Traque verte interroge sur l’épuisement des ressources naturelles
Selon Lionel Astruc, l’Inde est à la fois le pire et le meilleur laboratoire écologique de la planète. Son «roman d’investigation» Traque verte (Actes sud, mai 2017) reconstitue les dernières heures d’un journaliste indien assassiné en 2010 dans un contexte de pillage des ressources naturelles – où les aspirations gandhiennes de la population sont également en péril. Entretien.
Derrière l’Opération traque verte – nom donné par les médias pour décrire des offensives militaires menées dans le centre de l’Inde par le gouvernement – se cache une terrible guerre des matières premières associant l’armée et les multinationales. Ce conflit a fait des milliers de morts1 et a provoqué le déplacement de dizaines de milliers d’autochtones Adivasis.
Pourquoi avoir choisi la forme du roman pour raconter ce drame écologique et humain ?

J’ai découvert l’existence de cette guerre civile en avril 2010, à New Delhi, en Inde. La militante féministe et écologiste indienne Vandana Shiva — dont j’écrivais alors la biographie — m’avait poussé à participer au Tribunal citoyen indépendant dénonçant l’Opération traque verte. Le procès pointait du doigt le pillage des ressources naturelles et l’appropriation des terres aux dépens des Adivasis. Rapidement, j’ai été saisi par les prises de parole des habitants des zones tribales du centre de l’Inde, risquant leur vie pour venir témoigner devant un large public. Terrorisés, ils racontaient que des hélicoptères survolaient régulièrement la jungle et leur tiraient dessus.
Cette affaire, largement ignorée par les médias occidentaux, m’est restée comme un caillou au fond de l’estomac. Je me suis donc questionné : comment raconter ce conflit de façon à impacter le plus possible le lecteur ? J’ai