Animaux

Emmanuelle Grundmann - Soyons singes !

©Cyril Ruoso

Bonobos, orang-outans, gibbons… Près de 500 espèces de singes sont recensées dans le monde. Même s’ils sont nos plus proches cousins, nous ne les connaissons pas si bien que cela selon la primatologue Emmanuelle Grundmann. Evolutions, comportements, apprentissages, dangers… Immersion dans le monde des primates.

 

Emmanuelle Grundmann, voilà à peu près vingt ans que vous étudiez les primates. Comment êtes-vous devenue primatologue ?

Vaste question. Si je remonte le cours du temps, j’ai toujours été fascinée par les animaux, depuis toute petite. J’avais des parents et des grands-parents qui étaient très « nature », il y avait toujours plein de livres à la maison. On habitait en région parisienne, à Montreuil, mon grand-père m’emmenait tout le temps en forêt, enfin au bois de Vincennes. Et il m’apprenait à observer les animaux, même les plus petits : les oiseaux, etc. Donc les animaux ont toujours été très importants pour moi. J’ai été abonnée à La Hulotte très jeune. En fait, quand j’étais toute petite, je voulais être ornithologue parce qu’en région parisienne, ce qui est le plus facile à observer, ce sont les oiseaux. Donc c’était un peu une évidence. C’était mon terrain de jeu. Et si je me suis ensuite plus particulièrement intéressée aux singes, c’est peut-être parce qu’ils nous ressemblent et ont des mimiques qui nous rappellent celles de certains membres de notre famille ou de nos copains ! Jeune adulte, j’ai fait des études de biologie et j’ai commencé à travailler comme bénévole dans des zoos, notamment aux États-Unis, où je me suis retrouvée à travailler sur un programme de réintroduction de singes, des tamarins lions dorés. C’était super intéressant, et j’étais ravie parce que les singes, cela me paraissait tellement lointain, tellement inaccessible que tout d’un coup, c’était comme recevoir un immense cadeau !

 

Qu’est-ce qui vous fascine chez les singes ?

Ce qui m’a fascinée, dès que j’ai commencé à observer les singes, c’est ce côté miroir. Ils nous ressemblent énormément. On a vraiment l’impression d’être dans une petite communauté où il se passe plein de choses. Avec les grands singes a fortiori. Mais même avec les macaques ou avec les singes qui vivent en grands groupes sociaux, on peut se croire dans une série avec plein de personnages. Il se passe toujours quelque chose, il y a des rebondissements. Ils ont chacun leur personnalité, leurs traits de caractère, leurs traits physiques aussi. Ce qui me fascine également, c’est d’essayer d’être dans leur intimité, sans les perturber évidemment. Il y a comme une résonance entre eux et nous.

 

Qu’avez-vous appris auprès des singes ?

Même si les singes sont nos plus proches cousins, font partie de notre famille, on ne les connaît pas si bien que cela. Ils ne sont pas étudiés depuis très longtemps, du moins pas étudiés dans leur milieu naturel. Grâce aux Japonais, et à Jane Goodall dans les années 1960, on a commencé à les regarder d’un autre œil, et à lever les barrières qu’on avait érigées entre les animaux et nous, notamment le langage. Finalement, ce ne sont pas, comme on a tant voulu le croire – ce qui nous arrangeait aussi – pendant des siècles, des différences de nature qui nous séparent, mais plutôt des différences de degré. Évidemment, un chimpanzé et un humain, ce n’est pas la même chose. Il y a plein de choses que nous savons faire et qu’eux ne savent pas faire, et vice versa. Cependant on voit aujourd’hui qu’on a les mêmes compétences, elles ne sont juste pas exprimées de la même manière ou au même degré. C’est fascinant.

 

Combien d’espèces de singes sont recensées dans le monde ?

C’est un peu mouvant parce qu’on en découvre encore assez régulièrement. Je crois qu’en tout, on arrive à près de cinq cents espèces.

 

Quels sont les singes les plus proches de nous ?

Si l’on regarde le patrimoine génétique, ce sont les chimpanzés bonobos, avec lesquels on partage entre 98 et 99 % de notre patrimoine génétique. On s’est séparés il y a à peu près six millions d’années, mais il y a eu une période de flottement et pour certains primatologues, il semble évident que les premiers humains, les australopithèques en particulier, ont eu des hybridations avec les ancêtres des chimpanzés bonobos. Après, au niveau des comportements, c’est vrai que les chimpanzés sont très étudiés, et c’est avec eux aussi que l’on retrouve le plus de similitudes.

 

Sait-on pourquoi les bonobos n’ont pas évolué complètement vers l’humain ?

