Mouvements citoyens : un vent d’air frais sur la politique
Les Français ne s’intéressent plus à la politique ? C’est ce qu’on pourrait croire à la vue des 50,09 % d’abstention au premier tour des élections régionales de 2015. Pourtant, plusieurs mouvements portés par des citoyens se mettent en place afin de proposer une alternative politique ayant pour fondement la société civile. Tour d’horizon de cette tour de Babel.

« Ce ne sont pas les politiciens qui ont inventé les Amap ou la monnaie locale », rappelle Mathieu Labonne, directeur du mouvement Colibris. Dépassés par une démocratie représentative dans laquelle ils ne se retrouvent plus, les citoyens mettent en place des formes de démocraties directes ou participatives afin de reprendre en main la politique. Corinne Lepage, membre de Rassemblement citoyen-Cap21, précise qu’« il y a toujours un goût des Français pour la politique, mais un dégoût des politiques ». C’est pour cette raison que des citoyens se rassemblent afin de remplacer les politiques. Cela a été le cas à Saillans, petit village de la Drôme, où un grand nombre d’habitants se sont présentés sous forme de liste collégiale aux dernières municipales. Depuis qu’ils ont pris les rênes de la mairie, référendums et assemblées rythment leur quotidien.
Chacun de ces nouveaux mouvements est spécifique : ils voient le jour en vue des élections présidentielles ou législatives, ou simplement pour faire pression sur les dirigeants actuels. Certains se revendiquent comme de véritables partis politiques. Rassemblement citoyen-Cap 21 espère notamment ouvrir des primaires citoyennes en 2017. Composé par autant d’élus que de citoyens, ce parti veut redonner une place importante aux électeurs en favorisant le dialogue entre le monde politique et citoyen. D’autres naissent à partir d’associations avant de former un groupe en vue de certaines élections. Mais, pour certains rassemblements, il s’agit plus de mettre en place des outils que des mouvements. C’est le cas de Parlement & citoyens, qui facilite, grâce à une plate-forme Internet, les échanges entre citoyens et députés afin de discuter de l’élaboration de lois et de soumettre des idées. Démocratie réelle, quant à lui, apporte une aide administrative à tout citoyen voulant se présenter aux élections, quelles qu’elles soient, avec un système de tirage au sort parmi les intéressés.

Internet, une nouvelle manière de s’exprimer
Un point commun rassemble tous ces mouvements : la création de plateformes Internet permettant aux citoyens de s’exprimer et transformant totalement la manière d’envisager la politique. Pour Corinne Lepage, « sans Internet, il est impossible d’imaginer de tels mouvements ». C’est ainsi que la majorité des groupes existants se sont créés, en permettant aux membres de communiquer entre eux, mais aussi avec le monde politique. Désormais, des citoyens ont l’opportunité de discuter de propositions de lois directement avec les députés via des commentaires ou des débats en direct. Les idées se diffusent rapidement, facilitant la croissance de ces rassemblements. Corinne Lepage explique que Rassemblement Citoyen-Cap21 a mis en place une plate-forme Web où « la société civile pourra exprimer sa diversité ». Le Web est aussi un moyen pour des mouvements comme Ma voix de garantir l’anonymat et, ainsi, d’éviter toute tentative de hiérarchie pour les législatives de 2017. Bien qu’il ne soit pas indispensable pour une démocratie participative, Internet devient un outil qui la facilite. On pourrait ainsi envisager à l’avenir un financement participatif en ligne pour soutenir les mouvements, et des vidéos promotionnelles afin de les faire connaître, deux points qui font pour l’instant défaut à ces idées citoyennes ambitieuses.
