Énergie et Mouvements citoyens

Le Relais Jeunes : nouvel activisme à vélo, pour défendre l’écologie

Par Arnaud Didier, le 22 mai 2023

Membres du Relais Jeunes lors de leur arrivée à la ferme/camping GAEC Arc en ciel à Bazougers (53170). (Photo : Arnaud Didier)

“Incubateur d’engagement”, telle est la devise du Relais Jeunes, une association qui incite les jeunes à se rassembler pour parcourir la France à vélo afin de militer contre le dérèglement climatique. Cette année, les jeunes activistes ont choisi pour thème « l’énergie », en 14 villes-étapes de Bruxelles à Toulouse. Une itinérance ponctuées de multiples actions et porteuse de sens pour les jeunes qui s’engagent dans l’aventure.  

Leur support de manifestation n’est pas la pancarte en carton, mais la bicyclette. Plusieurs jeunes entre 18 et 30 ans ont rejoint Le Relais Jeunes afin de parcourir la France à vélo pour sensibiliser élèves, citoyens et élus sur le dérèglement climatique. Né en 2022 à la suite d’un projet scolaire, le projet associatif, mené par des étudiants issus de Sciences-Po, consiste à réaliser chaque année un périple à vélo sur une thématique précise. Cette année, c’est l’énergie. Au programme : un parcours de 1443 km à vélo avec 14 villes-étapes de Bruxelles à Toulouse, pour une durée de deux mois. Un parcours pas choisi au hasard puisqu’il symbolise la longueur de la pipeline du projet EACOP opéré par TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie qui aura un impact significatif sur l’environnement.

Les lieux de départ et d’arrivée ont aussi une valeur symbolique comme l’explique Alice Taieb, 24 ans, responsable relation presse et soin au Relais Jeunes : « Le départ de Bruxelles a été choisi, car c’est la ville du Parlement européen et celui-ci s’est positionné contre le projet EACOP de TotalEnergies. Ça nous tenait à cœur de faire déjà une lutte franco-belge pour le départ. Ensuite, on a choisi Toulouse parce que l’itinéraire qu’on a calculé fait 1443 km si on arrive à là-bas, donc la vraie taille de la pipeline. Et aussi parce que c’est la capitale mondiale de l’aéronautique, un secteur qui incarne bien ce pour quoi on lutte, c’est-à-dire à la fois les problèmes écologiques, mais aussi les problèmes de justice sociale parce que l’accès à l’avion n’est pas égal ». Entre le point A et le point B, les membres du Relais Jeunes ont construit un itinéraire avec des lieux stratégiques en lien avec l’énergie, telle que la centrale de Penly à Petit-Caux.

Rencontrer et apprendre

A leur arrivée dans chaque ville étape, le Relais Jeunes a à cœur de rencontrer les élus locaux afin de les mobiliser sur un traité international. « On porte un appel au traité de non-prolifération des combustibles fossiles qui est une initiative internationale qui appelle les Etats à se coordonner. Notre ambition, c’est qu’à la fin du périple, on ait assez de légitimité pour créer une grosse mobilisation et faire en sorte qu’Emmanuel Macron signe cet appel au traité et le porte », explique Alice Taieb. L’association se rend également dans des établissements scolaires pour sensibiliser les élèves sur les questions liées au climat.

Il est ensuite question de trouver un lieu inspirant dans lequel les relayeurs vont séjourner pour une ou deux nuits. L’équipe du Relais Jeunes cherche le plus souvent des lieux porteurs de sens et ressourçant tels que des fermes avec des modes d’agricultures novateurs. A leur arrivée à Bazougers, par exemple, le groupe de jeunes s’est rendu dans une ferme qui pratique la biodynamie et qui est munie de son propre fournil. Angélique et Grégory, les ont accueillis sur leur terrain, leurs permettant d’installer leurs tentes. Après une nuit passée là-bas, ils ont pu participer à différentes activités proposées par le couple. « On a un grand fournil. On fait 2 fournées dans la semaine donc c’est toujours chaud pour les jours qui suivent. L’idée c’est de leur expliquer comment utiliser cette chaleur, cette énergie, qui existe tout le temps. », explique Angélique.

Manifester autrement

Ils et elles, sont une centaine de jeunes à avoir pris part au projet en décidant de parcourir soit quelques villes étape, soit le parcours en entier. Une façon pour eux de découvrir un nouveau moyen d’expression et d’action. Pour Manon Durieux, 25 ans et membre du Relais Jeunes, « le sport est vecteur d’unité et permet de fédérer des personnes qui ne sont pas forcément de milieux “écolos”. Ça permet de toucher un public plus large ». Le vélo a ainsi permis à certaines personnes de rejoindre l’aventure et de mieux comprendre les enjeux écologiques. C’est le cas de Bastien Guidet, 21 ans, un relayeur qui participe à cette deuxième édition et qui réalise le parcours de A à Z : « Ce qui m’a plu au départ, c’est d’abord le défi sportif. L’année dernière, il y avait beaucoup de kilomètres et c’était du vélo, et moi, j’adore le vélo donc je me suis dit, c’est parti ! Associer le sport et l’écologie, pour moi, c’est bénéfique ». Le sentiment d’accomplissement et de challenge apporte une dimension plus intense. « Ce que ça apporte de plus qu’une manifestation traditionnelle, c’est, je trouve, le dépassement de soi. C’est assez fort de sentir quelque chose dans son corps. Il y a des moments où c’est un peu plus dur, mais ce n’est pas une douleur qui reste. Quand tu as passé une grande côte, t’es hyper fier de toi », estime Manon Durieux.