Vous voyez ce dessin où l’on a un singe qui se redresse avant de devenir un homme ? Cette représentation de l’évolution des singes vers l’homme, il faut la mettre au placard. Les singes ont continué à évoluer, mais sur un autre chemin, d’où les différences. Et ils ne sont pas restés bloqués. On est partis d’un ancêtre commun, on s’est plus ou moins mélangés à un moment, puis on est partis chacun sur un chemin différent.

©Cyril Ruoso

En termes de structures sociales, les singes ont-ils des modèles identiques aux nôtres ou complètement différents ?

C’est assez complexe. Il y a à la fois des choses identiques chez certaines espèces et des choses complètement différentes chez d’autres. Chez les grands singes, en fait, il y a un peu tous les modes d’organisation sociale possibles. Les gibbons vivent en couple, ils ont une structure familiale proche de la nôtre (père, mère et enfants), et sont relativement stables au cours de leur vie. L’orang-outang est considéré comme solitaire, mais c’est un peu une « fausse solitude ». C’est la forêt qui lui la dicte parce que les ressources y sont très dispersées, à la fois dans l’espace, mais aussi dans le temps. Et il n’y a pas suffisamment de nourriture pour que les orangs-outangs y vivent en groupe. Ils sont donc obligés de vivre un peu chacun de leur côté pour pouvoir trouver suffisamment à manger. Donc ils sont plus ou moins solitaires. Le gorille, c’est un harem, avec un mâle dominant, le dos argenté, avec ses femelles autour, et des mâles qui « zonent » et essayent de détrôner le mâle dominant et d’avoir son harem. Les chimpanzés et les bonobos, ce sont de très grands groupes. Parfois, on dénombre une centaine d’individus, avec un système social nommé « fission-fusion ». Il y a d’abord ce grand groupe, puis il éclate en sous-groupes qui vont partir une ou plusieurs journées pour, notamment, chercher à manger. Une fois fait, les chimpanzés se regroupent pour dormir tous au même endroit, bavarder les uns avec les autres, etc. C’est une société vraiment très soudée avec des hiérarchies très importantes, ce qui fait que certains – enfin, beaucoup maintenant – parlent de « politique » chez les chimpanzés parce que l’on a chez eux exactement les mêmes jeux politiques que ceux que l’on observe chez les humains, avec des alliances, des coups d’État, des assassinats politiques.

 

Cela veut-il dire qu’il existe chez les singes comme chez nous une forme de violence quasi naturelle ?

Cela a été un grand sujet de discorde chez les scientifiques. La première fois, c’est Jane Goodall qui a observé des guerres entre chimpanzés ; personne ne voulait la croire parce que cela revenait finalement à admettre que la violence n’était pas quelque chose de culturel, mais qu’elle était comme ancrée en nous. Cela remettait un peu nos idées rousseauistes en branle. D’ailleurs, cela continue d’être un sujet de discorde et de débat. Mais la violence qui a été observée chez les chimpanzés est « sans raison apparente », et peut aller jusqu’à de véritables actes de torture et d’assassinat : une violence totalement insoutenable. Il y a notamment cet exemple : un groupe de mâles a tué un sous-groupe voisin, et il s’est avéré que tous ceux qui avaient été tués étaient des mâles avec lesquels les « assassins » avaient grandi, qui avaient formé un autre groupe à un moment où le groupe s’était éclaté en plusieurs petits sous-groupes. C’était particulièrement troublant : les individus se connaissaient et, petits, avaient joué ensemble.

 

En creux, cela signifie-t-il que la violence chez nous est naturelle ?

La violence, j’aurais tendance à dire que oui. En tout cas, c’est ce que suggèrent toutes ces observations. Finalement, ce sont peut-être la culture et l’environnement social dans lesquels on se trouve qui nous permettent de « mettre une soupape », d’enfermer cette violence et de la taire. Par contre, pour le côté dépressif ou d’autres syndromes psychiatriques, on les a observés chez des individus qui avaient subi des traumatismes quand ils étaient petits. On retrouve cela chez nous. Finalement, cela montre que le mental, la psychologie sont quand même très similaires chez les singes et chez nous.

 

Comment se résolvent les conflits chez les singes ?

