Mobilité

Déconfinement : une aubaine pour le vélo !



Alors que moins de 3 % des déplacements se font à vélo en France, le gouvernement est passé à la vitesse supérieure en annonçant un « plan vélo » de 20 millions d’euros, le 30 avril dernier. Chèques de réparation, formations gratuites, prise en charge de coûts d’aménagements temporaires… Avec ces mesures, l’État veut  désengorger les transports publics en encourageant l’usage du vélo, qui s’es intensifié pendant le confinement. La petite reine peut-elle laisser sa trace dans ces conditions?

« Le vélo a ré-enchanté ma vie quand j’habitais à Paris », se souvient Julien Pley. Désormais basé sur Bordeaux, c’est à la suite de deux grandes randonnées sur les routes de France que Julien décide de fouler les boulevards parisiens au quotidien : « Les trois dernières années que j’ai passées là-bas, j’ai complètement abandonné les transports en commun ». Aujourd’hui, il en est convaincu : le vélo lui a permis de s’inscrire dans un véritable « cercle vertueux ». Un avis partagé par François Pontvianne, lui aussi habitué aux pistes parisiennes ; depuis le tour de France qu’il a entrepris en 2015, il n’est plus jamais redescendu de selle : « Pédaler tous les jours, c’est un exercice qui, s’il est un peu difficile au début, devient vite agréable ». Ces deux amateurs du guidon sont de ceux qui voient une réelle opportunité de développement pour le cyclisme dans le « plan vélo » annoncé fin avril par le gouvernement. Avec des mesures phares comme la création d’un chèque « réparation » de 50 euros, la prise en charge de jusqu’à 60 % des coûts d’installation de stationnement temporaire pour vélo, l’accompagnement à la mise en place de pistes cyclables, ou encore l’accélération du forfait « mobilités durables », c’est dans l’urgence que la France a suivi le mouvement international : « Même si les avantages du vélo d’avant sont encore là, ces mesures ne sont pas un rattrapage : on est au pied du mur », rappelle Olivier Razemon, journaliste et spécialiste des transports pour le journal Le Monde

Agir vite

« Réactivité », c’est le terme qu’utilise Jean-Marc Verchère, adjoint au maire de la Ville d’Angers, pour décrire l’état d’esprit dans lequel ont été mis en place ces aménagements. L’idée : mettre rapidement en œuvre différentes mesures pour ensuite les évaluer et intervenir si besoin. Classée deuxième ville de 100 000 à 200 000 habitants dans le palmarès des villes cyclables 2019 de la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB), la municipalité a dû jongler entre la mise en place d’actions prévues par son « plan vélo » 2020, et quelques modifications tout à fait inédites.

À Paris, l’ajout des 50km de pistes cyclables provisoires annoncé par Anne Hidalgo le 5 mai dernier, ancre un peu plus la promesse de faire de la ville « la capitale mondiale du vélo ». Si nous sommes encore loin de l’objectif des 1400km de voies pour la fin de l’année, ces nouvelles mesures lui donnent un bon coup d’accélérateur : « Il y a toujours des points dangereux », concède François Pontvianne, « mais progressivement, de nombreuses pistes ont été mises en place, ce qui sécurise l’usage ». Pour lui, ces changements sont l’occasion d’étendre le réseau cyclable parisien déjà long de quelques 1000km, ce qui palliera pendant un temps l’insécurité ressentie par certains indécis.

Ancrer l’usage

« Nous sommes très sollicités par les villes pour les accompagner dans la communication de l’emplacement et de l’itinéraire de ces infrastructures », explique Alexandre Chasse, chef de projets au sein du service mobilités d’IFP Énergies Nouvelles. Acteur majeur dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’environnement, l’IFPEN accompagne les municipalités et les usagers dans les changements à venir via des solutions numériques, comme l’application Geovelo. De leur côté, plusieurs associations ont publié des propositions d’aménagements piétons et vélos temporaires. Car l’enjeu est simple : plus ces mesures sont qualitatives, plus leur chance de devenir permanentes augmente : « C’est très important de dire que ces changements sont provisoires. Ça permet à des élus parfois méfiants d’être rassurés. Ensuite, si les gens les adoptent, ces mesures pourront être pérennisées », remarque Olivier Razemon.

Les crises sont souvent propices aux changements. Alors, l’ensemble de ces modification peut-il présager d’un ancrage du vélo dans nos quotidiens ? Pas si simple. Si le choc pétrolier des années 70 a par exemple permis à la bicyclette de s’inscrire dans le paysage néerlandais, de telles avancées n’ont pas toujours été vérifiées par le passé : « Là, le bémol, c’est qu’on est encore en pleine crise. On ne sait pas ce qu’il va se passer dans les prochaines semaines », souligne Olivier Razemon : « L’usage du vélo va augmenter, avec des gens qui vont vouloir se ré-approprier leur vie, mais il va aussi y avoir une autre tendance très forte : celle de posséder une maison individuelle, par exemple, ce qui engendrera davantage de déplacements ». Bien qu’il soit encore trop tôt pour pronostiquer une quelconque pérennisation des usages, cette période constitue néanmoins une véritable fenêtre de décision pour les pouvoirs publics : « On est dans une marche en avant, dont personne ne connaît la vitesse. Ce qui est certain, c’est qu’elle a un coup d’accélérateur temporaire dont il restera quelque chose », avance Jean-Marc Verchère, confiant.

Une politique en mutation

L’idée que le vélo est une solution pour la ville est loin d’être nouvelle, et la mise en place accélérée de toutes ces mesures n’est pas anodine : « Il y a une évolution progressive de la part de tous les partis politiques depuis 2015, avec une montée en puissance des associations », affirme Olivier Razemon. À Angers, c’est le « plan vélo » voté à la fin du mandat de 2014-2020 qui a permis à la ville d’apporter une réponse rapide aux enjeux du déconfinement : « Au court de ce mandat, beaucoup d’aménagements ont été pensés et nous avons énormément travaillé avec des associations d’usagers de la bicyclette », explique Jean-Marc Verchère. À plus de 700km de là, dans la commune d’Illkirch-Graffenstaden, cela fait plus de vingt ans que la mairie sensibilise ses citoyens au mode doux : « On a développé une politique systématique de création de pistes et d’aménagements cyclables », raconte Claude Froehly, le maire de la commune. Élue première ville cyclable de 20 000 à 50 000 habitants dans le palmarès 2019 de la FUB, ce sont aujourd’hui 63 km de pistes et de nombreux autres aménagements que se partagent les quelques 26 757 habitants d’Illkirch. Résultat : aucune action supplémentaire n’a été nécessaire en vue du déconfinement.

Bien que la France soit en queue du peloton de l’Union Européenne en matière de cyclisme, le pays essaye peu à peu de remonter la pente, encouragé par le plan vélo 2018 du gouvernement. Une bonne nouvelle pour nous tous, et en particulier pour les amoureux de la petite reine.

Par Clara Jaeger


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Le 14 mai 2020
© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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