Innovation : une digue productrice d’énergie renouvelable

L’énergie renouvelable de la houle très peu utilisée et pourtant si prometteuse verra le jour dès 2024 grâce à une digue révolutionnaire conçue par le groupe Legendre et installée en Bretagne, région aux fortes ambitions environnementales.

« Pour une digue de 100 mètres on peut produire jusqu’à l’équivalent de la puissance de quatre éoliennes terrestres », affirme Quentin Henry, chef du projet DIKWE pour le groupe Legendre. Son invention ? Une digue qui pourra produire de l’électricité en absorbant l’énergie de la houle, née de la simple constatation de la force de frappe des vagues contre le rivage.

Avec un budget d’un million d’euros, DIKWE serait une grande avancée environnementale ; la construction d’une digue à double fonctionnalité est une première mondiale alors que la force énergétique de la houle pourrait d’après Quentin Henry « à elle seule convenir à une grande partie des besoins de la population ». Mais comment se fait-il alors que son utilisation ne soit pas déjà démocratisée ?

La première et principale raison est le coût des systèmes de récupération : « Il y a clairement un potentiel énorme mais pour l’instant les technologies qui se développent ne permettent pas de récupérer ce potentiel dans des investissements acceptables », explique Quentin Henry.

La seconde cause est l’imaginaire des populations, qui voient les vagues comme synonyme de destruction, dont on doit se protéger et non comme synonyme de production énergétique, dont on doit profiter.

La création de ce projet sera un retour d’expérience utile pour la filière holométrique et a pour volonté d’aider les acteurs du houlomoteur à continuer de développer cette technologie pour trouver réellement sa place dans notre environnement.

Des résultats prometteurs 

DIKWE s’apparente à une digue des plus communes essentiellement composée de béton mais qui en son corps comporte de grands volets oscillants qui s’ouvriront à chaque impact de vague pour le transformer en énergie électrique grâce au système hydraulique. Ce projet nécessite 6 années de recherche et verra le jour en 2024. La phase de test numérique puis en bassin à Brest ont déjà été effectués. Un test en habitat naturel sera lui effectif au 3^ème trimestre 2021.

D’après les premiers résultats, cet appareil absorbe l’énergie de la houle à hauteur de 60% pour un fonctionnement en continu avec une disponibilité de 90%. L’appareil de démonstration a réussi à produire plus d’un gigawattheure soit la production d’énergie de 350 foyers alors que la digue test fait 60 mètres contre une centaine lorsqu’elle sera fonctionnelle.

Loïg Chesnais Girard, directeur de la région Bretagne qui finance ce projet à hauteur de 158 500 euros est particulièrement optimiste quant à son efficacité : « S’il fonctionne, nous pourrons l’utiliser sur des milliers de kilomètres de digues que nous rénoverons, que ça soit les digues portuaires ou les digues protégeant de l’érosion. » Son objectif serait de banaliser cette technologie à tel point qu’une digue sans présence de ce système serait une faute et une perte énergétique.

Malgré l’évolution voire la révolution énergétique réalisable, la réflexion d’une pollution visuelle et environnementale causée peut se poser. Cette digue sera uniquement installée à des endroits où il y en a la nécessité : « Notre ambition n’est pas de dénaturer des sites qui n’en n’ont pas le besoin. Là où sera installé DIKWE, une digue banale aurait de toute façon remplacé notre concept », affirme le chef de projet. L’avantage de la construction d’une telle digue est également la diminution des émissions de Gaz à Effets de Serre allant de 20% à 30% comparé à la construction d’une digue classique, même si sa conception laissera une emprunte carbone conséquente. « On cherche les équilibres les moins impactant pour l’environnement mais on ne peut pas faire croire aux gens qu’il n’y a pas de matières premières polluantes utilisées. La question sera de savoir dans x années quel gain d’énergie renouvelable sera obtenu grâce à DIKWE en prenant en compte l’empreinte écologique de sa fabrication », argumente le président de la région Bretagne.

La Bretagne tournée vers un futur plus « vert »

« Si l’on veut préparer l’avenir post énergie fossile, il faut pousser à l’utilisation de toutes les technologies d’énergie renouvelable », affirme Loïg Chesnais Girard. La région Bretagne s’investit depuis plusieurs années dans une dynamique écologique et soutient de nombreux projets qui s’inscrivent dans le développement durable comme peut l’être DIKWE.

La région Bretagne a l’objectif d’être à terme autosuffisante en production d’énergie. Si elle l’était à hauteur de 3% il y a 10 ans, elle a aujourd’hui atteint les 10%. Le territoire soutient entre 20 et 30 projets à travers plusieurs programmes : SMILE qui finance les smart grid [1], Bretagne océan power qui développe les énergies marines renouvelables et Bretagne Hydrogène qui comme son nom l’indique accompagne les projets liés à l’hydrogène.

Si la région est aussi investie dans ces programmes c’est parce que pour elle, « les technologies de demain ne sont pas encore matures et nécessitent des lieux de test, des entreprises pour innover et des acteurs publics puissants pour les accompagner », dit Quentin Henry.

La région souhaite ainsi s’inscrire dans une économie durable à l’image d’une stratégie qui repose sur l’équation : plus d’emploi pour moins de carbone. C’est-à-dire dé-carboniser l’économie existante et mettre des moyens sur la nouvelle économie intégrant les enjeux du développement durable tout en développant l’emploi.

Le président de la région Bretagne conclut avec ces mots qui résument la portée optimiste de leur stratégie positionnée vers un futur plus durable : « Dans cette période où tout le monde est angoissé, il n’y a pas de fatalisme à avoir. Le génie humain sait trouver des solutions. Il faut leur faire confiance et s’investir à leurs côtés plutôt que d’être envahi par le pessimisme. »

[1]  Smart Grid : réseau de distribution d’électricité renouvelable intelligent permettant l’alimentation d’électricité en continue, alors qu’aujourd’hui l’énergie solaire ou éolien en produisent à mi-temps.