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mercredi 27 novembre 2024
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Groix : insulaires, mais autonomes

Sur l’île de Groix, dans le Morbihan, la famille de Xavier et Julie Loyer vit dans une maison autonome en eau, en nourriture et en électricité, au milieu du village de Port-Lay. Une « autonomie low-cost », pleine de bon sens et accessible à tous, en partie au moins.

Au détour d’une rue de Port-Lay, sur l’île de Groix, une haie plus ou moins entretenue s’étale sur une dizaine de mètres. L’arrière d’un hangar à vélos fabriqué à partir de tôle récupérée marque l’entrée vers la maison de Julie et Xavier, Groisillons d’adoption depuis quinze ans pour l’une, et vingt ans pour l’autre. Sur le sol du vaste jardin, des dizaines et des dizaines de petites pommes et de prunes vertes retournent à la terre. « N’y faites pas attention ! Certaines sont pleines de vers, on les laisse au sol pour permettre aux arbres de récupérer ce qu’ils ont produit », avance Xavier, 45 ans, les yeux rieurs.

Vive la récup !

Assis à la table du jardin, le quarantenaire regarde avec fierté sa maison. Entièrement bâtie à partir de matériaux de récupération, elle affiche six panneaux solaires sur son toit, et est entourée de 8 000 mètres carrés de jardin. Les fondations, aujourd’hui invisibles, sont composées d’une soixantaine de pneus récupérés gratuitement chez le garagiste et mis à niveau. « J’ai passé des heures à calculer le niveau de chaque pneu, c’était un peu long : si c’était à refaire, je ne le ferai peut-être pas de cette manière, mais je voulais que ma maison n’ait pas d’empreinte au sol ! » concède Xavier.

Le poêle dragon, au centre du salon, chauffe l’ensemble de la maison via le conduit, à droite. © Kaizen magazine

Le poêle dragon, au centre du salon, chauffe l’ensemble de la maison via le conduit, à droite. © Kaizen magazine

Le logement, composé de trois chambres, d’un atelier, d’un petit salon-cuisine et d’une salle de bains, est le fruit de deux années de travail durant lesquelles le Groisillon d’adoption a passé deux tiers de son temps à bricoler et l’autre tiers à faire des petits boulots. Tout a été récupéré sur des chantiers de l’île de Groix, pour éviter que de la matière importée ne reparte sur le continent, ce qui serait une aberration pour Xavier. Le sol des différentes pièces est également fait de matériaux de seconde main : « Notre parquet vient d’une ancienne école qui était en train d’être détruite, j’ai juste eu à retourner les lattes pour avoir un parquet comme neuf ! » raconte le bricoleur.

« Autonomie low-cost »

Donner une nouvelle vie à la matière allait de soi pour le couple, pour des raisons écologiques, mais aussi économiques. D’après Xavier, n’importe qui peut tendre vers l’autonomie : « J’ai construit la maison avec 12 000 euros tout ronds, grâce à l’utilisation de matériaux de récupération, et en investissant dans des panneaux solaires neufs et une cuve à eau. » La citerne, enterrée, peut contenir jusqu’à 4 000 litres d’eau. C’est peu, mais c’est un choix. Julie et Xavier ne voulaient pas utiliser toute la surface du toit simplement pour gagner en confort : « On aurait pu mettre dix fois plus de panneaux solaires, avoir une surface de toit plus grande pour récupérer plus d’eau, mais le but n’est pas de produire un maximum pour consommer encore plus ! »

Les quatre batteries des panneaux solaires permettent d’assurer l’apport en électricité même en hiver. © Kaizen magazine

Les quatre batteries des panneaux solaires permettent d’assurer l’apport en électricité même en hiver. © Kaizen magazine

Dans le fonctionnement même de l’habitat, tout est pensé pour ne pas peser sur les petits panneaux solaires. Le frigo est éteint d’octobre à mars, et les denrées sont alors conservées à l’extérieur, plein nord. Priorité à la lumière : seuls un ordinateur, un piano électrique et des smartphones viennent consommer une partie de l’électricité stockée dans des batteries, à l’arrière de la maison. Reste le gaz : Xavier et Julie n’ont pas encore trouvé de solution pour s’en passer, en cuisine parfois, mais surtout pour l’eau chaude.