Des mouvements qui peinent à percer
En effet, ces mouvements citoyens ne sont pas encore au cœur de la vie politique nationale. Le financement d’une campagne électorale ou encore la visibilité médiatique sont autant d’obstacles à franchir pour espérer intégrer et changer la politique. Afin de se faire connaître, il faut pouvoir mener à bien une campagne électorale qui coûte cher. Dans le but d’obtenir les 1 500 euros nécessaires à cet effet, les citoyens de Saillans ont fait un appel aux dons. Mais cette solution est-elle réalisable à l’échelle nationale, quand on sait qu’une campagne présidentielle peut atteindre des millions d’euros – le plafond des candidats du second tour était fixé à 22,5 millions d’euros en 2012 ? Et les difficultés ne s’arrêtent pas là. Beaucoup de mouvements citoyens sont absents des plus grands médias nationaux. Bertrand Hugon explique qu’il a fallu 75 circonscriptions à Démocratie réelle avant de pouvoir passer un mini-message publicitaire à la télévision. Très peu sont donc connus des Français, qui s’y perdent devant tant de formations politiques. Pour certains électeurs, il est impossible d’imaginer en France un mouvement tel que Podemos, à cause de ce manque de couverture médiatique. Le mouvement espagnol, qui a bénéficié de l’ampleur médiatique des Indignés à l’échelle internationale, ne trouve pour l’instant pas son égal dans l’Hexagone. Très peu de mouvements arrivent à faire leur trou dans un milieu médiatique déjà bien chargé par les frasques des partis politiques majoritaires. Ne s’y intéressent donc que les intéressés…
Alors, parmi tous ces mouvements citoyens voyant le jour, le rassemblement ne serait-il pas la solution ? Bien qu’ayant tous l’objectif de redonner de l’importance à la société civile, ils emploient des moyens différents. Tirage au sort, discussion de lois, prise directe de décision… Pour Mathieu Labonne, « chacun devra faire des concessions » pour réunir la majorité des citoyens sensibles à ces nouvelles pratiques. Quant à Rassemblement citoyen-Cap21, Corinne Lepage précise qu’il est déjà prévu « de rassembler plusieurs mouvements de manière à ce qu’il y ait une grande initiative pour les présidentielles ». Un rassemblement qui pourrait permettre de régler les problèmes médiatiques et financiers.
Tour d’horizon des mouvements citoyens en France
Le mouvement Colibris : Colibris s’est donnée pour mission d’inspirer, relier et soutenir les citoyens engagés dans une démarche de transition individuelle et collective.
Nouvelle donne : Créé en 2013, ce parti politique de gauche mélange citoyens, élus et personnalités afin de mettre en place des projets écologiques, sociaux et politiques comme la création de référendums citoyens ou le tirage au sort.
Nous citoyens : Parti politique sans étiquette, ce mouvement est essentiellement composé de citoyens mettant en place des actions pour faire entendre leurs propositions au gouvernement. Des candidats seront présentés aux élections si le gouvernement ne les entend pas.
LaPrimaire.org : Sur Internet, cette association propose à chaque citoyen de se présenter pour une primaire en vue des présidentielles de 2017.
Citoyen du vote blanc : Cette association vise à présenter des candidats sous l’étiquette du vote blanc pour réussir à faire comptabiliser celui-ci dans le résultat final des différentes élections.
Ma voix : Ce rassemblement souhaite gagner des sièges lors des élections législatives de 2017 afin de faire entendre la voix des citoyens au sein de l’Assemblée nationale.
Démocratie réelle : L’objectif est d’instaurer un régime politique dans lequel les citoyens s’autogouvernent en aidant ces derniers à se présenter aux différentes élections et en utilisant le système du tirage au sort.
Parlement & citoyens : Sur Internet, les députés réalisent des vidéos expliquant leur projet de loi, auxquelles les citoyens peuvent répondre avant de participer au débat en ligne.
La Transition : Ce mouvement a pour objectif la candidature d’une personne de la société civile pour les prochaines élections présidentielles.
Rassemblement citoyen-Cap21 : Parti politique composé à 50 % d’élus et à 50 % de citoyens afin de mettre en place une démocratie participative basée sur des principes d’écolonomie.
Bleu Blanc Zèbre : Lancé par l’écrivain Alexandre Jardin, ce mouvement citoyen regroupe 200 associations, fondations ou entreprises qui apportent des solutions sur l’éducation ou l’accès à l’emploi aux mairies signataires.
Par Isaline Bernard
© Kaizen, construire un autre monde… pas à pas
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