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mardi 3 décembre 2024
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Thao Ngo prend soin des plantes sauvages pour sauver la biodiversité

Protéger les plantes locales et sauvages du massif armoricain pour préserver la biodiversité : tel est le combat de Thao Ngo avec Floridée’o. Implantée depuis 2011 à Bruz en Bretagne, cette pépinière est le fruit d’un projet inédit en France. De la renaturation de la baie du Mont Saint-Michel, à celle de la zone de compensation de la ligne grande vitesse Paris-Rennes, c’est avec détermination que Thao Ngo œuvre pour un fleurissement durable et responsable.

Il y a de ces endroits qu’on aimerait redécouvrir à l’infini. Floridée’o, la pépinière de Thao Ngo en fait partie. Niché au bout d’un chemin cahoteux, c’est aux alentours de Bruz (Ille-et-Vilaine), que prend racine cet écrin de verdure sauvage. À l’origine de ce projet, il y a une guérison : celle de Thao. Passionnée des plantes qui l’ont aidé à traverser sa maladie, c’est l’envie de partager ses découvertes qui la pousse à délaisser l’informatique, pour une formation d’éco-conception en aménagement paysager. C’est le déclic : face à la disparition fulgurante du patrimoine végétal, Thao réalise que protéger la flore n’est plus une option. La graine est plantée, et en mars 2011, elle s’embarque dans un projet un peu fou : ouvrir une pépinière de « mauvaises herbes » locales en voie de disparition. Une première en France : « Quand je me suis installée, on m’a traitée de folle-dingue ! », se souvient Thao. Et pourtant, une grande partie de ces herbes mal-aimées représente un maillon essentiel de la biodiversité, capable de participer à la dépollution des sols et des eaux.

Exemple de prairie fleurie de plantes sauvages © Clara Jaeger

De la création de roselières pour la Baie du Mont Saint-Michel en 2016, aux jardins flottants de la ville de Rennes en 2018, Thao ne manque pas d’idées pour entamer de petites révolutions. Que ce soit pour endiguer les émanations poly-toxiques de la terre de remblai, assainir des terrains agricoles malmenés par les pesticides ou pallier l’appauvrissement des nappes phréatiques, Thao essaye de « réparer les bêtises » générées par la main humaine.

Spontanément, c’est dans le massif armoricain qui l’a vue grandir, que Thao implante Floridée’o, avec l’espoir de parvenir à laisser quelque chose à ses deux filles : « En tant que citoyen, on se sent responsable de nos enfants, de ce qu’on va semer, de ce qu’ils vont récolter », confie-t-elle. Très vite, le département d’Ille-et-Vilaine lui attribue quatre hectares de terrain – « Au départ, je voulais juste faire une toute petite pépinière ! », sourit Thao -, puis le Conservatoire du littoral et les conseils généraux alentours l’autorisent à récolter sur leurs espaces naturels et protégés. C’est ainsi que, d’observations en plantations, de conférences en rencontres, Thao apprend sur le tas et s’entoure d’un comité de scientifiques renommés. La course contre la montre peut commencer.

Un travail minutieux

Depuis neuf ans, Thao ne compte plus ses heures ; elle jongle avec rigueur entre les commandes, les appels à projets et les récoltes. Aujourd’hui, c’est plus de cinq cent espèces qui peuplent la pépinière, faisant d’elle la seule en France à pouvoir fournir des professionnels du génie écologique, des collectivités territoriales et des particuliers. Mais avec ces espèces sauvages, Floridée’o participe aussi à la recherche de processus novateurs de dépollution pour diverses industries : « Quand on est sur le terrain, on cherche les plantes qui vont avoir le plus de propriétés pour assainir les sols », explique Thao, « À partir de là on met en place tout un aménagement qui mettra plusieurs années à être efficace »

Plants en attente, réservés à des projets d’aménagement © Clara Jaeger

De bonnes « mauvaises herbes »

Chez Floridée’o, pas de terreau, pas de machine. Tout se fait à la main, dans les conditions du terrain, avec passion, patience et sans forçage. Selon Thao, certaines espèces sauvages remplissent une fonction bien précise ; les laisser suivre leur cycle, c’est faire d’elles des engrais verts en puissance : « Le chardon-marie, par exemple, pousse parce que le sol manque d’oxygène et de phosphore », illustre Thao, « C’est une plante bio-indicatrice, qui est là pour réparer le sol ! ». Pourtant, au fil des années, ces plantes se sont vues remplacées par des espèces horticoles (plus gourmandes et moins adaptées aux sols locaux), ou éliminées par l’urbanisation et divers traitements : « À l’avenir, il faudrait qu’il y ait une obligation de planter des espèces sauvages dans les aménagements du territoire », préconise Thao. Car sans certaines d’entre elles, c’est une partie des pollinisateurs, de la faune locale, et donc de notre propre bien-être qui s’effondre lentement.

© Clara Jaeger

En amont de chaque projet, il faut de nombreuses années à Thao pour tester les valeurs dépolluantes des plantes, mais aussi s’assurer de leur origine indigène : « L’objectif a toujours été celui de la protection génétique », avance-t-elle, « On ne relance pas la production d’une plante tant qu’on est pas sûrs de sa provenance ». Pour le projet du Mont Saint-Michel, c’est par exemple deux à trois ans qu’il a fallu à Thao pour mener à bien ses recherches : « J’ai dû fournir un maximum d’espèces, puis il a fallu les planter et les multiplier ». Mais la nature n’attend pas toujours, et Thao est parfois contrainte de mettre entre parenthèses ses commandes pour partir récolter de nouvelles espèces : « Il suffit que je rate une année et qu’un fléau s’abatte l’année suivante, pour que la plante disparaisse… », regrette-elle.

La main verte, sur le coeur

Lorsqu’elle ne part pas explorer le territoire ou n’est pas en phase de test dans l’une de ses deux serres, Thao prend le temps de sensibiliser les publics aux propriétés de ses plantes. En neuf ans, les herbes folles de la pépinière ont vu nombre d’enfants, de femmes en difficulté et de patients hospitalisés se reconstruire à leurs contacts : « À mes débuts, je n’avais pas imaginé avoir autant de demandes extérieures », sourit-elle, « je pensais juste changer les choses à mon niveau ».

Serre de plantes médicinales et comestibles, réservée à la sensibilisation des publics © Clara Jaeger

Entre ces divers engagements, la formation d’agents d’espaces verts, ou encore la transmission de ses savoirs à de jeunes professionnels agricoles, c’est un véritable espace de partage que Thao est parvenue à créer avec Floridée’o. Pour elle, si ces projets permettent une prise de conscience progressive, ils sont aussi la preuve que la nature est inscrite en nous. Une réalité qui, au fil du temps, donne à Thao l’énergie de poursuivre sa démarche : « Je fais ça pour la nature, la population, l’éducation à l’environnement, et pour les enfants », conclue-t-elle.


Pour aller plus loin :

Association Les Herbes Folles : pour apporter sa graine à Floridée’o en faisant un don, et soutenir le projet. Contact : lesherbesfolles35@gmail.com. 


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« Épidémies virales : quelques astuces pour mieux leur résister au naturel »

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