Mouvements citoyens et Nature

Wings of Ocean : des bénévoles pour dépolluer les océans

Par marius Gouttebelle, le 7 octobre 2021

Ottilia Adele

Pour lutter contre la pollution des mers, cette association œuvre avec de nombreux bénévoles dévoués qui travaillent à plein temps pour ramasser, trier les déchets et sensibiliser. Reportage

Il est 8h30 du matin ce mercredi 22 septembre et la première réunion journalière de la semaine commence pour les 18 bénévoles de Wings of Ocean à l’étang de Berre dans le département des Bouches-du-Rhône. Assis sur la terrasse improvisée au bord des quais de la mède, capuche sur la tête pour certains, tasses de café pour d’autres, ils écoutent les instructions de Justine, la cheffe de projet, tout en finissant de se réveiller. Au programme aujourd’hui : dépollution de la plage de Vitrolles dès 9h du matin, puis répartition de différentes taches l’après-midi allant du lavage de bouchons récupérés au bricolage sur les bateaux.

 

Dépolluer, revaloriser, sensibiliser

Depuis le mois de mars 2021, cette association a bâti l’un de ses QG autour de l’étang de Berre pour une mission de 7 mois qui touche aujourd’hui à sa fin. Leur point d’orgue ; dépolluer l’étang en agissant autour de trois axes. Dépolluer, sensibiliser et revaloriser. Trois fois par semaine l’équipe de bénévoles parcourt les plages du bassin pour ramasser les déchets comme ils le font ce jour à Vitrolles.

A l’aide de gants, de sacs en filets et surtout du public qui vient ponctuellement les aider, ils fouillent les alentours pour ensuite trier leurs trouvailles en 33 catégories différentes : plastiques durs, plastiques souples, polystyrène, mégots, fer, carton, verre, cannettes ou encore bouchons. Le 22 septembre, pas moins de 5500 mégots ont été ramassés en 1H30. Depuis le mois de mars, le ramassage de 100 000 mégots a permis de dépolluer ainsi 50 000 000 de litres d’eau[1]. Au total 14 tonnes de déchets en tout genre ont été collectés. Les plus fréquents étant le polystyrène (3409 Kg), le plastique (1836 kg), les filets de pêche (1626 kg) et les bouteilles (5220 en verre, 5070 en plastique et 3300 canettes).

Tous ces débris, l’association tente de les valoriser au maximum en travaillant avec des entreprises et des associations qui vont les transformer. C’est le cas de Sauvage, qui eux transforment les bouchons de plastiques en bijoux, de Yuyo, qui recycle du plastique en planches de surf ou encore Recyclop qui récupère les mégots. « Des déchets on les ramasse, on les ramasse encore et encore, et lorsque l’on revient sur les mêmes plages il y en a toujours », souffle Justine, cheffe de projet de la mission étang de Berre. Conscients que dépolluer eux seuls ne changera pas les choses, ils savent que le nerf de la guerre est la sensibilisation.

Une fois par semaine ils rendent ainsi visite aux écoles primaires, collèges et lycées. « Revoir des élèves auprès desquels nous sommes intervenus, participer à des dépollutions avec leur famille et leurs amis les week-end qui suivent, nous réconforte dans le fait qu’on ne fait pas ça pour rien, que la jeunesse est sensible à son futur », ajoute Justine. Pour sensibiliser le grand public il faut également se faire remarquer. Cela passe par la grande quantité de déchets ramassés, par leur revalorisation mais également par des opérations de grande envergure à l’image du fashion Wings : un défilé sauvage organisé sur le vieux port de Marseille par l’association, vêtue de tenues confectionnées à partir de déchets.

dépollution de Vitrolles : bénévoles et riverains se réunissent autour des sacs de tri afin d’écouter les instructions ©Marius Gouttebelle
Dépollution de Vitrolles : Bénévoles à la recherche de déchets ©Marius Gouttebelle
Dépollution de Vitrolles : tri des déchets ©Marius Gouttebelle
Dépollution de Vitrolles : répartitions des différents déchets ©Marius Gouttebelle

  

« Il y a une eutrophisation du milieu »

Wings of Ocean est né en 2018 avec l’idée de vouloir dépolluer en mer à partir d’un voilier pour limiter leur impact écologique. Leur fameux trois mas vit alors le jour : le kraken.

C’est après avoir amarré leur bateau au port Saint-Louis-Du-Rhône pour diverses réparations qu’ils ont constaté la grande pollution de l’étang de Berre, deuxième plus grand étang salé d’Europe avec une superficie de 152KM de long. Ce bassin, situé à quelques kilomètres de Marseille tiens son sel de la méditerrané par lequel il est alimenté en sodium et déchets. Mais les autres facteurs de pollution son nombreux ; la zone industrielle qui l’entoure regroupant plusieurs usines, rejette de l’eau douce mélangée à d’autres substances nocives dans l’eau salée de l’étang, ce qui créée un véritable déséquilibre pour la biodiversité.

« Au-delà des déchets, l’étang est très pollué aux métaux lourds, aux hydrocarbures et aux pesticides. D’après les observations qu’on a faites, on constate qu’il y a une eutrophisation du milieu. Cela signifie qu’il s’appauvrie petit à petit par manque d’oxygène et proliférations d’algues. L’étang est en train de décliner petit à petit vers un état mauvais », affirme maxime, bénévole à Wings of Ocean et en charge du pôle investigation de l’étang, qui a pour vocation de déterminer les sources de la pollution.

 

Vivre écologique au quotidien

 Les bénévoles présents sur place s’engagent pour une durée minimum de 1 mois. Ils vivent tous en communauté dans une maison en colocation ainsi que dans plusieurs bateaux amarrés pour y être logés et nourris. Toilettes sèches, nourriture cuisinée 100% végétarienne ou encore par réduction au maximum de plastique, etc., l’association et ses bénévoles inscrivent aussi leur engagement écologique au sein même de leur vie quotidienne. Lucie, jeune bénévole de 23 ans ici depuis presque 4 mois, s’est investie pour dépolluer l’étang de Berre et a drastiquement changé ses habitudes de consommation : « Ça m’a fait changer ma vision des choses sur le zéro déchet et le végétarisme. A chaque fois que je vois du plastique, maintenant je suis là à me dire non je ne veux plus en consommer alors qu’avant je m’en fichais, j’achetais des paquets de gâteaux par exemple sans même y prêter attention. Je suis aujourd’hui complètement incapable d’acheter un produit contenant du plastique. »

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En 3 ans, Wings of Ocean est passé de 40 à 400 bénévoles répartis sur le kraken, l’étang de Berre, la mission sud et plusieurs villes traversées par des cours d’eau. Depuis 2018 ils ont récolté plus de 60 tonnes de déchets et ne comptent pas s’arrêter là. La mission de dépollution de l’étang de Berre, étendue sur 7 mois, va s’installer pour une durée de 5 ans. L’ampleur que prend cette association montre que la prise de conscience et l’envie de passer à l’acte ne cesse d’augmenter. Mais un passage à l’action citoyen seul ne fera pas changer les choses à grande échelle. « Tout ce que nous avons récolté en 3 ans, c’est le millième d’une goutte dans l’océan. Le travail accompli est l’équivalent de la quantité de déchets rejetés en 20 minutes dans le monde », conclut Justine.


 Pour en savoir plus

Wings of Ocean

[1] 1 mégot pollue 500 litres d’eau. Donc 100 000 mégots ramassés équivaut à 50 000 000 de litres dépollués.


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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