Santé

Michèle Rivasi : « Covid-19 : Un vaccin c’est bien, mais on n’est pas des cobayes »

Par Pascal Greboval, le 12 novembre 2020

Michele Rivasi

Le groupe pharmaceutique Pfizer a annoncé avoir développé un vaccin contre le Covid-19 efficace à 90%. Après cette annonce, le député européen écologiste Yannick Jadot s’est dit favorable au vaccin obligatoire contre le Covid-19. Sa collègue Michèle Rivasi, députée européenne et, membre d’Europe Écologie Les Verts (EÉLV) modère cette vision.

Yannick Jadot a indiqué vouloir rendre obligatoire le vaccin contre le covid-19, qu’en pensez-vous ?

Il a parlé un peu vite. Pour deux raisons. Les chiffres sortis par Pfizer méritent d’être affinés, étudiés plus précisément. Et on ne sait pas si la production nationale et mondiale de vaccins sera suffisante.

Vous remettez en cause les informations publiées par Pfizer ?

Il faut comprendre que ce vaccin est l’objet d’une course internationale entre labos. D’ailleurs ils ont fait une demande de dérogation pour accélérer les processus de recherche pour qu’on trouve très vite un vaccin. [ Ndlr Il faut généralement une dizaine d’années pour développer un vaccin. ] Outre faire sauter des barrières de sécurité, on voit qu’a l’heure actuelle ce sont seulement les labos qui communiquent. Par exemple, quand Pfizer annonce qu’il a trouvé un vaccin à 90% d’efficacité, son action s’envole. Mais quand on regarde en détail les chiffres sur les 43 000 volontaires testés, l’échantillonnage, qui permet d’obtenir ces 90 % est pour l’instant très faible.

Et puis, il faut déterminer les effets secondaires, et pour les connaître il faut vacciner énormément de gens. Notamment un public très varié, des enfants, des adolescents, des personnes âgées. Regarder les différences de réaction entre les femmes, les hommes, observer les personnes vulnérables, que ce soit diabétique, les personnes obèses. Donc selon moi cette phase 3 est assez limitée. ( voir encadré)

Ensuite au niveau de l’Europe, on demande d’avoir accès à toutes les données cliniques avant l’autorisation de mise en marché. Pour l’instant, c’est le refus total. On veut bien nous les donner, mais une fois que l’autorisation pour le marché sera octroyée par l’Agence européenne du médicament. Donc oui, je suis hyper sceptique. Donc si on trouve un vaccin c’est très bien, mais on ne peut pas être tous cobayes quand même.

Ce qui veut dire que vous êtes favorable pour un vaccin ?

Oui bien sûr. S’il y a un vaccin efficace et qu’on donne toutes les garanties pour vérifier l’efficacité et l’innocuité des vaccins, j’y suis favorable. Il permettra de sortir de cette pandémie où les gens sont confinés.

Et sur le côté obligatoire ?

Nous serions en pleine dictature. Je préfère que l’Etat fasse de la pédagogie pour inciter les populations à risque, à se faire vacciner. En Europe du nord, notamment Suède, il y a très peu de vaccin obligatoire et pourtant les gens respectent les consignes de vaccination. En France on nous infantilise.

Mais ce sont bien les mesures obligatoires, comme le confinement qui permettent de réduire la propagation de l’épidémie…

Oui, mais le confinement est une mesure provisoire, pas la vaccination.

Certes, mais c’est en France où il y a la plus grande réticence face aux vaccins ?

Cette culture anti-vaccin émane de tous les scandales sanitaires récents, qui ont créé une défiance envers les laboratoires. Il y a les affaires du sang contaminé, du Mediator, de la Dépakine. Cette défiance n’est pas née ex-nihilo, elle s’accentue parce que nos institutions n’ont pas montré leur rébellion contre des gros labos. Regardez Servier, il était partout, il était à l’Assemblée nationale, il côtoyait tous les acteur, les décideurs. L’affaire du Mediator n’est pas sortie de nos institutions, elle est sortie d’un médecin ; Irène Frachon qui a donné l’alerte. Elle vient de là, la défiance.

Vous parliez de course mondiale au sujet des recherches, où en sommes-nous aujourd’hui ?

Il y a 7 ou 8 vaccins qui sont en phase 3. Il faut attendre la fin des essais cliniques mais je pense qu’il y aura plusieurs vaccins sur le marché.

Qui déterminera leur mise en vente ?

Je pense que ce sera en fonction de la disponibilité des vaccins. C’est pour cette raison aussi qu’on ne peut pas parler de vaccin obligatoire. On a aucune information à ce sujet. Par exemple, j’ai demandé Sanofi et Pfizer combien de sites de production ils ont en Europe. On n’en sait rien. Et de fait, il me parait difficile d’estimer qu’il y aura assez de vaccins pour tout le monde. D’ailleurs regardez, il y a déjà une pénurie sur les vaccins contre la grippe saisonnière en France. Il faudra donc vacciner en priorité les personnes à risques.


Phases de développement d’un vaccin

Essais pré-cliniques : sur des animaux.

Essai clinique phase 1 : quelques dizaines de volontaires

Observation des effets secondaires indésirables, mesurer les anticorps des volontaires…

Essai clinique phase 2 : quelques centaines de volontaires dans plusieurs centres cliniques différents, sur plusieurs mois.

Etudier la réponse immunitaire, les effets secondaires, définition de la dose à administrer, etc.

Essai clinique phase 3 : au moins 30 000 volontaires.

Déterminer l’efficacité du vaccin, sa balance bénéfice/risque.

Essai clinique phase 4 : après la commercialisation du vaccin.

Observer si des effets secondaires indésirables rares, graves surviennent chez des millions de personnes vaccinées.


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