Pour sa première édition, Les Rencontres de l’Écologie et du Travail réuniront de nombreux acteurs du monde professionnel (salariés, syndicats, dirigeants, collectifs, etc.) du 29 avril au 1er mai à la Cité Fertile à Pantin. L’objectif ? Mettre l’écologie au centre de l’entreprise. Un événement organisé par le jeune syndicat Le Printemps Écologique et le think tank Ouishare.
Ils sont salariés, entrepreneurs, artistes, dirigeants d’entreprises, représentants du personnel ou d’associations œuvrant pour l’environnement. Ils ont en commun la volonté d’amorcer la transition écologique dans le monde de l’entreprise. Durant trois jours, ils se rassemblent à l’ancienne gare de marchandise transformée en QG écolo, la Cité Fertile à Pantin. « Nous sommes partis du constat que de nombreuses personnes sont confrontées à une dissonance cognitive entre leurs convictions et leurs activités professionnelles, analyse Anne Le Corre, co-fondatrice de l’éco-syndicat Le Printemps Écologique et co-directrice de l’événement. Notre volonté est de créer un espace de dialogue pour faire amorcer des actions concrètes par les travailleurs et les décideurs. »
Pour Anne Le Corre, « l’entreprise est un levier majeur de la transformation écologique. Notre rôle est de l’aider à se mettre en mouvement en créant des modèles vertueux avec celles et ceux qui la font. Il est temps de mettre la politique dans l’entreprise et le travail dans le débat public. » Des changements de modèles de financements à la limite de la croissance, des petits gestes personnels au changement de paradigme collectif, les thèmes seront variés et débattus sans tabou à l’instar de la table ronde de vendredi sur les limites du productivisme. Fabrice Bonnifet, directeur RSE (développement durable et responsabilité sociétale des entreprises) au groupe Bouygues y prônera la sobriété des entreprises et témoignera de son expérience de transition au sein du grand groupe industriel français.
Des récits prônant le pouvoir d’agir
« Nous avons besoins de valoriser de nouveaux récits qui témoignent de notre capacité d’agir, assure Anne Le Corre. Le partenariat avec Ouishare et l’association Les Collectifs s’est donc révélé naturel. » Les Collectifs rassemble des salariés engagés de plus de 150 entreprises incluant EDF, Société Générale, SNCF, Michelin ou encore Serge Ferrari. Créé en 2021 pour transformer les entreprises de l’intérieur, « ensemble, nous avons déjà impliqué des milliers de salariés et mené des centaines d’actions concrètes » affirme Yoann Jean, co-fondateur de l’association et membre du collectif Tribu Sustainability du cabinet de conseil Orphoz.
« Nous mettons en relations les collectifs de chaque entreprise pour qu’ils s’appuient sur leurs expériences, et organisons une fois par mois des sessions pour résoudre les problèmes rencontrés, explique le co-fondateur. Cela va des actions très concrètes du quotidien comme le tri ou des opérations de sensibilisation entre collègues via un atelier de Fresque du climat jusqu’à des groupes de travail interne pour faire évoluer le modèle d’affaire de l’entreprise à la lueur des enjeux écologiques. »
Les groupes peuvent être composés de quatre à plusieurs centaines de salariés. « Il suffit de 10 % des collaborateurs pour changer toute l’entreprise » argue l’association dans une tribune du journal Les Échos, citant la revue Harvard Business Review. Lors du weekend, plusieurs membres du réseau témoigneront de leurs expériences lors d’ateliers. Ils présenteront comment lancer un collectif, faire face aux premières difficultés et s’agrandir. Yoann Jean témoigne qu’il « faut toujours rester sur la ligne de crête entre utopies personnelles et réalité du quotidien. Les Collectifs montre une voie pour concilier ses valeurs et son travail. »
L’intelligence collective au service de la transition écologique
Clothilde Sauvages est co-directrice de l’événement et connector au sein du réseaux et think tank Ouishare. Cette organisation décentralisée expérimente et valorise les systèmes collaboratifs avec peu ou pas de hiérarchie formelle. Gouvernance holocratique (répartition des responsabilités commune à tous), outils de prise de décision par consentement, partage des savoirs, l’association expérimente en son sein des pratiques et des outils qu’elle met en place auprès des institutions avec lesquelles elle collabore sur des problématiques d’intérêt général.
