Économie & Gouvernance

Marie Toussaint : « Nous devons réduire de 65% nos émissions de CO2 : nous en sommes loin !»

Par Marie Thomazic, le 26 avril 2021

Marie Toussaint

Les vingt-sept pays de l’Union Européenne se sont accordés mercredi 21 avril, sur une réduction d’au moins 55% des émissions de CO2 d’ici 2030. Alors qu’au moins 60% étaient attendus, les élus écologistes notent que l’objectif n’est pas à la hauteur de l’urgence climatique. L’occasion d’interroger Marie Toussaint, eurodéputée sur la liste EELV.

Pouvez-vous préciser ce que sont concrètement les contours de cet accord européen de réduction d’au moins 55% des émissions de CO2 d’ici 2030 ?

Cet accord est censé être l’élément central du Green Deal [propositions politiques pour une Europe climatiquement neutre en 2050. NDLR]. Son rôle est de fixer nos futurs objectifs qui vont mener par la suite à des législations concrètes. Là où le bât blesse, c’est que l’accord sur la Loi Climat est bien en deçà de ce dont nous avons besoin pour faire face à la crise écologique et climatique.

L’accord indique en effet que l’Europe « s’engage à une réduction d’au moins 55% des émissions de CO2 d’ici 2030 ». En réalité, on passe à 52,8% et non 55 comme ce qui a été « voté ». C’est clairement un engagement en trompe-l’œil ! Pour tenir les objectifs fixés par l’Accord de Paris, les scientifiques demandent une réduction d’au moins 65% d’ici 2030. Nous en sommes loin. Les actes ne suivent pas les grands discours.

Quelles sont les avancées ? L’accord acte la création d’un Haut Conseil Européen pour le climat dont les contours restent à dessiner. En juin, il y aura des discussions sur le marché carbone, les renouvelables ou encore sur l’efficacité énergétique.  Beaucoup reste à faire. Nous devons protéger nos politiques climatiques et reprendre en main l’économie et la finance.

 

Pourquoi ce cap entre les 60% espérés, les 65% nécessaires, et les 55% obtenus ?

Les 52.8% obtenus, j’insiste ! Car pour prétendre agir plus, les négociateurs ont changé le mode de calcul en intégrant les puits carbones, notamment les forêts, qui n’étaient jusque-là pas comptabilisés.

Pour limiter le réchauffement climatique à 1,5/2°C, ce à quoi la communauté internationale, dont l’Europe, s’y est engagée en 2015, nous avons besoin de réduire de 65% nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030, point. La décennie qui vient est vitale. Or, les plans de relance économiques sont aussi des plans de relance du carbone, et l’Agence internationale de l’énergie vient d’alerter sur une probable hausse des émissions de gaz à effet de serre de 5% en 2021. Avec cet accord, l’Union Européenne ne prend pas sa part à l’effort mondial.

Pour sauver le climat, nous devons changer résolument de modèle. Avec les écologistes, nous demandons un Traité environnemental européen, qui grave dans le marbre le fait que l’action pour le climat et le respect des limites planétaires soient désormais une obligation. Au fond, les lois de l’économie ne sont pas au-dessus des lois de la nature. On a une Europe qui hésite à prendre le tournant, des Etats membres en manque d’ambition, et une Union Européenne avec un agenda climatique obsolète. On reste dans la croissance et l’anthropocentrisme. Pour cet accord revu à la baisse, les alliances d’intérêts privés ont agi de manière indirecte et subtile.

Ce nouvel objectif va-t-il jouer un rôle dans les accords internationaux ?

L’accord sur la loi Climat européenne n’est pas assez élevé mais nous n’avons pas le droit de baisser les bras. Nous vivons une période difficile et inédite, mais j’appelle à ne pas abandonner la question climatique avec des plans de relance dopés au carbone.

Le changement de présidence aux USA ouvre une fenêtre d’opportunité. Joe Biden a organisé un sommet pour le climat jeudi 22 avril. Il prévoit un plan de relance vert, accompagné d’un grand plan d’investissement dans la rénovation des infrastructures. Il propose enfin de mettre en place une taxation minimale des multinationales au niveau mondial. Les enjeux sont colossaux et l’Europe ne peut pas manquer ce coche historique.

De nombreuses solutions sont sur la table, la question, est celle de la volonté politique. Il serait alors possible d’aller plus loin et d’être véritablement à la hauteur du défi climatique.


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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