Mouvements citoyens

Le contre-G7 au Pays-Basque : un front commun d'alternatives face au système capitaliste



En opposition au G7 qui s’ouvre ce samedi 24 août à Biarritz, un contre-sommet se déroule depuis mercredi 21 août au Pays-Basque dans les villes d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques) et d’Irun en Espagne. Mis en place par une centaine d’organisations militantes, ce rassemblement altermondialiste organise plus de 70 conférences et ateliers, des marches pacifistes et des actes de désobéissance civile. L’objectif de déconstruire les idéologies dominantes des politiques néolibérales actuelles et de proposer une vitrine d’alternatives pour face aux urgences écologiques et sociales.

Sous le préau de l’école Jean Jaurès, dans le centre-ville d’Hendaye (Pyrénées-Atlantiques), un jeu des “G7 familles” grandeur nature s’organise. Chaque participant est invité à deviner l’un des sept pays représentés au G7 – Le Canada, les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie et le Japon – et d’identifier plusieurs “fléaux” actuels que les principaux dirigeants alimentent comme le l’ultra-libéralisme, la destruction de la planète, le patriarcat, ou encore le néocolonialisme. « Cela permet de manière ludique d’amener des débats entre les participants et de reconstruire les responsabilités des grandes puissances », explique Virginie, membre de Ritimo, organisatrice du jeu. « Avec des fiches pratiques au dos des cartes, on peut voir au fur et à mesure du jeu que les luttes, du féminisme à la question des migrations en passant par la cause écologique, sont toutes reliées entre elles. »

Atelier : « Le jeu des G7 familles » sous le préau de l’école Jean Jaurès dans le centre ville d’Hendaye (Pyrénées Atlantiques) ©Maëlys Vésir

Et c’est bien l’objectif du contre G7, organisé par une centaine d’organisations militantes au Pays Basque depuis le 21 août : être une caisse de résonance de toutes les luttes pour proposer des alternatives face à un “capitalisme sauvage”. «Le G7 de Biarritz est à l’image du cynisme des discours portés par nos dirigeants qui sous de beaux slogans sont promoteurs de politiques néolibérales qui ont creusé les inégalités et accélérer la crise écologique », constate Sébastien Bailleul, porte-parole de la plateforme Alternatives G7, co-organisatrice de l’événement. « Nous n’avons rien à attendre de discussions déconnectées de la réalité entre les grands de ce monde réunis dans une tour d’ivoire avec un dispositif ultra militarisé », ajoute-t-il.

Cette année, l’Elysée a réduit le nombre d’accréditations des ONG pour le G7, alors que traditionnellement il en accordait une centaine. Jugé hors sol, cette décision a poussé les membres du Réseau Action Climat à boycotter la rencontre officielle. « Les accréditations ont été réduites à 10, du jamais vu dans l’histoire des sommets ! », regrette Cécile Génot, chargée de communication à Greenpeace France. « On a d’abord fait pression et les accréditations sont montées à 25 mais sans nous donner l’accès à l’espace presse et à la zone des négociations. Nous avons donc décidé de décliner l’invitation du Président de la République et de faire notre expertise en parallèle.»

Affiche « Non au G7 » écrit en basque à l’entrée de la place Caneta, près du port d’Hendaye ©Maëlys Vésir

 

Mouvements divers et volonté commune 

En opposition au G7 de Biarritz, le contre-sommet altermondialiste voit grand et propose depuis mercredi un programme riche : 70 conférences et ateliers avec 200 intervenants issus du milieu syndicaliste, politique et associatif, à l’instar de Philippe Martinez de la CGT, d’Aurélie Trouvé de l’association Attac ou encore Clémentine Autain de la France Insoumise. Déambulant entre Irun et Hendaye, les participants peuvent ainsi assister à des débats aussi variés que l’agroécologie paysanne, la grève féministe, le processus de paix au Pays-Basque et assister à des ateliers pratiques sur l’action citoyenne face aux multinationales, tous traduits en basque, en espagnol, en français et en anglais.

« C’est un sommet qui se veut ouvert avec une pluralité d’acteurs qui ont des modes d’actions différents et qui ne sont pas toujours d’accord mais qui ont une volonté commune de trouver des espaces de débats et de faire des choses ensemble », défend Sébastien Bailleul. « D’autant plus qu’étant au Pays Basque, terre de résistances et laboratoires d’initiatives, il est important de prendre en compte la spécificité du lieu où l’on se trouve en valorisant ce qui se passe ici. Contrairement à un monde uniformisé que prône le capitalisme, nous revendiquons la diversité et la pluralité des territoires avec des mosaïques d’alternatives propres à chaque espace qui va permettre de créer d’autres mondes pour la suite. »

Plus de 70 conférences et ateliers se sont succédés du 21 au 23 août 2019 au Contre-G7, tous traduis en basque, espagnol, français et anglais ©Maëlys Vésir

 

Vers une convergence des luttes ? 

