Bien-être

Le rire comme « thérapie » : nouveau remède pour une (r)évolution intérieure au quotidien ?



Et si le rire devenait l’outil de développement personnel par excellence ? Rigologie, yoga du rire, rirothérapie… autant de techniques de bien-être autour du rire qui fleurissent en France depuis une quinzaine d’années. Leurs buts ? Permettre un lâcher-prise au quotidien et réussir à se reconnecter à ses émotions et à celles des autres.

 

C’est devenu un rendez-vous incontournable. Tous les lundis soir, Emmanuel se presse de rejoindre, dans un petit local de Fontenay-le-Fleury (Yvelines), son club de… rire ! Ce directeur d’administration a découvert le yoga du rire par un membre de sa famille et participe aux séances depuis plus d’un an maintenant. « C’est un pur moment de détente où je fais le plein d’énergie et qui me permet de mieux appréhender ma semaine », explique-t-il.

Ici, il n’est pas question de se raconter des blagues, mais de pratiquer une technique de bien-être venue d’Inde – théorisé par le Dr Madan Kataria en 1995 – qui combine des « rires sans raison » et des exercices corporels et respiratoires. « On s’échauffe en se frottant le corps et en pratiquant des respirations abdominales, puis on attaque des séries d’exercices où l’on provoque la mécanique du rire », explique Carole Fortuna, animatrice du club de Fontenay-le-Fleury. Sans se parler, les participants sont ainsi invités à taper des mains en poussant des « ah ah ah », « oh oh oh » de manière accentuée, ou bien à se déplacer dans la salle en se passant du « rire en pommade » tout en jouant avec son voisin. « Le yoga du rire se base sur un fait scientifique : le cerveau ne fait pas la différence entre un rire forcé et un rire naturel [1]. Le cerveau sécrète les mêmes taux d’endorphine dans les deux cas », détaille l’animatrice.

 

 

Mettre de côté le mental

De ces rires simulés viennent les rires naturels, notamment pendant la « méditation du rire », dernier exercice où les participants s’allongent en cercle et relâchent toute la pression. « J’ai bien travaillé mes zygomatiques ce soir », se réjouit Gary, qui s’est pris d’un fou rire interminable et a contaminé ses camarades comme une vague d’énergie communicative. « J’ai la sensation d’avoir bu deux verres d’alcool après les séances », ajoute Emmanuel. « C’est une sensation d’apaisement total », lâche quant à elle Corinne, qui n’était pas très à l’aise au début. « Lors de ma première séance, je n’arrivais pas à rentrer dedans, je trouvais ça bizarre de se “forcer” à rire, confie-t-elle. Au fur et à mesure, je me suis abandonnée à l’exercice, je suis sortie de ma zone de confort et je fais tout, aujourd’hui, pour ne rater aucune séance. ». Un lâcher-prise libérateur donc, selon Carole Fortuna. « Dans une société où l’intellect est en permanence sollicité et mis sur un piédestal, on délaisse de plus en plus les émotions corporelles. Le yoga du rire est un moment où l’on dépose son mental dans un placard et on laisse le corps parler », explique l’animatrice.

 

Se reconnecter à « une joie authentique » avec la rigologie

Pour devenir animatrice, Carole Fortuna s’est réfugiée à l’Institut français du yoga du rire et du rire santé dont le siège se trouve à Rennes, et qui forme près de 400 personnes par an. « Deux jours suffisent pour être animateur et en cinq jours, on peut être professeur agréé », précise Fabrice Loizeau, directeur de l’établissement. « Cela peut paraître court, mais c’est suffisant puisque la méthode est simple et on va droit au but avec des ateliers pratiques », ajoute-t-il. En plus du yoga du rire, les plus impliqués peuvent se former à l’École du positif, située dans un bâtiment annexe, qui englobe des apprentissages autour des sciences du bonheur comme la psychologie positive ou la relaxation ludique.

