Politique

Loi Climat et résilience - Delphine Batho : « Je suis combative et déterminée mais je ne me fais aucune illusion»

Par Marius Gouttebelle, le 15 mars 2021

Delphine Batho

Le projet de loi Climat et résilience, incluant une partie des articles de la convention citoyenne pour le climat, est débattu du 8 au 22 mars 2021 à l’Assemblée nationale. Delphine Batho, présidente de Génération écologie et députée des Deux-Sèvres non-inscrite fait partie des 51 membres de la commission, qui pendant deux semaines, proposent plusieurs amendements visant à modifier ou étoffer le projet de loi.

 

Quel est l’enjeu de la loi Climat et résilience ?  

L’enjeu de la loi Climat et résilience c’est la réduction de 45% des émissions de gaz à effet de serre entre 2010 et 2030 revendiqué par la communauté scientifique internationale alors que la France n’est absolument pas sur cette trajectoire aujourd’hui.

L’enjeu est de remettre la Convention citoyenne pour le climat en son cœur. Le gouvernement s’était engagé à reprendre sans filtre les propositions de la convention, il joue finalement à un jeu de massacre en désossant les articles proposés. On se demande parfois si le pire n’est pas cette technique qui consiste à faire semblant d’agir.

Le cœur de ce que le gouvernement protège en refusant de prendre les mesures de la convention citoyenne c’est le modèle consumériste, c’est la société d’hyper consommation. Alors que l’un des principaux apports des propositions de la Convention citoyenne est de changer l’imaginaire de la société, s’attaquer à la publicité et à la mobilité polluante.

 

Pourquoi selon-vous le gouvernement n’agit-il pas, ou du moins insuffisamment au profit du climat et de l’écologie ?

Il y a évidemment des intérêts industriels très puissants qui ont du pouvoir mais il y a aussi la religion du mythe de la croissance économique. Or on sait que la croissance ne fait pas le bonheur, elle est destructrice. Aujourd’hui on doit organiser un changement de modèle de civilisation revenant à l’essentiel de ce qui est important dans la vie, et donc d’abord de rester vivant parce que c’est ce qui est en cause ici. Mais on doit aussi accorder beaucoup plus d’importance à l’éducation, aux liens humains, à la culture et moins à ce qu’on possède, ce que l’on consomme qui est dans une logique de prédation des ressources qui nous emmène aujourd’hui droit dans le mur.

 

Laurence Maillart-Méhaignerie, présidente de la commission en charge de l’examen avait déclaré le 1er mars : « Il n’est pas question que les ambitions du projet de loi Climat et résilience soient révisées à la baisse. » Qu’en est-il aujourd’hui ? 

C’est déjà le cas. Après 5 jours de débats plusieurs amendements adoptés reviennent déjà en arrière, tandis que 856 autres amendements ont été déclarés irrecevables, c’est énorme ! Mais plus que le nombre, ce qui est significatif, c’est ce sur quoi porte les amendements écartés. Ils vont de la préservation des forêts à des mesures très concrètes comme la volonté de développer l’utilisation du vélo en passant par tout ce qui concerne la sortie des énergies fossiles que l’Etat continue de soutenir très fortement ou encore l’utilisation de pesticides.

Tous ces sujets, qui sont les vrais sujets importants pour la réduction des émissions de gaz à effets de serre, sont déclarés irrecevables : ce qui permet à la majorité d’échapper à l’heure de vérité sans avoir à se prononcer par un vote. C’est une façon d’interdire le débat sans être obligé d’assumer le fait que l’on continue d’épuiser les énergies fossiles, contre la préservation des forêts, etc. On n’en sortira pas tant que l’on restera dans le raisonnement que l’on a le droit de polluer et de produire des émissions de gaz à effets de serre indépendamment des conséquences sur le climat ou des conséquences sur la santé publique sous prétexte que c’est économiquement rentable.

 

Vous avez précédemment jugé trop courte la durée des discussions devant l’hémicycle qui auront lieu le 29 mars pendant 45 heures, avant de clôturer les débats autour de la loi. Quelles conséquences cela aura-t-il ?

C’est la 5ème République dans toute sa brutalité contre l’écologie. Sur ces 45 heures, ce qui est scandaleux ce n’est même pas la durée, c’est le fait qu’il y ait recourt à ce qu’on appelle le temps programmé qui va concrètement priver les écologistes de défendre leurs amendements, d’argumenter, de répondre. Les productivistes seront entre eux.

Le temps programmé est une procédure qui limite le débat parlementaire à un temps défini, donc là en l’occurrence ils l’ont fixé à 45 heures. Lors de cette durée les orateurs parlent sans limite de temps. On n’est plus du tout dans une logique de travail où on appelle article par article, amendement par amendement et où il y a un débat de deux minutes systématiques. Ils peuvent parfaitement rester trente minutes par amendement et très concrètement cela veut dire que des articles ou des amendements peuvent être non exposés, non défendus, non argumentés.

 

Restez-vous positive à l’idée que la loi Climat et résilience évolue dans le bon sens ?

Je suis combative et déterminée mais je ne me fais aucune illusion sur le résultat du débat parlementaire. Pour le moment aucun amendement provenant de la Convention citoyenne pour le climat n’a été réinséré.

En ce qui concerne la résilience, il n’y a pas une seule disposition du texte qui la concerne. J’en suis même à faire un amendement pour supprimer le mot résilience au titre du texte parce que c’est toujours cette même technique qui consiste à prendre les mots des écologistes pour les vider de leur contenu. Avec un président non-écologiste, un premier ministre non-écologiste dans un gouvernement non-écologiste, il ne faut de toute façon pas s’attendre à ce qu’ils mènent une politique de transformation écologique dans la justice sociale. Pour que les choses changent il faut mettre l’écologie au pouvoir.


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

Soutenir Kaizen Magazine, c'est s'engager dans un monde de solutions.

Notre média indépendant a besoin du soutien de ses lectrices et lecteurs.

Faites un don et supportez la presse indépendante !

JE FAIS UN DON

Loi Climat et résilience - Delphine Batho : « Je suis combative et déterminée mais je ne me fais aucune illusion»

Close

Rejoindre la conversation