La résolution de conflits est vraiment quelque chose de très ancré dans le comportement des singes. Généralement, ils préfèrent jouer l’apaisement que d’entrer en conflit, surtout dans des sociétés où le nombre d’individus est très grand, en particulier chez les bonobos, les chimpanzés… Si l’on regarde chez les petits singes – les babouins, les macaques –, c’est extrêmement hiérarchisé. Donc il y a les dominants, puis toute l’échelle, jusqu’à ceux qui sont tout en bas, les dominés. Et les dominés savent très bien qu’il y a des choses qu’il ne faut pas faire. Par exemple, si un individu qui est en bas de la hiérarchie veut prendre un fruit dans un arbre, et que les dominants n’ont pas encore mangé tout ce qu’ils voulaient, eh bien ! le dominé va se faire chasser, et l’accepter. Pour apaiser les tensions dans ce cas-là, en général, le dominé va épouiller le dominant. « Épouiller », en français, ce n’est pas un très joli mot parce qu’on l’associe au geste d’enlever les poux, mais en fait, l’idée, c’est plus de faire un petit massage au dominant et de lui dire : « C’est bon, j’ai compris où est ma place. » Ce petit massage apaise aussi les tensions parce que le jeu des doigts dans le pelage libère des hormones d’apaisement, des endorphines ; du coup, cela calme aussi le dominant. Des règles tacites existent qui disent : « ça, on a le droit », « ça, on n’a pas le droit ». Après, ce n’est pas pour autant qu’on ne triche pas. Il y a tout un jeu pour duper les dominants et avoir quand même sa part du gâteau !

 

Ces violences existent-elles chez toutes les espèces de singes ?

Chez les orangs-outangs et chez les gorilles, il n’y a pas de violence connue.

 

Quelles évolutions et menaces observez-vous ?

La chose que je constate vraiment avec les singes – et je ne suis pas la seule –, c’est une disparition de leur habitat, puis une disparition générale. La plupart des espèces sont menacées parce qu’on déforeste à tout-va et que, de fait, ces animaux n’ont plus d’endroits où vivre. Souvent la déforestation va de pair avec le braconnage, et c’est un pan de notre histoire qui s’évapore dans cette mondialisation qui emporte tout sur son passage. Les singes, c’est notre histoire commune. On fait partie de la même famille. Or il y a plein de choses qu’on n’a pas encore découvertes. Du fait de la disparition de certains groupes, avec leurs comportements, leurs traditions, on perd donc aussi une partie du puzzle.

©Cyril Ruoso

Quand vous dites « disparition de l’habitat », s’agit-il de la déforestation ?

Oui. Une déforestation qui est liée à plusieurs choses. Évidemment, on coupe pour le bois, et depuis longtemps. En Indonésie, on a coupé pour les essences précieuses. Mais on déforeste aussi pour l’exploitation minière, pour le pétrole, pour l’or, etc. Depuis quelques années maintenant, on rase aussi la forêt pour l’agro-industrie. On la remplace par des arbres à croissance rapide pour faire du papier, du carton, etc. Ou par des palmiers à huile. Le palmier à huile est originaire de l’Afrique de l’Ouest. Dans les années 1980-1990, il s’est répandu comme une traînée de poudre sur toute la ceinture tropicale. On a aussi le cas de l’urbanisation pour les forêts situées aux limites des villages où la pression démographique est de plus en plus grande, et impose de « caser » des tas de gens. La déforestation va aussi de pair avec le braconnage et le trafic d’espèce sauvages. Plus on exploite ces forêts, plus on trace de pistes à l’intérieur, plus on les rend accessibles et plus on y prélève des animaux sauvages. Pourquoi ? Pour ce qu’on appelle la « viande de brousse. À vrai dire, il y a deux choses : le braconnage de subsistance, une « chasse » qui a toujours existé, et la chasse commerciale, le trafic… Avec Cyril, on avait travaillé sur les pygmées Baka, on avait passé un long moment avec eux au Cameroun. Effectivement, ils chassent, mais ils chassent depuis toujours, et ce ne sont pas eux qui mettent à mal la biodiversité des forêts. D’ailleurs, aujourd’hui, ce sont même eux qui en souffrent parce qu’ils n’ont plus rien à chasser. La chasse commerciale qui s’est développée et touche de nombreuses espèces ne nourrit pas des gens qui n’ont rien d’autre comme ressources, elle va vers les villes pour nourrir une élite qui veut du chimpanzé, de l’éléphant… La crise sanitaire que l’on vit aujourd’hui est liée au braconnage. On a été chercher des milliers de chauves-souris, de pangolins, au fin fond des forêts ; tous ces animaux sont porteurs de virus naturellement, sans que cela ait de conséquences pour eux. On a déjà eu un épisode avec Ebola il y a quelques années. Le braconnage répand des virus chez les humains et c’est encore le cas aujourd’hui. Les grands trafiquants qui vendent des espèces très emblématiques comme les grands singes, les éléphants, etc. font ce trafic en parallèle du trafic de drogue ou du trafic d’armes. Ce sont des choses à très grande échelle.

 

Pouvez-vous préciser la place de l’huile de palme dans notre consommation quotidienne ?

