Nature

JO 2024 : la destruction des jardins ouvriers d’Aubervilliers contestée

Par Marius Gouttebelle, le 6 septembre 2021

©Olivier Donnars

Les Jardins ouvriers d’Aubervilliers, seuls espaces de verdure assiégés par la bétonisation de la ville, vont finalement mourir sous une toute nouvelle infrastructure : la future piscine Olympique des JO 2024. Le photographe Olivier Donnars a suivi de prêt la lutte contre la construction de ce stade olympique et en a publié un portfolio dans notre magazine Kaizen n°58. Il a répondu à nos questions alors que les derniers occupants du jardin ont été expulsés tôt dans la matinée du 2 septembre pour que la destruction commence…

Vous avez suivi les riverains utilisateurs de ces jardins ouvriers, vous les avez rencontrés. Que représentent ces parcelles pour eux ?

Ces jardins ouvriers ont une centaine d’année. Le fort d’Aubervilliers a été une terre maraîchère pendant des siècles, une terre qui alimentait Paris. Cela a perduré jusqu’à l’apparition des premiers jardins ouvriers qui se sont installés là dans les années 1930. C’était pour certains un moyen de subvenir à leur alimentation pour pas grand-chose.

J’ai rencontré les jardiniers actuels et pour eux ce lieu est un véritable oasis de verdure au milieu du bêton. Cultiver leur jardin est pour eux aussi un moyen de subsistance. Et puis il y a ce côté sociale du jardin ouvrier qu’ils veulent préserver ; se rencontrer, prendre du bon temps avec les voisins, les copains, se retrouver dès qu’il fait beau, partager un moment, etc. C’est vraiment ce partage qui est important à leur yeux.

Je me souviens en particulier d’un des propriétaires d’une des parcelles qui regrettait amèrement de voir sa cabane qu’il avait construite de ses mains, et qu’il avait financé lui-même être détruite en un claquement de doigts. Sans aucune compensation financière en retour. Et pour lui c’est aussi un bout de sa vie qu’il a perdu.

Quels étaient les bénéfices de ces jardins pour Aubervilliers et ses habitants ?

Les possesseurs de terres sont dédommagés en pouvant reconstruire  une parcelle au jardin des pantins situé juste à côté. Mais le problème est que d’ici deux à trois ans, ce jardin disparaîtra lui aussi pour y construire un éco-quartier. J’ai bien compris que la municipalité voulait donner naissance à quelque chose de « propre », net, sans désordre. Ce qui n’est pas du tout dans l’esprit du jardin ouvrier et de la poignée de jardins qui auront survécu à la destruction. Dans les jardins ouvriers les haies ne sont pas taillées, on a des cabanons de fortune, mais surtout des espaces riches de biodiversité où vont se nicher les oiseaux. Ils étaient aussi des espaces éducatifs où les écoliers allaient s’y rendre pour observer fruits et légumes pousser, insectes et oiseaux s’y développer.

Aubervilliers va faire disparaître un des seuls espaces verts pour devenir une ville totalement bétonisée. Les intérêts économiques sont bien plus forts que les intérêts écologiques.

La municipalité met en avant que cette piscine olympique profitera à la commune, à tous les gamins du quartier. Mais d’après le collectif qui défend ces jardins ouvriers, des piscines il y en a déjà suffisamment dans tout le secteur et surtout une piscine comme celle-ci, j’imagine que le prix d’entrée sera bien trop élevé pour des gamins de quartier.

Au-delà de leur attachement pour ces jardins, pour quelles autres raisons ont-ils lutté contre leur destruction ?

Officiellement, les plans stipulaient que la piscine devait uniquement être construite à la place de l’énorme parking désertique situé à l’entrée des jardins. Mais ils ont décidé d’agrandir le futur bâtiment olympique en y ajoutant un solarium et différentes autres infrastructures. Ce sont tous ces prolongements qui empiètent sur les jardins ouvriers.

C’est un aménagement pour lequel il n’y aura pas eu de conciliation avec les premiers concernés. Certains jardiniers ne sont pas spécialement contre la construction de la piscine mais ne décolèrent pas contre le manque de concertation et de considération envers eux.


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