais que la disparité au sein du territoire est phénoménale. L’Île-de-France, premier bassin de population (12 millions d’habitants) est autonome à moins de 5 % pour la viande, 5 % pour les fruits, et 10 % pour les légumes. Pourtant quelques irréductibles Franciliens ouvrent la voie pour acquérir davantage d’indépendance.

Une traite d’union à Sarcelles

Un îlot de campagne au cœur de la cité, comme un acte de résistance. Au pied des grands ensembles de Sarcelles-Lochères (le premier réalisé et le plus vaste grand ensemble de France : 12 368 logements) la ferme Lemoine est une bulle d’oxygène. Elle a résisté à l’étalement urbain des années 1950-1970. Mais les Lemoine ne restent pas là pour le folklore. Ils perpétuent le savoir faire de trois générations et fournissent le lait non pasteurisé à une partie de la population des environs. Une population très sensible à cette ressource naturelle de proximité.

« 90 % de nos clients sont des personnes originaires du continent africain. Quand ils arrivent en France, ils sont perdus dans cet univers bétonné, alors qu’ils avaient l’habitude du contact avec la nature. Ils sont plus reliés à la terre que les Européens », confie l’un des quatre cousins Lemoine qui se sent très à l’aise dans ce contexte. « Tous les jours, nous vendons l’intégralité de notre production laitière (entre 150 et 200 litres de lait par jour pour 27 vaches)  dans notre petit magasin ouvert sept jours sur sept. La traite des vaches, c’est tous les jours ! »

Un modèle qui ferait rêver plus d’un agriculteur. Ici, quatre personnes vivent de l’exploitation sans aucune subvention (« C’est trop de paperasse »), tout en respectant le rythme de lactation des vaches. Et au petit-fils Lemoine de conclure : « Nous sommes mieux lotis que nos cousins agriculteurs en Normandie. Ici, tous les jours, une centaine de personnes passent à la ferme. Chez eux, au mieux, il n’y a que le facteur. »

95 ferme sarcelles PG (28)

L’humus de Paris intra-muros

C’est cette proximité avec la nature que Jean-Jacques Fasquel a réintroduite dans une résidence de 540 logements en plein cœur de Paris. En 2007, il propose à Paris Habitat (un organisme de logement social) de mettre en place des bacs à compost pour que les personnes volontaires puissent venir déposer leurs déchets organiques. Le bailleur social accepte. Quarante personnes sont intéressées. Pendant un an, ils remplissent les bacs mis en place par Jean-Jacques, maître composteur.

Après un an de récolte, le groupe décide naturellement de se servir de cet humus pour réaliser un jardin. Paris Habitat les aide dans cette démarche en subventionnant l’achat d’outils et la construction d’une cabane de jardin. Certes, la surface est minime (chaque bénéficiaire ne dispose que de 2 m² à cultiver), mais c’est un pas de géant pour l’humanité. Ces surfaces permettent aux uns d’être autosuffisants en tomates ou en radis, aux autres de faire de la pédagogie maraîchère avec leurs enfants qui ne connaissaient que les légumes sous vide, mais aussi de tisser du lien avec des voisins qu’ils n’osaient pas aborder dans ce grand ensemble. Forts de cette dynamique, les jardiniers ont planté deux arbres fruitiers et posé des ruches. Pour donner davantage d’ampleur à cette aventure, Jean-Jacques Fasquel rêve d’investir les toits pour faire pousser des pommes de terre !

75 jardin Paris (20) - retour à la terre

Ils sèment en Essonne

Plus au sud, en Essonne, Jérôme et Laurent sont restés les pieds sur terre… enfin pas tout à fait. En 1995, quand ils présentent leur mémoire de fin d’étude agricole axé sur une approche écologique, ils sont recalés – leur vision dérange le système en place. Cette déconvenue décuple leur envie de proposer un autre modèle d’agriculture. Après avoir présenté un nouveau mémoire dans la ligne du programme pour obtenir leur diplôme, ils se lancent dans le maraîchage bio. Une vraie révolution à l’époque et un vrai défi. La profession de maraîcher n’était pas prévue dans leur programme et ils s’installaient sur un bout de parcelle laissé en prairie par le père de Jérôme, qui depuis trente ans exploitait sa ferme selon les techniques conventionnelles. Ils le reconnaissent, « les trois premières années furent difficiles ».

En 2000, les clients intéressés par les légumes bio étaient rares, « et en plus nous dépendions trop de la saisonnalité des récoltes, en hiver on ne peut se contenter de ne vendre que des légumes de garde ». C’est un fin mélange d’autonomie et de solidarité qui leur a permis de passer le cap. Bien qu’indépendants d’un point de vue fiscal et administratif, ils achètent ensemble matériel, graines, etc. et travaillent la terre conjointement : « Cela facilite la tâche et donne du baume au cœur », confie Jérôme.

En revanche, pour vendre leurs récoltes, ils ont deux approches différentes. Laurent livre 80 paniers par semaine à une Amap parisienne alors que Jérôme a mis en place un magasin dans la ferme de ses parents où il vend, outre ses fruits et légumes, toute une gamme de produits bio. Leur initiative fonctionne : 1 200 personnes passent chaque mois acheter les légumes produits sur place. Un vrai pied de nez aux enseignants qui refusaient leur vision d’une agriculture différente.

Pour aller plus loin :

Vous souhaitez créer un jardin partagé à Paris ? Regroupez-vous, constituez une association (Loi 1901) et contactez la cellule Main Verte de la direction des espaces verts et de l’environnement de la mairie de Paris. Elle vous accompagnera dans la mise en place du projet et vous apportera des conseils et un suivi d’activité.

Maison du Jardinage – Parc de Bercy

41, rue Paul-Belmondo – 75012 Paris

Tél. : 01 53 46 19 19

 

Les légumes et fruits de Jérôme :

Épicerie bio des Tourelles

22, rue Courtanesse – 91790 Boissy-sous-Saint-Yon

www.epiceriebiotourelles.fr

 

Article extrait de Kaizen 1 (mars-avril 2012).

Texte et photos : Pascal Greboval


À lire aussi : Revégétaliser l’urbain, la fiche pratique des Colibris

 

Le 11 mars 2014
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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