Alimentation

Le jeûne : à quoi ça sert ? 

Par Alicia Blancher, le 19 septembre 2021



Nettoyage de l’organisme, regain d’énergie, sensation de bien-être… Le jeûne a aujourd’hui le vent en poupe. La pratique, surtout quand elle est encadrée, est de plus en plus préconisée par certains spécialistes pour renforcer notre santé physique et mentale. 

 

 L’avis de Jean-Pascal David, naturopathe 

 BIO EXPRESS 

1966 : Naissance 

2007 : Diplôme en naturopathie (Institut Alain-Rousseaux, aujourd’hui ISUPNAT) 

2010 : Création de la Maison du jeûne 

 

Le premier objectif du jeûne, c’est bien souvent la santé. Quand on jeûne, l’organisme ne reçoit plus d’aliments ; le corps doit donc aller chercher la nourriture ailleurs. C’est ce qu’on appelle avec humour la « pension complète » : il pioche directement dans le réfrigérateur, dans ses réserves. Le tube digestif se met ainsi au repos et l’organisme en profite pour se nettoyer. Souvent, les médecins ne sont pas favorables à la détoxification car ils estiment qu’elle n’est pas nécessaire, notre corps étant naturellement capable d’éliminer au quotidien, via les émonctoires (foie, reins, poumons, intestins, peau), les déchets (1).

Cependant, notre sédentarité, notre trop-plein de nourriture, le stress en excès, etc. limitent les capacités de notre corps à éliminer. Continuellement, l’organisme veille à maintenir les constantes du milieu intérieur (pression artérielle, taux d’hydratation, température, pH, etc.) – ce que l’on appelle l’homéostasie. Quand il fait face à une surcharge de déchets, il a deux solutions : soit il élimine, soit il n’y parvient pas et stocke ces déchets un peu partout, dans le foie, les tissus adipeux ou les articulations, par exemple. Le jeûne permet au corps de remettre en circulation ce surplus et de s’en débarrasser. 

Ceux qui ne maîtrisent pas bien le jeûne disent souvent : « C’est dangereux, le corps va puiser dans les protéines, dans le cœur, etc. » En réalité, le corps supprime en premier lieu tout ce dont il n’a pas besoin, tout ce qui le gêne ; on parle d’autolyse (2) sélective. Le corps possède bien une intelligence interne. Il est vrai néanmoins que certains jeûnes ne sont pas sans risque, en particulier s’ils sont réalisés sans accompagnement, à domicile et non dans un centre dédié.

Je conseille toujours aux « débutants » de se renseigner au préalable sur la pratique et de connaître leur organisme pour savoir réagir en cas de symptômes (nausées, maux de tête…). Ce qu’il faut savoir, c’est qu’il n’existe pas de vérité absolue pour le jeûne, mais plusieurs outils. La personne doit choisir sa méthode (au repos, en activité, etc.) en fonction de son objectif, de sa vitalité, de sa vie sociale et professionnelle, etc. Je pratique par exemple la méthode Buchinger qui s’accompagne d’eau, de jus de fruits et de légumes, de bouillons pour un apport léger en sucres et en nutriments et qui est douce et sécuritaire.

Les jeûnes hydriques (aucun aliment solide) ou secs (ni nourriture ni boisson) nécessitent quant à eux l’encadrement d’un professionnel étant donné les risques qu’ils présentent. Certains individus jeûnent quotidiennement quelques heures – « ménage régulier », d’autres font une pause alimentaire deux semaines chaque année – « ménage de printemps ». Que le jeûne soit long ou court, le bénéfice dépendra aussi de son hygiène de vie générale. Une personne qui mange de manière équilibrée et pratique une activité physique régulièrement aura moins besoin de jeûner qu’une autre au rythme de vie plus « relâché », dont le corps est plus encrassé.


  1. On distingue les déchets endogènes, produits par la digestion par exemple, et les déchets exogènes, comme les pesticides ou ceux liés au stress.
  2.  Autodestruction par le corps de ses cellules.

 


PARTICIPEZ AU SOMMET DU JEÛNE du 27 septembre au 3 octobre 2021 :


L’avis de Claire Sibille, psychothérapeute 

 BIO EXPRESS 

1961 :Naissance 

2000 :Psychothérapeute (analyse psycho-organique et écothérapie) 

2020 :Le Jeûne : une thérapie des émotions ? (Exuvie, réédition) 

2021 : Formatrice à l’école de naturopathie ISUPNAT 

 

 J’accompagne les états émotionnels des jeûneurs car cette pratique m’a moi-même profondément aidée. À la suite du décès de ma mère, en 2014, j’ai adopté une méthode des années 1970. Pour ce deuil traumatique, la psychothérapie ne suffisait pas, de même que la nature et la famille. Le choc était trop grand, mon corps était atteint. Au départ, j’ai donc choisi de jeûner dans un centre pour préserver ma santé physique. Néanmoins, j’ai immédiatement compris que j’y étais pour tout autre chose : accueillir pleinement le processus de deuil. 

Le jeûne est selon moi une véritable expérience émotionnelle et spirituelle, même si cette dimension est bien souvent négligée. J’entends par « expérience spirituelle » la possibilité de faire le lien entre le corps et le mental par le biais des émotions. Cette réunification intérieure permet d’accéder au « Tout Autre », quel que soit ce que l’on entend par là. Pour ce faire, il faut « nettoyer les canaux », et c’est à ce niveau que le jeûne intervient.

Outre les canaux physiques, cette pratique nettoie les canaux émotionnels et mentaux. On accède à un état de vide, de « vide plein » si je puis dire. On peut alors traverser diverses émotions et s’y confronter, la principale étant l’angoisse de la mort. Pour cette raison, le jeûne est présent dans de nombreuses religions, d’une manière ou d’une autre. Il est profondément inscrit, culturellement et psychologiquement, que ne plus manger équivaut à ne plus respirer : arrêter de manger, c’est mourir.

Certains jeûneurs évacuent cette peur, en particulier les personnes dites « évitantes » en matière d’émotions. D’autres sont débordées par ce sentiment et doivent arrêter le jeûne car il devient trop difficile pour eux. Enfin, une partie des individus traversent cette angoisse et peuvent rencontrer de cette façon un état de sérénité et de joie. Le cadre du jeûne, seul ou en groupe, accompagné ou non dans cette dimension émotionnelle, facilite ou au contraire fait obstacle à ce travail. 

En tant que psychothérapeute, j’ai principalement observé les effets du jeûne sur la dépression et les troubles anxieux. En effet, le jeûne est un booster de sérotonine1, surnommée « hormone du bonheur », dont on sait aujourd’hui que la production se fait à plus de 90 % dans le tube digestif, et non dans le cerveau.

Ce n’est pas un hasard si l’on présente désormais le ventre comme notre « deuxième cerveau ». Des médecins critiquent cette pratique sur ce point en considérant que jeûner procure les mêmes effets que fumer un joint. Pour eux, elle provoque un bref état de bien-être qui se dissipe rapidement, ce qui est faux. J’ai vécu personnellement des expériences que j’estime bien plus fortes que ce simple effet « booster », en particulier au niveau du développement de l’empathie envers la nature et l’humain. C’est aussi pour moi un grand moment de créativité, peut-être lié au fait que notre temps est complètement vide. Tout dépend de la manière dont on décide de le remplir. 


  1. Claire Sibille s’est appuyée sur plusieurs études pour présenter les bienfaits du jeûne dans son ouvrage, notamment les travaux de Giulia Enders, autrice duCharme discret de l’intestin(Actes Sud, 2015). 

clairesibille.fr 

 

 


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