Ces différentes techniques de développement personnel autour du bonheur, Corinne Cosseron, fondatrice de l’École internationale du rire à Frontignan, près de Montpellier, les a réunies sous un même concept : la rigologie. « Après m’être formée au yoga du rire, j’ai enquêté sur toutes les techniques de joie de vivre comme la sophrologie ludique, la danse méditative, etc. », raconte-t-elle. J’ai donc déposé le terme de rigologie en 2002 pour englober sous une seule notion toutes ces pratiques et mettre en place des formations plus longues. »

Aujourd’hui, des milliers de « rigologues » sont passés par cette école et proposent des ateliers aux quatre coins de la France. « La rigologie va plus loin que le yoga du rire et invite, en libérant nos émotions stockées et en les exprimant en pleine conscience, à se reconnecter de manière plus profonde et plus durable à une joie authentique », conclut-elle.

Si Fabrice Loizeau et Corinne Cosseron reconnaissent les vertus thérapeutiques du rire, ils refusent néanmoins de parler de thérapie. « On retrouve dans des écrits du xixe siècle, les termes de “rirothérapie” ou “gélothérapie” pour mettre en avant des thérapies par le rire, mais nous refusons de mettre en avant l’aspect médical, car nous ne proposons pas de soins, mais une activité de bien-être qui a, bien sûr, des effets sur le corps et l’esprit », précise Fabrice Loizeau. « Le rire a des vertus évidentes et cela a été prouvé scientifiquement que dix à quinze minutes de rire par jour avaient un rôle dans la prévention des risques cardio-vasculaires [2], ajoute Corinne Cosseron. Mais il ne faut pas non plus le voir comme un médicament. Rire est quelque chose de naturel et sain pour l’homme, il faut le cultiver tous les jours. »

 

Rire en entreprise, vrai remède pour soigner les maux des travailleurs ?

Avec près de 400 clubs de rire en France, c’est plus de 15 000 « rieurs » qui se retrouvent pour s’accorder un moment de détente. Un remède naturel contre le stress qui séduit de plus en plus d’entreprises. « Quand j’interviens en entreprise pour proposer un cours de yoga du rire, les salariés passent un bon moment de convivialité même si certains ont du mal à lâcher prise », raconte Carole Fortuna. « Ce manque de lâcher-prise permet parfois de pointer des soucis de management et devient un point de départ pour désamorcer des choses, ajoute-t-elle. Pour optimiser la qualité au travail, certaines entreprises n’hésitent pas à faire appel à un “Chief Happiness Officer” soit un “Directeur Général du Bonheur”. » « C’est devenu très tendance, mais la réglementation encore très floue de cette profession fait qu’elle ne fait pas forcément ses preuves sur le terrain, souligne Fabrice Loizeau. Nos prestations sont majoritairement ponctuelles et pour amener un réel changement positif dans le quotidien des salariés, l’idéal serait de régulariser les interventions en s’adaptant à l’entreprise et ainsi enlever les barrières du doute sur ces nouvelles méthodes de bien-être au travail. » Un outil à développer donc, tant que le rire ne devient pas un pansement sur une jambe de bois.

 

Par Maëlys Vésir 

 

Pour aller plus loin

www.clubs-de-yoga-du-rire.com

www.formation-yogadurire.fr

www.ecolederire.org

www.rire-a-paris.com

 


Pour s’y retrouver

Yoga du rire : pratique de bien-être développée par le docteur indien Madan Kataria en 1995 qui combine des exercices de rire, d’étirements, de relaxation et de respiration empruntés au yoga.

Rigologie : terme déposé en 2002 par Corinne Cosseron pour désigner une technique psychocorporelle de développement personnel autour de la joie de vivre. Elle englobe plusieurs outils comme le yoga du rire, la psychologie positive, la méditation, la sophrologie ludique…

Gélothérapie : synonyme de thérapie par le rire, rirothérapie, rigolothérapie, zygomathérapie… ce terme désigne l’ensemble des méthodes de bien-être autour du rire pour garder une bonne santé (yoga du rire, rigologie…) ou mieux vivre la maladie (interventions dans les hôpitaux, les Ehpad, etc.)

Gélotologie : discipline scientifique et neuroscientifique qui étudie le rire et ses bienfaits sur le corps.


[1] Selon l’étude scientifique des docteurs Tara Kraft et Sarah Pressman de l’université du Kansas, un rire naturel ou bien forcé a les mêmes effets et permet de réduire le stress (Psychologies Science, 2012)

[2] Selon une étude d’une équipe de chercheurs américains de l’Université du Maryland dirigé par le docteur Michael Miller (American College of Cardiology [ACC], 2005).

Le 20 juin 2019
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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