Gilets jaunes, zadistes, syndicalistes, gens de passage, militants écolos… Sur le port de Caneta à Hendaye, entre la cantine solidaire, les espaces de débats et la mer, le brassage des cultures militantes est visible. « C’est très intéressant de tous se rencontrer et d’échanger », constate Alain, gilet jaune d’Ariège. « Cela nous fait plaisir de voir aussi des jeunes, qui sont peu nombreux dans notre mouvement et d’être à l’écoute de ce qui se passe ailleurs », ajoute-t-il. Un sentiment partagé par Antonio, autre gilet jaune qui ne parle pas pour autant de convergence des luttes. « C’est quand même encore très morcelé entre les mouvements mais c’est pour cela qu’il faut des espaces comme ce contre-G7 pour se rencontrer et essayer de trouver des points communs, parce que, comme les grandes luttes dans l’Histoire, on est tous dans un même combat de dominés face à des dominants », explique-t-il. Pendant que des chants basques animent la place, Sam, zadiste à Notre-Dame-des-Landes depuis 3 ans, sert des bières au bar associatif. « On est venu aider nos copains basques qui n’ont pas hésité une seule seconde à monter à la ZAD quand on avait besoin d’eux. Donc c’est normal qu’on vienne prêter main forte du côté de la logistique et du service », explique-t-elle.

Antonio, Alain et Amandine échangent au « village jaune » implanté au campement à 7km du centre ville d’Hendaye ©Maëlys Vésir

Les échanges et les débats continuent même jusqu’au campement, à 7km du centre-ville d’Hendaye qui accueille près de 2000 personnes depuis l’ouverture du contre-sommet. Ici, un véritable petit village s’est créé avec une quincaillerie, un atelier vélo, un stand contre les agressions sexistes et homophobes et un village “gilets jaune” dans lequel tous les soirs, des assemblées générales se déroulent. « On a décidé par exemple de marcher tous ensemble le jeudi matin du campement au port d’Hendaye au lieu de prendre nos voitures ou vélos pour se rendre au contre-sommet », explique Amandine, gilet jaune d’Arles.

 

13 000 policiers déployés

Si l’ambiance est plutôt bon enfant depuis l’ouverture, les discussions s’orientent autour des actions prévues ce weekend, notamment de la grande manifestation de ce samedi 24 août. « On a entendu dire que certains voudraient en faire une à Bayonne, voir à Biarritz même si c’est interdit », confie Amandine. Certains Black blocks sur place se demandent aussi ce qu’ils vont faire. »

Par mesure de précaution en vue de la grande manifestation de ce samedi 24 août, certains commerces du centre ville, notamment les banques, ont barricadé leurs vitrines ©Maëlys Vésir

Alors que près de 13 000 policiers sont déployés sur la côte pour assurer la sécurité du G7, certains ne cachent pas leur inquiétude que ce soit du côté des commerçants du centre ville -surtout des banques- qui ont barricadé leurs vitrines ou de la municipalité. « Il y a une part d’inconnue pour ce weekend c’est sûr, je fais confiance aux organisations locales mais il reste un flou sur les éléments extérieurs qu’on ne peut pas prévoir », constate Kotte Ecenarro, le maire d’Hendaye. « D’autant plus que l’Etat Français ne nous donne que peu d’informations sur le nombre de forces de l’ordre qui seront déployées ce weekend dans la ville et nous ignorons combien de manifestants seront vraiment sur place même si nous avons une fourchette entre 10 000 et 12 000 », ajoute-t-il.

Si la présence de drones, d’hélicoptères, de fourgons de police à chaque rond point contraste avec l’ambiance festive du contre-G7, elle ne déstabilise pas pour autant les organisateurs du contre-sommet. « Nous avons convenus d’un consensus d’action en agissant dans un cadre non violent et pacifiste et nous sommes responsables du maintien de ce consensus », rappelle Sébastien Bailleul. « On renvoie aussi cette responsabilité à l’Etat français qui a préféré ces derniers mois adopter une stratégie offensive et répressive envers les mouvements citoyens. Est-ce qu’Emmanuel Macron souhaite continuer à montrer cela au monde ? Ou préfère-t-il défendre que la France à encore ce droit fondamental qui est celui de manifester ? Nous verrons bien. »

Par Maëlys Vésir 


Les actions du weekend :

24 août : grande manifestation à 11h au départ du port d’Hendaye jusqu’à la salle Ficoba d’Irùn

25 août : action pacifique d’occupation de sept places du Pays Basque dont un rassemblement au coeur de Bayonne où des portraits officiels d’Emmanuel Macron, décrochés ces derniers mois de plusieurs mairies, devraient être rassemblés et présentés lors d’une conférence de presse organisée par l’association Bizi. 

Le programme détaillé sur les plateformes Alternatives G7 et G7EZ

Le 23 août 2019
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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