« Depuis 2012, nous ne reconnaissons qu’un seul statut, celui de connector, et nous n’avons pas de hiérarchie formelle », prônent-ils sur leur manifeste. Le collectif se place en corps intermédiaire pour porter la voix des personnes concernées et qui s’engagent à différent niveaux dans la société. « A travers nos recherches-actions, nous travaillons sur nos conditions d’émancipation collective, ajoute Clothilde Sauvage. Une de nos méthodes est le Permanent Beta, qui signifie l’expérimentation permanente. Ce que nous prônons comme modèle de fonctionnement interne et aussi dans nos initiatives puisque nous nous intéressons à ce qui évolue, change et émerge dans la société ».
« Nous utilisons des techniques d’animation participatives afin de faire émerger des solutions grâce à l’intelligence collective, explique Clothilde Sauvages. Les conférences ne prendront pas toutes la forme de tables rondes avec des sachants d’un côté et le public de l’autre qui ne participe pas. Il y a internet et les plateformes de streaming pour cela. Certains débats prendront la forme de Fish-balls. Le public y est placé en cercles concentriques. Une chaise vide est installée à côté de celles des intervenants pour qu’une personne puisse venir prendre la parole à tout moment. »
« Notre objectif est de créer les conditions de la rencontre et de l’écoute mutuelle, de voir advenir de nouveaux récits qui développent notre capacité d’agir, commente Clothilde Sauvages. Nous utilisons plusieurs médiums comme des ateliers d’écritures, des moments de convivialité, des échanges en petit groupe et des expériences artistiques dont je vous réserve la surprise. Les moments de repas sont aussi très importants et le soir, nous avons prévu une belle programmation musicale. »
Convergence des luttes et des acteurs
« Nous ne souhaitons pas faire peser la responsabilité de la transition écologique sur les salariés, assure Anne Le Corre, co-fondatrice du syndicat Le Printemps Écologiques. Mais l’entreprise doit être repolitisée et les salariés doivent avoir voix au chapitre. » L’éco-syndicat a d’ailleurs publié une tribune sur le média Usbek et Rica pour appeler à voter et à se présenter aux élections professionnelles qui auront lieu dans la plupart des organisations en 2022 et 2023 afin de « porter l’écologie au cœur des entreprises et administrations et les transformer de l’intérieur. » Le calendrier coïncide avec la loi climat et résilience qui modifie les prérogatives des CSE (comité social et économique).
Les représentants syndicaux des entreprises de plus de 50 salariés ont par exemple la possibilité de créer des « commissions environnement » dédiées à l’analyse de l’empreinte écologique de leur activité. « Les dirigeants syndicaux accueillent favorablement l’initiative des Rencontres de l’Écologie et du Travail, assure Anne Le Corre. Notre objectif est de faire émerger des solutions collectives. » Vendredi, une table ronde regroupera des membres des syndicats CFE-CGC, CFDT et Ugict-CGT autour du cadre légal proposé au CSE.
« Pour agir sur la stratégie de l’entreprise en matière d’environnement, les représentants du personnel doivent avoir des outils concrets et se former, ajoute Anne Le Corre. Dans les PME, les représentants n’ont pas forcément les moyens pour répondre à ces nouvelles prérogatives. Il ne faut pas de leur faire porter une charge supplémentaire. Nous travaillons à fournir une boîte à outil contenant par exemple les données des informations que doivent leur fournir les entreprises ainsi qu’un annuaire d’organismes ayant l’expertise nécessaire dans leur domaine pour traiter ces données et émettre un avis sur l’impact environnemental de l’entreprise. »
«L’ENTREPRISE DOIT ÊTRE REPOLITISÉE ET LES SALARIÉS DOIVENT AVOIR VOIX AU CHAPITRE»
La convergence des luttes sera elle aussi à l’honneur. La table ronde « S’engager sans se griller » verra réunies notamment Priscilla Ludosky membre du collectif des Gilets Citoyens à l’initiative de la convention citoyenne pour le climat et Emma Gastineau du collectif Pour Un Réveil Écologique, collectif étudiant autour du rôle environnemental de la formation et de l’emploi. Y seront questionnés les problématiques des risques encourus par les salariés militants dans un cadre informel en dehors de la protection syndicale.
Dimanche, Laurent Berger secrétaire général de la CFDT, Maïmonatou Mar cofondatrice de Gribouillis, association fédérant les travailleurs domestiques pour la professionnalisation et la valorisation de leur métier et Jean-François Julliard directeur général de Greenpeace France discuteront des moyens d’impliquer l’ensemble des populations. Alors que le dernier rapport du Giec pointe les conséquences du réchauffement climatique pour les plus démunis, comment associer les problématiques de « fin du monde et fin du mois » ?
Pour en savoir plus :
Les Rencontres de l’Écologie et du Travail
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