Depuis la fin du XIXe siècle, on a incorporé l’huile de palme à tout ce que l’on consomme au quotidien. Évidemment à l’alimentation, mais il ne s’agit pas forcément de la plus grande partie. Cela a commencé par la cosmétique, les savons, etc., et plein d’usages industriels. On a notamment percé le canal du Panama grâce à l’huile de palme parce qu’elle entrait dans la composition des explosifs ! Aujourd’hui, l’une des grandes utilisations de l’huile de palme concerne les carburants, et tous les « biocarburants », « agrocarburants ». L’huile de palme est présente absolument partout, dans tous nos placards, et parfois sans que l’on s’en rende compte parce que c’est sous des noms barbares : on la retrouve dans les cosmétiques, les détergents, tous les produits d’entretien, et tous les produits transformés de l’industrie agroalimentaire qui l’utilise pour plein de raisons : parce qu’elle n’est pas très chère, parce que c’est une huile qui est très stable… Pour réduire drastiquement sa consommation, on peut donc déjà limiter tous les produits agroalimentaires préparés. Certes l’huile de palme peut être très intéressante d’un point de vue écologique parce qu’elle a un très fort rendement. Mais aujourd’hui, on déforeste pour planter des palmiers. Si l’on plantait des palmiers sur des zones agricoles déjà existantes, cela poserait moins de problèmes. Sauf que cela n’est pas assez rentable pour les industriels. Pour eux, c’est plus facile et beaucoup moins coûteux en temps, en énergie et en argent de raser la forêt et d’installer du palmier que de « recycler » des zones agricoles. En particulier en Indonésie ou en Malaisie, où il existe un droit coutumier : sur les zones de forêt, il y a moins de gens qui sont installés avec ce droit coutumier, et donc de dédommagements à prévoir, et c’est aussi plus facile de les berner.

 

Cela signifie-t-il que quand on achète un produit préparé de l’industrie agroalimentaire, on est responsable de la disparition de l’habitat des singes ?

Indirectement, oui.

 

En quoi votre collaboration avec Cyril Ruoso vous aide-t-elle dans votre travail de recherche et de vulgarisation ?

Il y a ce côté sensibilisation, découverte, car « on ne protège que ce que l’on connaît ». Et ce que l’on connaît, cela passe aussi par l’émotion. L’émotion, on peut l’avoir par les textes, certes, mais la photo prime. On vit dans un monde d’images. Et les photos ont ce pouvoir de susciter des émotions qui nous poussent à avoir de l’empathie, à vouloir protéger… Mais il ne faut pas se leurrer : cela marche avec les grands singes, mais cela marche moins avec les scarabées ou les limaces !

 

En quoi l’homme est-il « un singe comme les autres » ?

On fait partie de la même famille. Mais on a perdu ce lien avec la nature, pour plein de raisons. On fait partie d’un même grand tout et c’est bien de se le rappeler. On a trop vécu hors-sol pendant des années. D’ailleurs, ce que l’on vit aujourd’hui [la crise du Covid-19, NDLR] nous rappelle que l’on est dépendants de la nature, et liés à elle, qui continue, bon an mal an, à avancer. Je trouve intéressant aussi, en observant les singes – et d’autres animaux –, de voir cette interaction qu’ils ont avec le milieu dans lequel ils vivent. Une chose qui m’avait beaucoup marquée quand on a travaillé et qu’on a été accueillis avec Cyril chez les pygmées Baka au Cameroun, c’est leur respect de l’environnement : exploiter les ressources que notre environnement nous offre, mais jamais trop ; ne pas épuiser les ressources du milieu dans lequel on vit. On voit cela aussi chez les singes ; il y a une autorégulation chez les animaux, quels qu’ils soient, un aller-retour permanent entre l’environnement dans lequel ils vivent et leur comportement. C’est en cela que je trouve important de se rappeler qu’on est aussi des singes.

 

Selon vous le lien entre la déforestation, le non-respect de la nature et les maladies qui émergent, telles que le Covid 19, est-il direct ?

Oui. Aujourd’hui, les scientifiques parlent du pangolin et des chauves-souris. Mais ce n’est pas la première fois. Quand il y a eu la crise Ebola, qui était moins répandue et plus ou moins cantonnée aux zones tropicales et en particulier à l’Afrique, c’était la même chose, c’était lié aussi à ce braconnage.

Propos recueillis par Pascal Greboval


Pour aller plus loin

  • www.cyrilruoso.com
  • Livres d’Emmanuelle Grundmann et Cyril Ruoso :

            – Les Singes, La Martinière Jeunesse, 2010

            – Il était une fois la forêt, Fleurus, 2009

            – L’homme est un singe comme les autres, Hachette Pratique, 2008

            – Grands singes, Empreintes & Territoires, 2008

            – Être singe, La Martinière, 2002


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