Bien-être

« Avec le flux instinctif libre, on décide à quel moment on écoule son sang, sans protection hygiénique»

Par Galane Maréchal, le 9 mai 2022

Maëlle Mériaux, formatrice sur le cycle féminin © Claire Huteau

Les règles sont un calvaire pour de nombreuses femmes, une période d’inquiétude et de questionnement sur la protection hygiénique à employer : serviettes, tampons, cup, culotte menstruelle…. Maëlle Mériaux, formatrice sur le cycle féminin, recommande le flux instinctif libre (FIL), une méthode naturelle pour reprendre en main ses menstruations, réduire sa dépendance aux protections hygiéniques et lever le tabou des règles.
Cette méthode, développée aux USA, est méconnue et marginale en France mais tend à se démocratiser depuis quelques années via des vidéos Youtube, blogs et réseaux sociaux. 

 

En quoi consiste la méthode du flux instinctif libre ?

Cette pratique consiste à être à l’écoute des signaux de son corps pour évacuer le sang menstruel naturellement aux toilettes plutôt que dans une protection hygiénique. Le FIL demande d’être dans une démarche active, où l’on décide à quel moment on va écouler son sang, sans dépendre d’une protection. Cette méthode permet de s’émanciper ou du moins en partie des protections menstruelles. 

 

Comment débute-t-on la pratique du FIL ?

Je conseille de passer par une phase d’observation. Elle est très importante car plusieurs facteurs peuvent nous avoir coupées de notre cycle et de nos règles ; notamment si on a l’habitude de porter des tampons ou une coupe menstruelle (cup). Avec ces méthodes, on ne se rend pas compte de l’écoulement de notre sang, alors que le principe de base du FIL est de comprendre son flux menstruel. Je recommande de porter une serviette lavable ou une culotte menstruelle tranquillement chez soi et d’observer, de ramener régulièrement son attention à ce qui se passe lors de ses menstruations. Ce sont les contractions de l’utérus qui vont engendrer l’écoulement du sang menstruel. Mais l’action n’est pas directe, le sang se stocke d’abord dans les fornix vaginaux (extrémités supérieures du vagin, ndlr), situés près du col de l’utérus. C’est seulement quand il y a suffisamment de sang, qu’il va déborder et commencer à couler le long du vagin puis à travers la vulve. Il y a un certain temps entre la contraction et l’écoulement du sang. Il suffit de repérer les signaux indiquant le moment où les fornix vaginaux sont pleins, pour aller évacuer le sang dans les toilettes. Ces signaux peuvent être une sensation de pesanteur au niveau du ventre ou une envie de faire pipi par exemple. 

 

Comment fait-on quand il n’y a pas de toilettes proches ?

J’ai toujours pensé qu’il ne fallait pas se mettre de pression, ni en situation de stress. Si on sort sans protection hygiénique pendant plusieurs heures, on va se mettre en difficultés s’il n’y a pas de toilettes à disposition. Ce n’est pas l’objectif. Dans ma manière de pratiquer le FIL et de transmettre cette méthode, je relativise. Lorsque l’on sort à l’extérieur, si on a l’occasion d’aller aux toilettes tant mieux et sinon on laisse son sang s’écouler dans sa protection, ce n’est pas grave. 

 

« Au fil de la pratique, on apprend à maîtriser pour espacer les passages aux toilettes »

 

Pratiquez-vous toujours le FIL en portant une protection ?

Non, il y a plusieurs moments où je n’ai pas de protection. Au fil de la pratique, on apprend à maîtriser pour espacer les passages aux toilettes. Je me rappelle qu’au début, j’avais un flux très abondant à certaines périodes, du fait de mon stérilet au cuivre, et je devais aller aux toilettes presque tous les quarts d’heures, ou demi-heure à certains moments de la journée. Aujourd’hui, je peux facilement passer deux heures, même dans une journée de flux abondant, sans aller aux toilettes.

 

Est-ce que la pratique du FIL nécessite de muscler son périnée ? 

Il y a deux écoles sur le fait de contracter son périnée ou non. Beaucoup de personnes disent que le FIL consiste à retenir son flux menstruel à l’intérieur du vagin en contractant son périnée pour le déverser aux toilettes lorsque l’on en a besoin. Sauf que le périnée est un muscle que l’on ne peut contracter que de manière ponctuelle. Pour moi, il n’y a pas besoin de muscler cette zone du corps pour commencer le FIL. Cette musculature du périnée se fait naturellement et en douceur au cours de la pratique de cette méthode. 

