Économie & Gouvernance

Fairtec : de la fabrication à l’utilisation responsable des téléphones

Par Alicia Blancher, le 16 juillet 2021

CC Jonas Leupe

Pouvoir acheter et utiliser son téléphone en limitant son impact environnemental. C’est l’objectif affiché du tout jeune collectif Fairtec, lancé en mai 2021. Fairphone, fabricant éthique des smartphones, Télécoop, premier opérateur coopératif qui permet de ne payer que les données mobiles consommées… Quatre acteurs du numérique responsable s’unissent pour proposer aux particuliers une offre durable en téléphonie, de la fabrication à l’utilisation.

Selon une étude de l’Ademe publiée en janvier 2021, le numérique représente aujourd’hui 4% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Et la forte augmentation des usages laisse présager un doublement de cette empreinte carbone d’ici 2025. Depuis quelques années, des entreprises et coopératives tentent de « verdir » le secteur.

Fairphone, Télécoop, /e/OS et Commown, en font partie. Ces quatre acteurs du numérique et de la téléphonie ont créé un collectif en mai 2021, Fairtec, pour proposer une offre complète de smartphones éthiques avec des solutions intégrées durables. Il est désormais possible d’acheter par exemple, avec Fairphone, ou de louer, avec Commown, un smartphone 100% réparable tout en bénéficiant d’un système d’exploitation respectueux des données privées avec le service d’ /e/OS.

Les quatre acteurs du numérique responsable à l’origine de Fairtec.

Réduire de 26% ses gaz à effet de serre

Fairphone, une des entreprises les plus connues du numérique responsable, a révolutionné le marché de la téléphonie en 2013 en développant un smartphone équitable et facilement réparable. Il est composé de 40% de plastique recyclé et un tiers de ses matériaux sont issus d’une filière d’approvisionnement plus équitable. Or on sait aujourd’hui que 90% des gaz à effet de serre produits par les mobiles sont émis lors de la fabrication. Allonger la vie d’un smartphone d’un an permet ainsi de réduire de 26% ses gaz à effet de serre.

Autre acteur du numérique qui s’est engagé pour augmenter la durabilité de nos téléphones : Commown. Cette coopérative française propose des locations longue durée de matériels électroniques, tout en assurant des services de réparation pour garder le plus longtemps possible nos appareils.

Du côté de nos usages mobiles, Télécoop est le premier opérateur coopératif qui permet aux particuliers de ne payer que les données consommées, afin de mieux maîtriser leurs usages numériques. Enfin, la fondation française /e/OS est à l’origine d’un système d’exploitation open-source (ndlr : système développé de manière collaborative car le code est accessible à tout public, qui peut le modifier et le distribuer à sa convenance), qui garantit une meilleure protection des données privées des usagers, « le pétrole du XXIe siècle ».

« On ne pousse pas à l’achat »

Ces acteurs de la chaîne des smartphones responsables se sont réunis pour lier chacune de leurs solutions. « On s’est rendu compte que l’on devait collaborer pour proposer des offres communes aux personnes intéressées afin de simplifier le processus », explique Marion Graeffly, co-fondatrice de Télécoop.

Sur le site de Fairtec, les usagers peuvent remplir un formulaire pour indiquer les services dont ils auraient besoin, et sont ensuite recontactés par les organisations concernées pour la mise en place. Bien-sûr il est possible de ne sélectionner que deux ou trois services parmi les quatre proposés. On peut louer ou acheter un Fairphone avec une carte SIM Télécoop, sans nécessairement installer le système d’exploitation /e/OS. Ou inversement. « On ne pousse pas à l’achat. Mais s’il y a un besoin, on propose cette alternative plus responsable et durable », tient à préciser Marion Graeffly.

Il n’existe pas encore à ce stade d’offres de réduction si l’usager choisit plusieurs services de Fairtec. Le collectif reste un « premier pas avant des synergies plus importantes », assure la co-fondatrice de Télécoop. Le quator entend notamment travailler sur l’accessibilité, dont le coût, de ces services.

Aujourd’hui, pour acquérir un Fairphone 3 neuf, la dernière version de ce smartphone équitable, il faut débourser environ 400 euros. C’est pourquoi les offres de la firme néerlandaire et de Commown peuvent apparaître, paradoxalement, comme complémentaires au sein de Fairtec : en louant un Fairphone avec Commown, les particuliers peuvent étaler le coût d’usage selon Marion Graeffly.

Dans les entrailles du fairphone.

En termes de prix et de performances, ce smartphone peine toutefois à être compétitif avec d’autres grands acteurs de la téléphonie. La co-fondatrice de Télécoop, utilisatrice satisfaite de ce modèle depuis plus de deux ans, défend ses alliés : « Ce sont de vrais défricheurs, et ça peut prendre un peu de temps de développer la fonctionnalité. » Tout en soulignant que leur « valeur ajoutée, unique sur le marché », réside dans la responsabilité de leurs produits.

Faire évoluer les règlementations

Télécoop et Commown collaboraient déjà au sein du collectif des Licoornes, qui regroupe neuf coopératives qui souhaitent développer un nouveau modèle économique à vocation sociale et solidaire. Petit pied de nez aux « licornes », les start-ups valorisées à plus d’un milliard de dollars à la bourse, la Nef, Enercoop et bien d’autres proposent des alternatives aux consommateurs en répondant aux besoins essentiels du quotidien (énergie, téléphonie, services bancaires).

Fairtec aimerait également porter des plaidoyers pour faire évoluer le secteur, notamment les règlementations. Le collectif a déjà été auditionné pour la loi Numérique, passée dernièrement à l’Assemblée nationale. L’union fait la force. Car ensemble, ces quatre organisations peuvent davantage faire entendre leurs arguments en faveur d’un numérique plus responsable.

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