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vendredi 27 décembre 2024
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No Soap : comment se laver sans savon?

Le No Soap, ou lavage corporel à l’eau, est une tendance encore timide en France. Pourtant les pratiquants décrivent un réel bénéfice pour la peau, et une démarche tournée vers plus de simplicité et de naturel. Se laver à l’eau, utopie ou vraie possibilité d’un retour aux sources ?

Avertissement : en ces temps de pandémie, rappelons qu’il est toutefois essentiel de respecter les recommandations données par le gouvernement : se laver régulièrement les mains au savon ou utiliser une solution hydro-alcoolique, respecter les règles de distanciation physique, tousser dans son coude ou dans son mouchoir, ne pas se toucher le visage. Tous les gestes barrières sur https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus

Alain prend sa douche tous les matins. Après avoir ouvert le robinet, il frotte tout son corps en insistant bien sur les plis, attrape une serviette, se tamponne pour se sécher…. Et rien de plus. Pas de gant de toilette, pas de savon, pas de produit. Seulement de l’eau, et un frottage à la main. Ce professeur de mathématiques marnais de 60 ans est passé au « No Soap » après avoir vu un reportage à la télévision, dans lequel un « cobaye » testait le lavage à l’eau. Après une semaine, la dermatologue qui supervisait l’expérience avait constaté une réelle amélioration de la qualité de sa peau. Comme le cobaye de l’émission, Alain a bien traversé un cap difficile. Après 4-5 jours, il a senti vraiment mauvais : par une heureuse coïncidence, il était en voiture toute la journée, et seul dans la voiture. Et depuis ce jour, plus d’odeur. Et une peau bien plus saine.

Cette émission a créé un déclic chez lui, qui était déjà très sensibilisé à la question du microbiote. « L’idée, c’est de garder les bonnes bactéries, laisser le microbiote cutané « vivre sa vie » et s’équilibrer de lui-même. Et de ne pas tout le temps l’agresser par des savons, des gommages. » Il a alors décidé de se lancer, « autant essayer, on verra bien ». C’était il y a 6 mois, et il n’est toujours pas repassé au savon.

Plus simple, plus écologique…

Marie, elle aussi, pratique le No Soap, depuis presque 4 ans. Lors de son installation au Canada, venue chercher une référence de savon pour l’hygiène intime, elle a été stupéfaite par la réponse de la naturopathe conseil : « Il n’y a que les françaises pour utiliser du savon ! Moi, je me lave à l’eau ! » En pleine démarche Zéro Déchets et minimaliste (1), l’idée de se laver à l’eau a sonné pour Marie comme une évidence. Elle n’y a trouvé que des bénéfices : financier, écologique, et surtout une peau « naturellement beaucoup plus belle. » Disparus, les problèmes d’eczéma ou les mycoses à répétition. Du coup, elle ne voit aucune raison de revenir en arrière. « Arrêter, ça serait comme si quelqu’un disait : tu te remets à marcher à quatre pattes. C’est devenu une question de bon sens pour moi. »

Pour Marie, le No Soap s’inscrit aussi dans un retour au naturel. « Avant de vouloir copier l’Occident, il y avait plein de pays où le savon n’existait pas. Mais je ne m’attendais pas à découvrir ça au Canada. »

… et plus universel

Depuis toujours et partout dans le monde, les peuples ont cherché à éliminer la sueur, la saleté ou les facteurs de maladie. Pour certains, il est question de politesse, pour d’autre de respect pour les ancêtres qui leur ont donné ce corps (lire encadré). Pourtant, pour la plupart, l’eau se suffit à elle-même, et même si les rituels sont très codifiés, il est rarement nécessaire d’ajouter des adjuvants. Chez les Onge des Îles Andaman, qui passent leurs journées sous des arbres ruisselant de pluie et traversent régulièrement des cours d’eau, il n’est même pas nécessaire de se laver et ce sont des peintures rituelles qui tiennent lieu de purification (2).

La façon de pratiquer l’hygiène est donc propre à chaque culture, mais rares sont les cultures qui diabolisent les microbes autant que la nôtre. En Europe, la conception de la propreté est passée d’un extrême à l’autre. Au Moyen Âge, pour s’élever spirituellement, il fallait accorder le moins d’importance possible à son corps. Trop se laver pouvait être considéré comme suspect. Quelques centaines d’année plus tard, l’hygiénisme est devenu extrême. On est passé de la saleté visible aux bactéries invisibles. Aucune n’est tolérée, à l’image du Japon où l’on ne peut pas entrer dans un logement sans avoir enlevé ses chaussures, s’être soigneusement nettoyé les mains, les pieds, et s’être gargarisé (2).

A savonner avec modération

Bien sûr l’hygiène est nécessaire, et a produit de grandes avancées. Pour sécuriser les accouchements, limiter les épidémies, éviter les infections. C’est pourquoi un lavage des mains régulier s’impose. Pour les adeptes du No Soap, c’est d’ailleurs la seule concession faite au savon (le plus simple et le moins chimique possible).