Du bon sens avant tout

L’autonomie alimentaire s’est elle aussi peu à peu imposée dans la tête de Xavier au fil de ses rencontres. Il décide de partir à Groix au tournant du millénaire, pour rejoindre le lieu où ses parents partaient en vacances tous les étés pour échapper à la banlieue parisienne. De la restauration au jardinage, en passant par l’entretien des écoles, il multiplie les petits boulots, puis rencontre Yannick Gourronc, premier maraîcher à faire de l’agriculture biologique sur l’île. « Il m’a pris sous son aile pendant six ans, c’était passionnant. Il m’a montré comment produire sans perte, comment faire des choses logiques pour développer ses cultures. »

Dans l’une de ses deux serres, Xavier Loyer, originaire de Groix, cultive de nombreuses tomates cœur-de-bœuf . © Kaizen magazine

Dans l’une de ses deux serres, Xavier Loyer cultive de nombreuses tomates cœur-de-bœuf . © Kaizen magazine

Courgettes, tomates, pommes, poires, kiwis… Dans le jardin, les plantes poussent dans un désordre ordonné. Le quarantenaire ne veut pas entendre parler de permaculture : « Je n’aime pas ce terme : c’est un mot utilisé à tort et à travers. J’applique des principes de base que les paysans connaissent depuis des années, en réfléchissant et en prenant soin des plantes. »

Vivre au milieu des autres

Pour autant, Xavier a conscience que le terrain joue sur la facture finale, et qu’il n’est pas toujours facile de trouver un terrain à un prix abordable. Celui qu’il occupe actuellement appartenait à son père. Dans les années 1980, celui-ci l’avait acheté l’équivalent de 40 000 euros, pour 8 000 mètres carrés. Un tarif impensable aujourd’hui, d’après Julie : « C’est impossible d’avoir un terrain à ce prix, l’île est devenue trop chère, mais rien n’empêche d’aller dans des coins de France où le terrain est encore peu coûteux. »

Les maisons du voisinage de Groix sont plus classiques. © Kaizen magazine

Les maisons du voisinage sont plus classiques. © Kaizen magazine

Groix s’est embourgeoisée. Un terrain de 250 mètres carrés coûte dorénavant plus de 100 000 euros. Une résidence principale sur deux est une résidence secondaire, et l’île ne désemplit pas durant l’été. Une situation qui rend plus compliquée l’acceptation d’un mode de vie alternatif. Si Xavier travaille main dans la main avec plusieurs de ses voisins, il sent que l’ambiance de l’île change : « La plupart des habitants annuels de Groix sont des smicards, des gens assez simples, mais on voit de plus en plus de gens aigris, qui hurlent en voiture, on se fait klaxonner avec nos vélos : on a l’impression d’être des serfs ! »

Plus que tout, Xavier souhaite montrer à son échelle qu’il est possible de vivre mieux en consommant moins. Sa démarche personnelle est avant tout didactique : « Ce qui m’exaspère, c’est le fait qu’on est infantilisés dans nos sociétés, on délègue tous les savoirs primaires à des personnes tierces : pour apprendre à nous abriter, à avoir accès à l’eau, à l’électricité, à la nourriture… Même un plombier dira qu’il ne sait pas comment faire si on lui demande de rendre notre maison autonome en eau ! »

Au fil des petits boulots réalisés chez ses voisins pour arrondir ses fins de mois, Xavier promeut son mode de vie, espérant pousser ceux qui l’entourent à habiter autrement leurs logements. Sa phrase fétiche ? « On complique tout, alors que tout pourrait être plus simple. »


Devenir autonome pas à pas :

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