Nature et Politique

Nikola Karabatic : «En tant que sportif, on peut réduire son empreinte carbone»

Par Marie Boetti, le 16 octobre 2020

© Doha Stadium Plus Qatar / Vinod Divakaran (via https://www.flickr.com/photos/dohastadiumplusqatar/20245716100/)

Le handballeur du PSG Nikola Karabatic participe à la campagne «Pas le dernier» lancée par WWF France fin septembre. Déjà engagé auprès de «On est prêt» en 2018, le quadruple champion du monde encourage les instances à réduire l’empreinte écologique des compétitions sportives.

Propos recueillis par Marie Boetti

Le lien entre sport et écologie se fait seulement depuis quelques années. Comment avez-vous été sensibilisé aux enjeux environnementaux ?

C’est une démarche individuelle qui consiste à lire les bons articles, à m’intéresser à ce qu’il se passe autour de moi et à prendre conscience que nous sommes dans un état d’urgence climatique. Ensuite, je me suis intéressé par le biais de mon sport à la nutrition. J’ai vu l’impact de la déforestation, de l’agriculture et de l’élevage intensifs sur les émissions de CO2. C’est une prise de conscience en tant que citoyen et en tant que sportif. Puis, je suis devenu papa de deux enfants. Cela n’a fait que l’accentuer. Si nous n’agissons pas, quelle terre et quelle humanité allons-nous laisser à nos enfants ?

Pourquoi avoir choisi de poursuivre votre engagement sur ces questions auprès d’une grande ONG comme WWF ?

Cela fait un moment que je mène des actions avec différentes ONG ou associations, que ce soit au niveau environnemental ou social. Il y a deux ans, j’expliquais avec «On est prêt» l’impact de la nutrition, qu’il fallait diminuer la consommation de viande et quelle viande choisir par rapport à la lutte contre le réchauffement climatique. WWF m’a ensuite sollicité pour réaliser la vidéo «Pas le dernier», sortie il y a quelques semaines. Je trouvais l’action cohérente. C’était un beau projet. Je me suis prêté naturellement au jeu.

Vous relayez déjà leurs publications sur les réseaux sociaux…

J’essaie de partager au maximum toutes les informations pertinentes qui passent. C’est très dur aujourd’hui de bien s’informer. Paradoxalement, il existe encore des gens qui réfutent le réchauffement climatique. Je sais que des gens me suivent, donc j’essaie de relayer les bonnes informations, les vraies, celles qui s’appuient sur des données scientifiques et sur des expériences.

Les compétitions sportives polluent énormément, entre les équipements neufs et les déchets engendrés. Comment s’adapter pour réduire leur impact sur l’environnement ?

Il y a plusieurs niveaux d’action. Au niveau individuel, en tant que sportif, on peut réduire son empreinte avec des choses toutes bêtes, comme l’utilisation d’une gourde au lieu des bouteilles d’eau en plastique données pour les entraînements. Tous les sportifs ne le font pas. C’est quelque chose de très simple, mais ça a déjà un impact énorme. On peut aussi contrôler ses déplacements personnels. Moi, je n’ai pas de voiture. Je me déplace en vélo électrique ou trottinette. J’essaie de privilégier le train.

Il y a un deuxième niveau avec les clubs, où nous pouvons mettre en place des solutions pour les transports, privilégier le train, utiliser le moins de plastique possible lors des matchs. Après, je pense que c’est au niveau des grandes compétitions que les impacts sont les plus importants : les championnats du monde, les Jeux Olympiques et les championnats d’Europe. Il faudrait limiter les déplacements des supporters, les aider avec des transports en commun, ne pas choisir des sites répartis sur des grands territoires en privilégiant un seul site. Il y a beaucoup de choses qui doivent se faire, comme réduire le nombre de matchs. Mais ces dernières années, on a au contraire augmenté le nombre de matchs pour plus de visibilité. Je pense que c’est obsolète.

Il y a beaucoup de zones sur lesquelles travailler. Certaines tiennent au sportif et à l’individuel. Mais les plus grandes mesures doivent être prises au niveau des instances fédérales, des ligues et des clubs. C’est eux qui feront une vraie différence.

Les déplacements pour les grandes compétitions qui se font par avion génèrent une empreinte carbone importante. Comment gérer cette contrainte ?

Je pense qu’il y aura des déplacements qui seront inéluctablement en avion. Il y a une limite. Nous ne pouvons pas faire 30 heures de voyage en train pour certaines destinations. Mais nous faisons le maximum de déplacements comme ça. Par exemple, avec le PSG, dès qu’on peut, on voyage en train. On prend l’avion juste pour les Coupes d’Europe, parce qu’on y est obligé. Les voyages pour les championnats nationaux se font en train.

J’ai l’impression que la crise sanitaire fait passer cet aspect environnemental un petit peu au second plan.

La saison dernière, avant la crise sanitaire, nous devions jouer le Final Four sur un week-end*, la demi-finale et la finale de la Coupe de la Ligue. Ils avaient prévu d’organiser un week-end avec le moins d’impact possible, de mettre pas mal d’initiatives en place entre les gourdes et les gobelets interdits pour les supporters, sur les boutiques et les stands de restauration. Ils voulaient tester des transports pour acheminer les personnes au stade. Malheureusement, cela a été interrompu par le Covid-19. J’ai l’impression que la crise sanitaire fait passer cet aspect environnemental un petit peu au second plan.

Vous vous engagez également auprès de la fondation Butagaz au niveau de la transition énergétique. L’entreprise possède plusieurs sites Seveso**, présentant des risques d’accident importants. N’est-ce pas contradictoire ?

Il n’y a pas eu d’accidents jusque-là avec Butagaz. Je pense que c’est bien de créer une fondation et d’aider à la transition écologique, parce que cela fait partie des grands chantiers sur lesquels l’État s’est engagé. C’est facile de critiquer et de chercher la petite bête quand des actions sont mises en place, alors qu’on en manque cruellement. Je ne trouve pas que ce soit contradictoire.

Comment s’est construit une telle collaboration ?

Je travaillais déjà avec Butagaz*** avant qu’ils mettent en place la fondation. Quand ils m’ont dit qu’ils voulaient le faire, ils m’ont demandé si ça m’intéressait de faire quelques actions avec eux [programme de rénovation de logements énergivores à Flers, en Normandie, lancé en septembre, NDLR]. Je leur ai dit que j’aimerais avoir une part plus importante dans la fondation si c’était possible. Ils m’ont proposé d’être une partie prenante.

Avez-vous d’autres projets prévus autour de l’écologie ?

Mon métier me prend beaucoup de temps, être père de famille aussi. J’essaie dès que je peux d’aider les associations et les ONG qui me demandent de participer. J’essaie de mettre ma notoriété au profit de bonnes causes. Je n’ai pas encore personnellement de projets à ce niveau-là, parce que je n’ai pas plus de temps que ça. Le jour où j’en aurai plus, peut-être que oui, mais je ne sais pas sous quelle forme.


*Le PSG devait participer au Final Four de la Coupe de la Ligue les 14 et 15 mars 2020 au Mans, face à Toulouse, Nantes et Chambéry. Un événement reporté en raison du confinement de deux joueurs.

**Un site classé Seveso est un site industriel manipulant, fabriquant ou stockant des substances dangereuses. Il est en partie encadré par le ministère de la Transition écologique et solidaire, à l’origine de la base ARIA (Analyse, Recherche et Informations sur les Accidents) qui répertorie les accidents industriels. L’usine de Lubrizol qui avait brûlé à Rouen en septembre 2019 était classée Seveso.

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