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dimanche 24 novembre 2024
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La rando-pêche : une pratique durable avec le no-kill ?

Si la marche dans la nature est l’occasion de vivre une expérience au plus près des éléments, la pêche de loisir offre pour certains, une approche méditative. Les adeptes du no-kill (qui consiste à relâcher le poisson vivant) y voient aussi une manière d’observer et de mieux comprendre le milieu qui les entoure. Une approche atypique qui suscite débat. Reportage dans les Hautes-Alpes.

« La philosophie de la pêche est différente de celle de la chasse, l’approche a beaucoup évolué depuis l’arrivée de la jeune génération. Si auparavant il était impératif de ramener les poissons que les gens capturaient, aujourd’hui le poisson n’est plus forcément la finalité, beaucoup vont désormais à la pêche pour découvrir le milieu», explique d’emblé Dewis Davudian, agent de développement à la Fédération de Pêche des Hautes-Alpes pour la Pêche et la Protection du Milieu Aquatique.

Ce matin-là, Dewis accompagne un groupe pour pratiquer la rando-pêche dans les lacs de haute altitude. Le pas matinal et enjoué, le groupe arpente la montagne pour se diriger vers les Lacs du Malrif, dans le parc naturel régional du Queyras.

Au fil du sentier, les marcheurs restent à l’affut des marmottes, des plantes précieuses comme le génépi, mais aussi des rapaces qui survolent le lieu-dit « serre de l’aigle ». La matinée s’annonce chanceuse : Dewis signale la présence d’un faucon crécerelle prêt à plonger pour chasser, puis le survol majestueux d’un couple d’aigle !

Randonnée dans le Queyras ©P.Domeyne

Vivre l’instant présent

Sur le côté de son sac à dos, ce n’est pas un bâton de marche qu’Emmanuel porte, mais une canne à pêche démontée, le temps de rejoindre les lacs. Le jeune homme de 27 ans, pêche depuis l’enfance. Il a fait de sa « passion, un mode de vie ». « Si le poisson est ma finalité, au fond je suis plus intéressé par être au bord des lacs ou en rivière, la pêche me permet de vadrouiller, découvrir des secteurs, observer le milieu, voir les oiseaux, comprendre où sont les poissons, etc. En réalité, c’est un prétexte », confie-t-il.

Pour Dewis, habitué à pêcher dans la région au fil des quatre saisons, c’est aussi « un moment idéal pour vivre l’instant présent. Je reste concentré sur ma ligne, je m’applique, je me déplace un peu, je reste discret. Je peux y passer tout la journée du lever au coucher du soleil, sans voir le temps passer. Quand je pêche, je me sens connecté aux éléments, vraiment dans le présent, je n’ai plus de souci… D’une certaine manière j’apparente cela à de la méditation. »

Après l’effort, le réconfort. Après plusieurs heures de marche, le groupe atteint le lac du Grand Laus situé à plus de 2500m d’altitude. Une pause s’impose dans ce panorama grandiose propice au silence intérieur et à l’éveil des sens. Expérimenté ou novice, c’est nourri de cette nature, que chacun se prépare à lancer la ligne sur le reflet azuré du lac.

Dans sa boîte à appâts très colorée, Emmanuel nous présente ses leurres artificiels en forme d’insectes, poissonnets ou petits amas synthétiques, expliquant qu’il existe des millions de variété de leurres, de toutes les tailles et de toutes les couleurs, pour couler ou rester en surface.

Aujourd’hui, l’idée est de pêcher des poissons en bordure du lac et de les relâcher, avec pour objectif de prendre uniquement des petits poissons, des truites fario qui ne dépasseront pas 30 cm. Sachant qu’en lac d’altitude, les poissons grandissent peu et dépasse rarement 2kg, parce qu’ils vivent sous la glace 8 à 9 mois dans l’année avec peu de nourriture.

Comprendre la nature

Pour Emmanuel, la pêche est aussi un moyen d’étudier et de comprendre la nature.  « L’idée est d’essayer de trouver le bon leurre, celui qui va faire mordre le poisson à ce moment là. Car c’est l’environnement qui va déterminer son comportement. Celui-ci varie en fonction de la météo, la turbidité, la pluie, le froid, le moment de la journée, la présence d’insectes sur le lac, etc. Il dépend de plein de facteurs qui peuvent changer en 2h. Je vais donc adapter ma pêche, en testant plusieurs appâts. C’est un challenge », explique le passionné qui porte des lunettes polarisantes lui permettant de repérer les poissons s’approcher de l’appât.

Le geste fluide et délicat, le pêcheur lance sa canne depuis le bord du lac. Patience, silence et observation sont ici les maîtres mots pour savourer la pratique. Et lorsque le poisson mord, Dewis l’avoue : « Je vais prendre de l’adrénaline en l’attrapant, ensuite je vais le décrocher. » Car s’il pêche parfois une cinquantaine de poissons sur une journée, il les relâche tous.

« Il m’arrive d’en garder un ou deux pour les manger et les partager en famille, comme les truite sauvage en rivière. Je pêche avec des techniques qui n’abîment pas le poisson. » Une pêche dite « écoresponsable » avec un prélèvement raisonné, sporadique qui permet au pêcheur de garder quelques poissons pour sa consommation sans mettre en danger les ressources naturelles.

Leurres artificiels ©P.Domeyne

Le no-kill en débat

Emmanuel, de son côté « ne mange aucun poisson. Je relâche tout car j’aime partir de mon milieu que j’adore en me disant que je l’ai impacté le moins possible. C’est une ligne de conduite, car certains pratiques peuvent parfois avoir un impact considérable ». Le jeune homme est un adepte du no-kill, qui consiste à toujours relâcher le poisson vivant. Un pratique en vogue aux Etats-Unis qui se développe en France avec la nouvelle génération.

Cette pêche atypique n’est pas sans critique de la part de certaines associations de défense des animaux, comme le dénonce une tribune parue en 2018 dans Sciences et avenir, signée par L214, Sea Shepherd, les Fondations Brigitte Bardot et 30 Millions d’amis, etc., pour qui : « Retirés brutalement de leur milieu, les poissons sont angoissés et souffrent de suffocation. Toute forme de pêche est potentiellement mortelle pour les poissons. Une étude internationale affirme que selon les espèces, jusqu’à parfois 90 % des poissons rejetés à l’eau meurent dans les jours suivants. » En Suisse, la pratique est interdite.

Des arguments qui suscitent débats. Pour les adaptes du « no-kill », tout dépend de la technique de pêche : de l’hameçon utilisé, du décrochage, du temps passé hors de l’eau, etc. Selon eux, grâce à des appâts artificiels dotés d’hameçons spécifiques, les blessures au niveau de la gueule des poissons cicatriseraient relativement vite.

Certaines études effectuées par des fédérations locales de pêches auraient montré que sur l’ensemble des captures effectuées au leurre, le taux de survie s’élèverait à plus de 97%. Des fédérations qui se positionnent aujourd’hui comme des associations qui protègent et surveillent les milieux piscicoles.

Deux visions et deux approches qui s’opposent ici, sans concertation. Animées pourtant d’une passion atypique pour la nature.

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