Historiquement aux mains des socialistes depuis 43 ans, la mairie de Poitiers accueille depuis vendredi 3 juillet une nouvelle équipe issue d’un mouvement citoyen : Poitiers Collectif. A sa tête, Léonore Moncond’huy, 30 ans, désireuse de faire passer avec pragmatisme la transition écologique, sociale et démocratique au premier plan. Rencontre.
Au-delà d’une « vague verte » qui a déferlé lors du second tour des municipales, on a pu observer la montée de listes citoyennes et participatives comme Poitiers Collectif. Comment analysez-vous cette nouvelle tendance ?
En 2015, lorsque j’ai été élue au conseil régional EELV – Nouvelle-Aquitaine, j’ai réalisé que les politiques suscités de la méfiance et que la forme traditionnelle n’était pas ce qui faisait venir les gens de ma génération en politique. Cette verticalité du pouvoir est une forme de repoussoir. J’ai eu à cœur pendant ma co-présidence de créer des ponts entre les partis dont je faisais partie et des personnes non encartées, très engagées dans leur vie professionnelle et associative. En octobre 2018, nous avons alors lancé Poitiers collectif, un mouvement citoyen indépendant du fonctionnement des partis à l’échelle locale. Notre victoire au second tour et les résultats à l’échelle nationale ont alors conforté la nouvelle direction que souhaitent prendre les citoyens en termes de justice sociale et climatique. Nous sommes très fiers de voir que les poitevines et poitevins ont fait confiance à un collectif citoyen, porteur d’une nouvelle génération d’idées, pour prendre les rênes de la ville.
Etait-ce une campagne compliquée lorsqu’une démarche citoyenne se confronte au système politique traditionnel ?
Ce n’était pas gagné d’avance parce que pendant la campagne nous avions plus à faire nos preuves que d’autres. Les élus sortants ont toujours une présomption de crédibilité et de sérieux que nous n’avions pas. Mais à l’inverse de faire de la « politique politicienne », de désigner une personne-candidate puis de monter un projet, nous avons pris le temps (un an) de construire d’abord un programme de manière ouverte et transparente, avec des groupes de travail, autour de l’écologie, de la justice sociale et de la démocratie et ensuite de désigner tous ensemble la tête de liste.
Il n’y a donc aucune ingérence d’autres partis traditionnels ?
Non aucune. Plusieurs formations de gauche nous soutiennent comme le PCF, EELV ou encore Génération.s mais cela reste du soutien, il n’y a pas d’ingérence dans la conduite du collectif ni dans son programme. Dans notre équipe nous avons plus de 60% personnes non-adhérentes à un parti, nous voulons vraiment garder notre démarche citoyenne, changer la manière de faire la politique pour que les poitevines et poitevins retrouvent confiance et se réapproprient la démocratie à l’échelle locale.
L’équipe de Poitiers Collectif est composée de plus de 60% personnes non-adhérentes à un parti avec une moyenne d’âge de 39 ans. ©DR
Quels outils allez-vous appliquer pour redonner du pouvoir aux citoyens ?
La démocratie sera prise en compte dans toutes nos décisions. Systématiquement, les nouveaux projets seront discutés avec les acteurs concernés, soit de construire la politique culturelle avec les acteurs de la culture, établir une politique universitaire avec les gens du campus etc… Pour aller plus loin, nous allons mettre en place des outils qui n’existaient pas dans la politique de la ville : une assemblée citoyenne, un droit d’initiative local et un référendum d’initiative locale[1], qui permettront aux habitants, dès qu’un sujet émerge, de s’en saisir, d’en débattre et de le faire voter ou non.
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Quelles mesures envisagez-vous de mettre en place dans les mois à venir ?
Nous n’avons pas forcément de « projets phares » dans les trois mois à venir si ce n’est de garantir que toutes les décisions iront dans le sens de la transition écologique et sociale. La priorité à l’heure actuelle est de gérer la crise sanitaire et surtout l’urgence sociale qui en découle. Cela se concrétisera par de nombreuses actions en faveur de la solidarité et de la reprise économique. On y est un peu confrontés par la force des choses donc soutenir les acteurs du territoire les plus fragiles économiquement parlant est notre priorité.
Cette nouvelle ambition politique citoyenne doit-elle devenir la norme et marque-t-elle une rupture profonde avec le monde d’avant ?
Je parlerais plus de relève. Le système actuel n’est pas à la hauteur des enjeux climatiques et sociaux auxquels nous faisons face. Il y a forcément une rupture dans le fond, pas forcément avec les personnes mais avec le logiciel politique actuel. On ne peut plus penser avec le même, c’est une question de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Le rôle des élus locaux est selon moi primordial parce que ce sont finalement ceux que l’on connaît le mieux et leurs décisions impactent directement notre vie quotidienne. Je reste persuadée que c’est au niveau local que l’on peut fédérer, redonner une confiance aux citoyens en la politique, et faire bouger et changer les choses sur le long terme.
Bio express
Chargée de projet dans la coopération internationale, Léonore Moncond’huy s’engage en politique à 25 ans et devient la plus jeune conseillère régionale de Nouvelle-Aquitaine où elle co-préside le groupe EELV. Engagée dans le monde associatif et désireuse de redonner du pouvoir démocratique aux citoyens, elle co-fonde la liste citoyenne Poitiers collectif qui remporte le second tour des municipales avec près de 43% des voix et mille voix d’avance sur le maire socialiste sortant Alain Claeys, en poste depuis 2008.
[1] Droit d’initiative locale : si 1500 poitevins se mettent ensemble pour soutenir une proposition, elle sera mise à l’ordre du jour du Conseil Municipal.
Référendum d’Initiative Locale : si 5000 personnes soutiennent cette proposition, elle sera soumise au vote de la population.