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Paul Watson : « Si l’océan meurt, nous mourrons! »

©DR

En cette journée internationale de l’océan, Paul Watson, fondateur emblématique de l’ONG Sea Shepherd, appelle à ne pas baisser la garde face aux dangers qui pèsent sur ces eaux vitales et de continuer la lutte contre le braconnage en mer. Rencontre.

Quelles leçons avez-vous tirées de cette crise sanitaire liée au Covid-19 ?  

Elle a indéniablement montré que nous ne pourrons pas revenir à une situation que nous considérons comme « normale ». Dans plusieurs écrits, j’ai mis en avant le fait que la propagation de plusieurs nouveaux virus pouvaient être l’une des conséquences du réchauffement climatique et que cette transmission de virus de l’animal à l’homme s’intensifiera et impactera de plus en plus les écosystèmes et leurs habitants. L’une des prochaines missions que s’est donnée Sea Shepherd est d’enquêter sur les transmissions de virus des saumons d’élevage aux saumons sauvages.

Le confinement a-t-il été bénéfique pour les écosystèmes marins suite à l’arrêt de l’activité économique ? 

Il est certain qu’avec 10% du secteur mondial de la pêche et 50% de la pêche européenne mis à l’arrêt, les océans ont pu se reposer mais très brièvement puisque l’activité humaine repartira de plus belle. C’est une situation qui a été temporaire. Malheureusement, cette période a aussi profité aux braconniers qui ont eu le terrain libre puisque le contrôle des plages et au large n’a pas pu se faire. Ce sont des situations que nous avons déjà pu observer pendant d’autres pandémies comme en Afrique de l’Ouest frappée alors par le virus Ebola entre 2014 et 2016. Dès le 1er juillet, nous allons mettre le cap dans cette zone pour patrouiller et alerter sur la pêche illégale et le braconnage.

©Jo-Anne McArthur, www.weanimals.org

Ces dangers qui frappent les espèces marines sont-ils pris en compte par les citoyens ?

Ce n’est pas encore clair dans les esprits parce qu’il y a une méconnaissance de ce que représentent réellement les océans. Il faut intégrer le fait que si les océans meurent, nous mourrons ! L’océan ce sont des eaux vitales en perpétuel mouvement qui circulent dans l’atmosphère, dans la terre, dans la glace et se retrouvent dans les cellules de chaque plante et chaque animal de la planète. En d’autres termes, nous sommes les océans. Tout est connecté. Si le phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire diminue, nous diminuons avec lui. S’il disparaît, nous disparaîtrons à notre tour.

Par quels moyens pouvons-nous sauver les océans et pousser les dirigeants à prendre des mesures concrètes?

Très clairement, faire passer des messages aux dirigeants est devenu une perte de temps. Tout notre système, que ce soit sur le plan social, politique ou économique est fondé sur une surexploitation des ressources naturelles et le profit sera toujours défendu avant l’écologie. Notre humanité est en jeu et elle ne pourra renaître que si nous nous détachons d’une vision anthropocentrique du monde pour tendre vers une logique biocentrique. Dans d’autres termes, arrêter de considérer la nature comme un unique ensemble de ressources, apprendre à respecter les autres espèces en vivant en adéquation avec les lois les plus basiques de l’écologie : diversité, interdépendance et ressources limitées. Les politiciens ne créeront pas le changement et ne résoudront pas les problèmes. L’action citoyenne oui. L’engagement des associations et des ONG oui. C’est par le courage et l’imagination de chacun des individus de cette planète qu’un réel changement pourra s’opérer, s’essaimer et s’implanter durablement.

Vous restez donc positif pour que ce changement ait lieu ?

Toujours ! S’il y a bien une chose que j’ai apprise depuis plusieurs décennies c’est l’importance de se focaliser sur les actions directes que nous faisons dans le présent, car elles impacteront forcément notre futur. Chaque décision et engagement que nous prenons, définiront le monde dans lequel nous habiterons demain.

Propos recueillis par Maëlys Vésir

 


Paul Watson, justicier des mers

Originaire du Canada, Paul Watson, 69 ans, est devenu une figure emblématique de l’activisme écologique et de l’antispécisme. Cofondateur de Greenpeace, il décide de se consacrer uniquement à la défense des animaux marins et fonde l’ONG Sea Shepherd en 1977. Prônant des actions directes, Paul Watson constitue une flotte de dix navires qui interviennent aujourd’hui partout dans le monde pour lutter contre la pêche illégale. Depuis 2012, l’activiste est recherché par Interpol suite à deux mandats d’arrêts. L’un déposé par le Costa Rica suite à une opération contre la chasse aux requins en 2002 et l’autre par le Japon, qui cherche à obtenir son extradition pour des activités hostiles à la chasse à la baleine. Il ne peut circuler que librement en France et aux Etats-Unis, pays dans lequel il est réfugié à l’heure actuelle.

 

Pour Aller plus loin : seashepherd.fr

 


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