Agriculture biologique et Nature

Des fleurs locales, de saison et bio avec Floramazette

Par Alicia Blancher, le 26 juillet 2021

Céline a commencé la production de ses fleurs en mars 2021.

Si 85% des fleurs coupées achetées en France sont importées de l’étranger, seuls 400 producteurs résistent encore sur l’hexagone. Céline Casali en fait partie. En 2021, cette apicultrice de formation a créé sa ferme florale biologique près de Rennes, Floramazette. Reportage.

 

Des sandales, des chaussettes, un short en jeans et un vieux T-shirt. Entre les allées bordées de célosies et d’œillets, l’horticultrice s’excuse de sa tenue. « Je me changerai pour les photos », propose-t-elle, tout en gardant un œil attentif sur ses protégées. Ce mercredi 21 juillet, il fait plus de 30 degrés à Baulon, commune située au nord de Rennes. Céline s’est levée à 5h30 ce matin pour irriguer un peu ses cultures à l’aube. « C’est sec comme tabernacle », se lamente-t-elle.

Non, cette agricultrice n’est pas Québécoise ; et son accent chantant ne saurait la trahir. Mais cette native du sud-ouest a bien « bourlingué ». Après un passage de quelques années à Montréal dans le cadre de ses études en biologie, elle décide de faire un « break » dans son parcours universitaire, et « tombe » alors dans le maraîchage. Elle apprend sur le tas, au Canada, au Panama et dans les Côtes-d’Armor. En voyage en Nouvelle-Zélande, elle se forme également à l’apiculture.

Céline observe attentivement ses lonas inodora.

Contrainte de rentrer en France en raison de la situation sanitaire, elle suit un BTS de production horticole à la rentrée 2020. Si cela lui manque de « nourrir le monde », un « petit monde » se reprend-elle avec modestie, elle aime à penser que les fleurs marquent les événements d’une vie. « Les fleurs, ce n’est pas seulement un bouquet que l’on offre dans un dîner. C’est aussi lié aux enterrements, aux mariages, aux anniversaires, etc. Lorsque j’étais maraîchère, je faisais déjà des essais de fleurs entre mes lignes de légumes », confie Céline, qui a installé sa ferme à Baulon en début d’année.

Fleurs de saison et biologiques

Sur les 3 000 mètres carrés du terrain qu’elle loue, l’horticultrice en a pour tous les goûts. Scabieuses, immortelles, cosmos… Des fleurs qu’elle sème au gré des saisons, ses cultures étant en pleine terre, et non sous serres chauffées. Lorsqu’elle aperçoit un bourdon se poser sur l’une d’entre elles, la jeune femme s’émerveille : « Ça grouille, c’est cela que j’aime ! ».  Apicultrice pendant deux ans, elle n’imagine pas une seule seconde traiter sa production, qui est en cours de certification « Agriculture biologique » (ndlr : l’exploitation précédente sur le terrain était en conventionnel, il faut donc attendre deux ans avant d’obtenir la certification « AB »).

La fameuse célosie crête de coq.

En tant que productrice de fleurs locales, Céline a rejoint le collectif de la Fleur Française. Cette association, qui défend une culture locale et de saison, est inspirée du mouvement Slow Flower, né aux Etats-Unis dans les années 2000. Tout comme le mouvement Slow Food, il s’agit de prôner une agriculture plus responsable. Les fleurs restent encore beaucoup moins réglementées que les denrées alimentaires.

A ce jour, 85% des fleurs coupées en France sont importées. Avant de transiter par les Pays-Bas, passage presque obligé des végétaux vendus en Europe, les tiges et les boutons sont bien souvent cultivés en Afrique ou en Amérique du sud. Conditions de travail éprouvantes, emploi d’intrants, transport par avion et conservation dans des camions réfrigérés… Les modes de production des fleurs étrangères sont difficilement traçables. Le magazine Géo avait publié une enquête effarante au sujet d’une ferme de roses au Kenya en 2016.

70 variétés

A Baulon, Céline ne compte pas ses heures à vrai dire. En nous faisant visiter son exploitation, d’une bande fleurie à une autre, elle désherbe à la main dès que l’occasion se présente. « Houlala, faut absolument que je les récolte d’ici lundi », pense-t-elle à voix haute en observant ses célosies crête de coq. De « grosses grosses semaines » et « pas de vrais week-ends » en perspective pour cette native d’Agen.

Céline a appris à confectionner des bouquets par elle-même, en s’inspirant de la nature.

Pour sa première année, l’horticultrice a semé de multiples variétés – 70 au total – pour « tester » et sélectionner celles qu’elle cultivera par la suite. Production, transformation, commercialisation… l’agricultrice gère Floramazette toute seule.

« Par chance », comme elle le répète souvent, elle reçoit « l’aide technique (et morale !) » des maraîchers bio des Champs du possible, installés juste à côté du terrain qu’elle occupe. Ils lui font notamment le travail de sol. Elle partage avec ces deux Bretons d’une vingtaine d’années, Théo et Swan, un hangar et les sources d’irrigation. Ce qui a permis à Céline de limiter ses investissements de départ.

Vente directe, marchés, magasins bio

Comme tous les mercredis, un peu avant 16 heures, les trois compères préparent leur stand de vente directe à la ferme, à l’entrée du hangar. Un peu en retard à cause de nos discussions, la productrice installe rapidement une petite table où elle dispose quelques bouquets qu’elle a préparés. Des habitués arrivent au compte-goutte, et s’arrêtent devant l’étale de légumes bien fournie de Théo et Swan. « La vente directe, ça marche surtout pour les gars », reconnaît Céline dans un mélange d’amertume et de joie pour ses voisins, avec qui les blagues fusent.

Céline tient son stand à la vente directe à la ferme.

Cette dernière vend principalement ses fleurs à des grossistes, et ses compositions lors de marchés autour de Rennes, et dans quelques magasins bio. Financièrement, elle ne se plaint pas : « La première année est toujours difficile étant donné les investissements. » Le plus dur reste le manque de repères économiques et sociaux dans la profession selon la cultivatrice. En 1985, il y avait environ 8 000 producteurs de fleurs coupées en France, ils ne sont aujourd’hui plus que 400, dont la moitié est installée en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Sur les marchés, Céline peut profiter de cette singularité. « Il y a une réelle prise de conscience sur les conditions de production. Des personnes m’ont confié qu’ils n’achetaient plus de fleurs avant de découvrir Floramazette », se réjouit la jeune femme, tout en arrangeant ses compositions exposées. Cet été, l’horticultrice investira les marchés sur la côte bretonne, en espérant séduire des touristes sensibles à la cause des fleurs.

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