Eaux

Plastic origins : une application collaborative contre la pollution plastique des cours d’eau

Par Alicia Blancher, le 7 juin 2021

A pied ou en kayak.

80% des déchets plastiques que l’on retrouve dans les océans proviennent des terres et sont acheminés par les cours d’eau. En octobre 2020, Surfrider a donc lancé une application collaborative, « Plastic origins », pour cartographier la pollution plastique dans les rivières et les fleuves. A pied ou en kayak, les usagers peuvent y signaler la localisation de débris sur les berges. Objectif : répertorier les zones les plus touchées par ce fléau et inciter les élus locaux à prendre des mesures concrètes sur ces territoires.

Pourquoi une association de protection des océans se préoccupe-t-elle de la pollution des rivières ? Il faut remonter à 2013 pour comprendre cet engagement. Cette année-là, l’ancienne décharge municipale de Beaucens, dans les Hautes-Pyrénées, est emportée par la rivière le Gave du Pau lors d’une grande crue. Tous les déchets dévalent le cours d’eau sur plusieurs kilomètres, finissant leur course à l’estuaire de l’Adour. A cinq kilomètres du siège de Surfrider, à Biarritz.

Cette association européenne qui lutte notamment contre la pollution plastique des océans, créée en 1990 par des surfeurs, découvre alors la source du problème, et décide de s’y attaquer. Selon Greenpeace, 60% à 80% des déchets plastiques présents dans les océans sont d’origine terrestre. Et c’est via les cours d’eau qu’ils atteignent les mers et océans.

Compter pour faire un état des lieux

Après avoir organisé des collectes de déchets sur les berges et mis en place des filets pour retenir les débris dès 2014, Surfrider s’est lancé dans les comptages. « On s’est inspiré des scientifiques en mer qui installent des observatoires à l’avant des bateaux pour compter les mammifères marins et les tortues », explique Antoine Bruge, chef de projet à Surfrider, en charge du développement de « Plastic origins » depuis 2019.

Les comptages de déchets en rivière leur permettent notamment de réaliser des analyses sur de longues distances, de 500 mètres à plusieurs kilomètres, et d’obtenir ainsi des données plus représentatives d’un cours d’eau.
A terme, l’association souhaiterait afficher en temps réel sur son site les données collectées sur une carte, pour représenter les rivières, en France et en Europe, en différentes couleurs (vert, orange, rouge, etc.) en fonction de leur pollution plastique.

Se promener et signaler les déchets

Afin de densifier leur base de données, Surfrider a lancé en octobre « Plastic origins ». L’application, gratuite et disponible sur le Goople Play et l’App store, permet à chacun et chacune de signaler un déchet rencontré sur les berges, à pied ou en kayak. Sa position GPS est alors automatiquement relevée par l’application, qui enregistre de quel cours d’eau il s’agit, quel itinéraire a été réalisé et quelle distance a été parcourue. On peut prendre une photo et indiquer la nature du déchet. Ou bien filmer la berge, et laisser un algorithme d’intelligence artificielle faire le travail.

Si l’usager est guidé tout au long du processus sur l’application, Antoine Bruge conseille vivement aux personnes intéressées d’assister à une formation en ligne de 30 minutes, afin d’harmoniser les résultats.

Antoine Bruge présente l’application « Plastic Origins ».

Grâce à cette collecte de données, l’association obtient un indicateur : le nombre de déchets par kilomètre de berge, qui permettra d’établir la cartographie de la pollution plastique. A ce jour, grâce aux 493 contributeurs européens, qui ont parcouru plus de 2 521 kilomètres, une moyenne de 82 déchets par kilomètre est établie. « Ce que l’on peut constater pour le moment à partir de ces données, c’est l’état d’une pollution diffuse, on n’observe pas de zones d’accumulation », témoigne Antoine Bruge.

Aider de chez soi

Actuellement, les vidéos des promeneurs sont envoyées sur le serveur de l’association et analysées par un algorithme d’intelligence artificielle (IA), qui détecte et compte les déchets. Ce dernier fait encore quelques erreurs. Pour le rendre plus performant, les bénévoles de Surfrider ont développé une plateforme, Trashroulette, sur laquelle les internautes peuvent entrainer cette machine de l’IA.

Il leur suffit de dessiner un petit rectangle à l’endroit où se trouve le déchet, d’en indiquer la nature et de préciser le milieu naturel. Plusieurs images sont disponibles sur la page, et les usagers peuvent en ajouter. « Il faudrait entrainer l’algorithme avec 20 000 images de déchets sur les berges pour le développer », indique Antoine Bruge. Un petit tutoriel est disponible sur le site, mais uniquement en anglais pour le moment.

Cendriers de poche, déchetteries mobiles…

En répertoriant les territoires les plus touchés par cette pollution plastique, Surfrider entend motiver les élus locaux à prendre des mesures concrètes pour lutter contre ce fléau. « Ils sont tellement occupés que si les sujets ne sont pas sur le devant de la table, ces derniers ont peu de chance d’être abordés », déplore le chef de projet en charge du développement de « Plastic origins ».

L’association analyse, alerte… et propose des solutions. Ayant bien conscience qu’il est nécessaire de « macher un peu le travail » des acteurs politiques afin qu’ils agissent, Surfrider recense des initiatives déjà mises en place dans les collectivités engagées contre la pollution plastique. Il s’agit de lister ces solutions et faire remonter des témoignages selon Antoine Bruge : « On essaie de savoir comment elles ont été appliquées, comment cela a été vécu par les populations locales. C’est un bon moyen de convaincre de nouvelles municipalités. »

Des plaques « Ici commence la mer », pour éviter que les passants ne jettent leurs mégots dans les bouches d’égout, des déchetteries mobiles afin de diminuer les décharges sauvages, des cendriers de poches… Les solutions ne manquent pas.

A ce jour, l’application « Plastic origins » se développe principalement en France, pays où la majeure partie des données est récoltée. Prochaine étape pour Surfrider : essaimer le projet dans les autres pays européens où l’association est implantée.


Pour lutter contre la pollution plastique, l’application Trash Spotter permet également d’organiser le ramassage de déchets en extérieur. C’est simple, les internautes peuvent signaler la présence d’un détritus en pleine nature sur la plateforme, ainsi que sa localisation. D’autres peuvent ensuite se charger du nettoyage d’un « spot ». Il est bien-sûr possible de faire les deux.

La fondation Rescue Ocean a également sorti une application gratuite pour inciter les particuliers ou les entreprises à ramasser les déchets sur les plages et au bord des rivières. Ces derniers peuvent prendre en photo leur collectes, dont les clichés sont vérifiés par l’organisation, et poster ensuite sur les réseaux sociaux leurs résultats chiffrés.


Lire aussi : Solidarité intergénérationnelle pour dépolluer l’océan


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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