Avec l’arrivée du Covid-19, Marie est particulièrement vigilante sur ce point : « Durant cette période bien particulière de pandémie, comme à l’habitude, je lave mes mains avec du savon à chaque retour à la maison en respectant les consignes de sécurité. Et quand je vais dans un magasin, je suis les consignes du magasin en mettant du gel antibactérien, par civisme. »

Mais pour le reste, le Dr Yael Adler, dermatologue allemande, l’affirme, non sans humour (3) : « A trop se savonner, on finit par puer ! » Le savon modifie le pH de la peau, le rendant trop alcalin. Il détruit également son film hydrolipidique. Résultat ? « D’un seul coup, des germes que nous n’avons jamais invités se multiplient, et la modification du pH fait qu’il ne peuvent plus être tenus en respect. Ces germes modifient notre odeur corporelle, a priori agréable, et nous voilà partis du côté de chez beurk ! » Pour redonner l’équilibre à notre peau, elle conseille de revenir à « l’âge de pierre, le stade désirable par excellence, celui vers lequel il faut tendre pour réussir sa vie de peau ». Exit les douches quotidiennes, un savonnage par semaine suffit. Ou alors, écrit-elle, « Faisons un compromis : d’accord pour une douche quotidienne à condition de n’utiliser que de l’eau, ou presque. L’eau, qui a un pH neutre, dessèche moins la peau que le savon. » Et lave tout aussi bien, puisque la sueur, la poussière et les cellules mortes sont hydrosolubles. Tout cela part donc avec l’eau du bain, tout en laissant à la peau ses lipides indispensables.

Comment (se) sent-on ?

Savon ou pas, Marie l’affirme : « Ça n’a pas de conséquence. Les situations dans lesquelles je sens mauvais sont les mêmes. Quand on stresse, ça dégage des toxines, et on sent mauvais. Si on a une hygiène de vie très stressante, qu’on se couche tard tous les jours, ce n’est pas que le No Soap ne fonctionnera pas… de toutes façons ça ne fonctionne déjà pas avec un savon lambda. Sauf qu’avant, j’avais l’odeur de sueur mélangée à celle du savon. Maintenant je sens moi. Et mon copain continue à me dire que j’ai la peau douce et que je sens bon, c’est la bonne nouvelle !» L’odeur dégagée par la peau est le reflet d’un équilibre global : odeur naturelle du corps, santé, alimentation. D’ailleurs, Alain aurait du mal à attribuer l’amélioration de sa peau uniquement au No Soap.  « Je me demande si la méditation ne peut pas avoir un rôle. J’ai changé de méthode en même temps que j’ai commencé le No Soap. »

Dans son entourage, Marie a fait des émules. « Dans ma famille, ma belle-sœur, mon frère… Et dernièrement, une amie que j’avais en France. Je lui avais montré la vidéo que j’avais faite sur le sujet, sur mon blog. Deux semaines après, je la recroise, et elle me dit : « Ça y est… et tu sais, je continue. » Ce qui est drôle, c’est qu’elle est très loin de l’écologie, tout ça. Je trouve ça encore plus chouette. C’est comme si elle comprenait des choses. »

Comme Alain ou Marie, de plus en plus de personnes tentent de se simplifier l’hygiène, ou simplement réduire le nombre de douches ou de produits utilisés. Mais Marie met en garde contre tout prosélytisme. « Si tu as besoin de te sentir bien après le sport, et que tu as envie de te savonner une fois, deux fois par semaine, eh ben tu le fais et puis c’est tout. »

Finalement, l’essentiel est de savoir que des alternatives existent. Puis de faire comme chacun le sent.


POURQUOI SE LAVE-T-ON ?

Dans toutes les cultures, l’eau a un caractère sacré. Mais la conception de l’hygiène, de la propreté et de la pureté varie beaucoup. Dans la Chine Confucianiste, le corps vient des ancêtres, et en prendre soin est un devoir envers eux. Chez les Abron des forêts de Côte d’Ivoire, la propreté est une question de politesse, et de beauté. Dans la religion juive, la propreté du corps mène à la propreté spirituelle. En Inde, l’eau est un élément fondamental. Elle sert à boire et à se purifier, intervient dans les rituels des brahmanes. Mais elle est aussi marqueur de classes, les membres des classes pures et impures ne peuvent pas utiliser la même eau. Certains peuples ont des pratiques encore plus étonnantes : toilette à l’urine, au sable, aux boues volcaniques, tipis de sudation, ou encore le célèbre sauna finlandais suivi d’un saut, nu, dans la neige (2).


COMMENT SOMMES NOUS DEVENUS ACCROS AU SAVON ?

Le savon aurait été créé à l’Antiquité, pour laver le linge, pour une utilisation pharmaceutique ou pour laver le corps de façon occasionnelle. Jusqu’au XIXème siècle, son usage reste rare et n’entre pas dans les habitudes quotidiennes. Le XIXème siècle voit l’émergence de la notion d’hygiène. Et au XXème siècle celle de la publicité. Les savonniers saisissent l’opportunité (4). Ils industrialisent la production et les procédés de vente. Ils financent les premières études de marché, puis des fictions télévisuelles, les « soap operas ». Le savon, devenu indispensable, envahit les salles de bains. Pourtant, comme le souligne le Dr Yael Adler (3), le savon créé des problèmes, que les industriels proposent ensuite de régler à grand renfort de crèmes et de lotions… vendus par ces mêmes industriels !


(1) Elle a écrit un blog slowandcute.fr pour raconter ses expériences

(2) Anne Varichon, Le corps des peuples, Éditions Seuil, 2000

(3) Dr Yael Adler, Dans ma peau, une enveloppe moins superficielle qu’elle n’en a l’air, Solar éditions, 2017.

(4) https://www.courrierinternational.com/article/2002/02/28/comment-le-savon-a-change-le-monde

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