Chronique de Pascal Greboval

Maires écolos : Prenez une voie radicale et populaire

Par Pascal Greboval, le 16 septembre 2020

Maires écolos réunis à Tours

Peut-on conjuguer radicalité et adhésion au plus grand nombre ?

À lire les réactions, après les deux pavés lancés dans la mare médiatique par les maires écolos de Lyon et Bordeaux, on peut en douter.

Pourtant ce qui peut paraître un oxymore est une nécessité. Surtout en ces temps où la crise écologique montre toute son ampleur : incendies en Californie, déclin de 68 % des populations de vertébrés en moins d’un demi-siècle[i], début d’agonie de forêts françaises[ii], etc. Bref, nous avons besoin que le plus grand nombre s’engage dans un mode de vie radicalement sobre.

Alors comment faire ? Reprenons les propos polémiques : l’édile de la capitale des Gaules a jugé le tour de France polluant et sexiste quand celui de Bordeaux questionnait l’utilité du sapin de Noël sur la place publique.

Dissocions le fond et la forme.

Commençons par le fond et le tour de France. À Lyon, Grégory Doucet met en lumière une réalité que les maillots – jaune, vert ou à pois – ne peuvent plus cacher. L’impact environnemental de la Grande Boucle est désastreux avec notamment 2300 voitures suiveuses et 18 millions de goodies jetés en trois semaines.

Sur le sapin de Noël, le constat est moins tranché. L’impact viendrait majoritairement de l’usage intensif des pesticides et de l’origine des graines de sapin issues à 90 % d’une forêt géorgienne où les travailleurs sont largement exploités[iii].

Je pense qu’on perd notre temps à s’entredéchirer entre convaincus sur le niveau du curseur vert… Et que le rôle d’un média n’est pas toujours de porter la plume dans la plaie. Je devrais donc me taire… Mais là, j’ai envie d’affirmer qu’une troisième voie, celle du milieu, est possible. En effet, ces prises de parole ne servent pas la nécessaire convergence entre luttes sociale et environnementale, deux faces d’une même médaille, en réponse au néolibéralisme.

Mais dans notre société où la forme prime parfois sur le fond était-ce la bonne méthode, le bon moment ? En attaquant deux traditions populaires, pour ne pas dire « sacrées », le message écolo devient inaudible. Or nous avons besoin que tout le monde comprenne ce message et y adhère.

On peut toujours arguer que les contempteurs de l’écologie ont extrait ces fragments d’un contexte, d’un discours, d’un programme plus complet, plus complexe. Cela est vrai. Et qu’il est plus facile de regarder le doigt que la lune.

Mais le Tour de France et les décorations de Noël sont des moments populaires, accessibles gratuitement, et qui – on pourrait en discuter, mais c’est un autre sujet – « mettent des paillettes dans la vie » de ceux pour qui les fins de mois sont difficiles, qui ne peuvent aller au théâtre, aux concerts, etc. Bien sûr, il est temps de demander à tout le monde de faire des efforts, citoyens comme entreprises, mais s’attaquer à des symboles chers aux classes sociales les plus défavorisées est une erreur stratégique et un bâton pour se faire battre.

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Il y a tant d’autres espaces à défricher. Ces deux maires pourraient, par exemple, demander à toutes les antennes de Radio France de ne plus envoyer de journalistes (payés par nos impôts) couvrir le championnat du monde de Formule 1, lequel est une véritable catastrophe écologique, voire de ne plus en parler dans leurs journaux. Ils pourraient lancer une pétition en ligne pour le boycott de la Coupe du monde de foot 2022 au Qatar, autre ineptie écologique, avec – rêvons un peu – Mbappé en porte-drapeau !

Dans leurs villes, ces deux maires pourraient annoncer le remboursement des frais kilométriques de tous les fonctionnaires qui viennent travailler à vélo. Ils pourraient lancer des constructions d’écoles, d’HLM en paille pour associer les classes populaires à la démarche écologique et « écolonomique ».

Bien sûr, il y a, il y aura des décisions difficiles à prendre, qui ne feront pas plaisir à tout le monde. Mais ne commençons pas par cibler les premières victimes du modèle néolibéral. Visons plutôt ceux qui en sont les gardiens, les garants et qui en jouissent pleinement. La crise sanitaire a de nouveau profité aux plus riches et été particulièrement pénible pour les plus défavorisés. Messieurs Doucet et Hurmic, vous êtes néophytes, mais innovez, cherchez les pistes d’une radicalité plus populaire. C’est un vrai défi, que nous devons relever collectivement. Pour que l’action soit juste, cultivons aussi la parole juste.

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[i] https://www.wwf.fr/vous-informer/actualites/rapport-planete-vivante-2020

 

[ii] https://www.francetvinfo.fr/meteo/secheresse/secheresse-des-forets-commencent-a-mourir-en-france-alerte-une-hydroclimatologue_4095725.html

[iii] https://www.unnoelecolo.com/impact-ecologique-sapin-noel/#:~:text=Avantage%20%C3%A9cologique%20au%20sapin%20naturel,41.&text=Le%20sapin%20naturel%20g%C3%A9n%C3%A8re%20en,%C2%AB%20rentabiliser%20%C2%BB%20son%20bilan%20carbone


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