Au-delà de l’aspect physique du vélo, ce type de manifestation permet un cadre de mobilisation itinérant et collectif. « Dans une manifestation traditionnelle, on mobilise les jeunes 2 ou 3 heures. Nous, on leur ouvre la possibilité de se mobiliser pendant 2 mois. On ne vit pas la même expérience sur 2 heures, quand on reste dans notre cadre de vie dont on veut s’extraire. Nous ce qu’on propose, c’est de le faire en fait, de s’extraire vraiment de ce cadre de vie et de changer les choses à notre échelle », fait observer Alice Taieb.

Pour d’autres, ce format d’engagement permet de retrouver du sens et d’être bien accompagné afin de mieux comprendre les questions écologiques. « On est un peu démuni face à ces questions qui nous dépassent, mais quand on se met ensemble dans un groupe, avec des gens qui sont conscients et qui en parlent, ça soulage d’un poids immense », indique Clément De Daniloff, 27 ans, responsable pédagogie et chargé logistique au sein de l’association.

Reconnexion à l’environnement

Mener un parcours à vélo, permet, au-delà du sport, de changer son regard sur « le rapport au voyage, au temps, à l’effort, à l’espace, au paysage et à la nature », selon Alice Taieb. « Cela permet d’alimenter une sensibilité à notre environnement qu’on aurait peut-être perdu ».  D’une manière plus pratique et plus individuelle, le vélo permet aussi d’avoir « des temps où on peut souffler, des temps où on peut extérioriser et quand on vit collectivement pendant plusieurs mois, c’est quelque chose qui fait du bien », constate-t-elle.

Le Relais Jeunes démontre une certaine volonté de reconnexion à l’environnement. « Il y a un peu une volonté de se déconnecter d’une société un peu trop complexe qui nous force à consommer pas mal de choses, de vivre rapidement, de toujours être connecté au numérique », assure Clément De Daniloff. Pour Florence Huang, une relayeuse en étude de médecine, le constat est sans appel : « Je me sens trop vivante. A Paris, on est toujours là, dans la vie quotidienne et toujours pressée par le temps. Ici, on prend le temps de rencontrer du monde, de discuter, de regarder le paysage et de ne rien faire aussi. Et ça, c’est agréable en fait ». L’accès au numérique n’est plus un besoin accru. « Tout ce qui est réseaux sociaux, je ne suis pas du tout en manque », constate-t-elle.

Avec un parcours sur le thème de l’énergie, les prises de conscience sur cet aspect sont au cœur du périple. « Se rendre compte que l’énergie coûte quelque chose, c’est quand même une prise de conscience qui est super profonde et qui va au-delà d’une manifestation qui durerait deux heures », souligne Alice Taieb. Dans un tel périple, le confort se fait rare, mais, lorsqu’il retentit, le plaisir se fait ressentir. « Je n’ai jamais eu autant froid la nuit, qu’ici. En fait, on ne s’en rend pas compte, mais, le chauffage, par exemple, ça fait partie des besoins qu’on a au quotidien super facilement et qu’ici, on n’a plus. Du coup, t’expérimentes vraiment ce qu’est le froid et la fatigue. Quand on a de l’eau chaude, on l’apprécie deux fois plus que d’habitude », raconte Florence Huang.

Une expérience transformatrice

Celles et ceux qui ont rejoint le Relais Jeunes ressortent changé.e.s. Vivre en collectif pour défendre des valeurs communes renforce la communication et permet une possibilité d’action plus grande. « Le fait de vivre en collectif tous les jours […], ça brise tout de suite les barrières qu’on peut avoir. On rentre tout de suite dans des relations beaucoup plus personnelles avec les gens. Et mine de rien, ça aide à communiquer. Et c’est utile, dans le sens où, comme ce sont des sujets qui génèrent pas mal d’anxiété, on se sent tout de suite dans une relation de confiance pour se livrer avec les autres », confie Clément De Daniloff.

Pour Bastien Guidet, c’est dans les gestes du quotidien et dans la manière de consommer que le Relais Jeunes lui a permis une prise de conscience puis d’action. « J’étais omnivore et je suis passé végétarien d’un coup et je me suis vraiment construit une conscience environnementale. J’ai approfondi les sujets en étant hyper curieux, en découvrant des magazines, des livres, en découvrant de nouvelles personnes, dont Camille Etienne qui m’a beaucoup inspiré. J’ai creusé les questions de transport, de logement et du numérique », relate le relayeur.

« C’est vraiment l’expérience qui m’a le plus fait changer, qui m’a permis de me déconstruire, mais aussi de me reconstruire sur de nouvelles valeurs et de nouvelles idées », Bastien Guidet.

Alice Taieb insiste bien sur le fait que le Relais Jeunes « n’est pas une excuse pour faire une aventure entre potes », c’est surtout « une bonne excuse pour s’extraire de cette logique de travail, argent, famille et une bonne excuse d’arrêter, de ralentir. On donne l’occasion aux gens de faire peu, mais au moins, de ne pas mal faire et de ne pas s’inscrire dans un système qui ne respecte pas le vivant ».


Pour aller plus loin : Le Relais Jeunes


© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

Soutenir Kaizen Magazine, c'est s'engager dans un monde de solutions.

Notre média indépendant a besoin du soutien de ses lectrices et lecteurs.

Faites un don et supportez la presse indépendante !

JE FAIS UN DON

Le Relais Jeunes : nouvel activisme à vélo, pour défendre l’écologie

Close

Rejoindre la conversation