Bien-être

L'altruisme est en nous… et il est contagieux



Comment les valeurs positives, comme l’altruisme et l’optimisme, gagnent du terrain sur la morosité.

Lorsqu’on croit en l’humain, on parie plus volontiers sur le verre à moitié plein et l’on est attentif à autrui. L’altruisme, cette propension à aider son prochain, existerait chez l’enfant dès 12 mois. Vous en doutez ? Deux chercheurs de l’université de Leipzig (Allemagne) ont mené une série d’expériences sur ce sujet, impliquant des bébés âgés de 12 à 18 mois. Dans l’une d’elles, un homme, les bras encombrés de paquets, tente maladroitement d’ouvrir un placard. Un bébé l’observe puis se lève spontanément pour lui ouvrir la porte du placard. Conclusion ? Nous sommes naturellement altruistes ! « Plus on attend le meilleur de soi-même et d’autrui, plus ce meilleur a de chances de s’exprimer », dit Jacques Lecomte. En outre, l’altruisme est contagieux : Laurent Bègue cite une étude1 dans laquelle des conducteurs qui voient une jeune femme occupée à changer un pneu crevé sont 50 % plus nombreux à s’arrêter pour l’aider s’ils ont vu, quelques centaines de mètres avant, une première voiture arrêtée sur le bord de la route et le conducteur se faire aider par un autre automobiliste. Et les deux chercheurs disposent de nombreuses études révélant notre plaisir à être justes, bons ou généreux.

Positif, même sans lunettes roses

Bonne nouvelle : nous sommes tous optimistes de naissance ! « Le petit enfant croit à l’impossible, il s’ouvre au monde, il entend des histoires horribles […] mais le lendemain, les oublie pour repartir de plus belle », note Alain Braconnier. Nous pouvons donc retrouver en nous la source de l’optimisme, que nous possédons tous à des degrés divers, et la réactiver si besoin. L’optimiste voit donc le caractère transitoire d’un pépin – « Ça va s’arranger. » –, quand le pessimiste retient son caractère permanent – « Je n’ai pas de chance. » L’expert poursuit : « Quand l’optimiste rate quelque chose, il l’attribue à une cause extérieure (“C’est le hasard.”) ; lorsqu’il fait quelque chose de positif, il l’explique par un facteur personnel (“J’ai travaillé dur.”). Le pessimiste fait l’inverse. » Le positif nourrit son estime de lui : confiant dans ses capacités, au prochain obstacle – qui ne manquera pas d’arriver, même dans son monde positif – il se sentira capable de faire face. Alain Braconnier reprend : « Une étude2 montre l’état de confiance de l’optimiste. On donne un exercice impossible à résoudre à des étudiants. Puis on compare les copies : les optimistes se sont arrêtés plus vite. Lorsqu’ils réalisent que l’exercice est infaisable, ils ne s’acharnent pas, contrairement aux pessimistes. En cas d’obstacle, ils passent vite à autre chose, sans se laisser entamer. » Certains diront que le positif se fait parfois des illusions. C’est en partie vrai, mais il s’en sert comme d’un moteur. Il se dit que cela peut marcher ; en y croyant, il met tout en œuvre pour réussir ce qu’il entreprend. Cet optimisme est précieux : sans lui, pas de vie à deux, pas de bébé, ni de projet culotté ! Nous avons besoin d’y croire – au moins un minimum – pour avancer.

Let me hear you smile [1973] ( New York Public Library / archives)

Positif, pour s’ouvrir au monde

Occupé à se fabriquer une vie positive, n’aurait-on pas tendance à se préoccuper seulement de soi ? Au contraire ! Rébecca Shankland note : « Les personnes qui se disent plus heureuses sont plus engagées sur le plan social, viennent davantage au secours d’autrui. » Une psychologue américaine, Barbara Fredrickson, a montré que les émotions positives élargissent la capacité d’attention et de mémorisation, qui « permet d’augmenter la créativité et la capacité à accueillir ce qui vient sans jugement préalable. De plus, les émotions positives génèrent davantage de motivation pour trouver des solutions aux problèmes et aller vers les autres. Voir le verre à moitié plein, c’est ce qui donne de l’énergie pour faire face à la situation. » Emmanuel Jaffelin ajoute : « Quand je fais preuve de gentillesse, quand je rends service à autrui, je découvre quelque chose en moi qui est plus que moi. Je découvre alors que le soi n’existe pas, que c’est une construction sociale à laquelle il faut dé-croire. Et alors, quand je me vide de mon ego, je découvre une autre force, une autre énergie. » Les positifs, de grands naïfs, vraiment ? Ou des individus un peu plus sages que les autres ?

Notre monde n’est pas si négatif qu’on l’imagine

Le xxe siècle serait le plus sanglant de l’histoire de l’humanité, ce qui prouverait la tendance « naturelle » des hommes à être violents et égoïstes. Et si c’était faux ? C’est ce que montre Matthieu Ricard dans son Plaidoyer pour l’altruisme (NiL éditions) : « Sur le front, lors de la Seconde Guerre mondiale, seuls 15 % des soldats tiraient sur l’ennemi. Les autres tiraient en l’air ou faisaient semblant. Et si l’on regarde les guerres passées en comparant la proportion de population mondiale qui en est morte, la Seconde Guerre mondiale n’occupe que le onzième rang des conflits les plus meurtriers, l’acte le plus sanglant étant les conquêtes mongoles de Gengis Khan. » Il poursuit : « En dépit de l’émergence d’un certain nombre de guerres […], le monde a connu depuis 60 ans la période la plus pacifique de son histoire depuis 10 000 ans. » Comme nous dépendons de plus en plus les uns des autres, nous avons intérêt à ne pas nous nuire ! Si les choses sont encore loin d’être parfaites, les principes qui fondent notre monde (Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, création de la Communauté européenne en 1957, Convention internationale contre la torture en 1984 et plus près de chez nous, Revenu de solidarité active créé en 2009, etc.) reposent sur l’idée d’une humanité solidaire. C’est la somme de ces décisions collectives et politiques qui crée aussi un monde meilleur.

Par Anne Lamy

Article tiré du dossier « Soyons positifs » de Kaizen 16.


1 J. H. Bryan et M. A. Test, « Models and helping : naturalistic studies in aiding behaviour », Journal of personality and social psychology, 1967.
2 L. G. Aspinwall et L. Richter, « Optimism and self-mastery predict more rapid disengagement from unsolvable tasks in the presence of alternatives », Motivation and Emotion, 1999.


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Le 25 janvier 2017
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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