 

« Dès le premier cycle sur lequel on démarre, on peut réussir à déverser 50% de son flux aux toilettes »

 

Combien de temps faut-il pour maîtriser cette méthode ?

C’est assez variable, cela dépend des résultats attendus. On peut obtenir des résultats très rapidement, si on porte vraiment son attention sur son flux. Dès le premier cycle sur lequel on démarre, on peut réussir à déverser 50% de son flux aux toilettes. Dans les deux à trois mois suivants, on peut écouler jusqu’à 80%. Les vingt derniers pourcents sont les plus difficiles à maîtriser. Lors des derniers jours de règles, où le flux n’est pas très abondant, les signaux du corps sont plus difficiles à repérer. Il y a des moments où le sang va s’écouler sans que l’on ne s’en rende compte. Il faut accepter que pendant un certain temps il y aura des petites fuites que l’on n’arrivera pas à contrôler. Il faut avoir conscience que l’objectif ce n’est pas forcément d’arriver à déverser directement 100% de son flux aux toilettes.  

 

Dans quelles situations est-il plus difficile de pratiquer le FIL ?

Cela peut être compliqué de pratiquer le FIL lors d’un sport où l’on est très actif. Pour le jogging par exemple parce qu’on est beaucoup en mouvement et aussi parce qu’on ne va pas s’arrêter lorsque l’on ressent l’envie d’aller aux toilettes. Dans ce cas-là, je conseille de mettre une culotte menstruelle. Pour les sports dans l’eau c’est différent. Beaucoup de femmes ne le savent pas mais quand on est dans l’eau, le flux menstruel ne s’écoule pas parce que le périnée se referme naturellement, c’est pareil lorsqu’on prend un bain. Ce sera plutôt lorsque l’on va sortir de la piscine que cela peut être plus problématique. D’une manière générale, avant de faire du sport et après la pratique, il est conseillé de se rendre aux toilettes pour éviter les fuites. 

Sinon, la pratique du flux instinctif libre est plus difficile à gérer quand on a un rythme décalé, ou quand on est souvent en voyage et en déplacement sur de longues distances. 

Beaucoup de femmes se posent la question du déroulement du FIL la nuit puisqu’il y a une longue période sans que l’on déverse le flux menstruel aux toilettes. En réalité, là aussi cela dépend des femmes. Certaines ne ressentiront pas le besoin d’aller aux toilettes et pour d’autres, notamment celles qui se lèvent durant la nuit, elles éprouveront le besoin de se rendre aux toilettes à ce moment-là. C’est mon cas, je me réveille fréquemment au moins une fois dans la nuit. Je sais qu’à ce moment-là je vais devoir aller aux toilettes. 

 

Depuis quand pratiquez-vous le FIL ?

J’ai commencé en 2017, à vingt-six ans. La première fois que j’ai découvert cette technique, j’avais vingt ans, c’était dans le livre de France Guillain sur le bain dérivatif. Elle parlait de continence des règles. C’était une révolution pour moi mais lorsque j’ai partagé cette découverte à ma mère, sa réaction a réfréné ma démarche. Elle était catégorique. Elle ne croyait pas à cette pratique. Puis, un jour, une intervenante est venue faire un atelier sur le FIL près de chez moi. Sa méthode était radicale et c’est ce qui m’a fait un peu peur au départ. Elle expliquait qu’il ne fallait pas porter de protection hygiénique, pour ne pas se reposer dessus. Sur le coup cela m’a paru difficile, d’autant que je portais un stérilet au cuivre, j’avais des règles abondantes. Avec une copine, on s’est acheté des culottes menstruelles pour essayer cette méthode en douceur. J’ai commencé avec l’idée de le faire à mon rythme, dans des moments où j’étais tranquille chez moi et surtout de pouvoir expérimenter sans me mettre la pression.

« Si je peux gérer mon urine après tout, pourquoi ne pas le faire avec le sang »

 

Pourquoi avez-vous choisi cette méthode plutôt qu’une autre ?

J’avais déjà presque tout expérimenté : les serviettes jetables, les tampons et la coupe menstruelle qui me convenait plutôt bien. Mais à l’époque je commençais à ne plus être très à l’aise à l’idée d’avoir quelque chose à l’intérieur de mon corps. L’émancipation que cette méthode permettait vis-à-vis des protections hygiéniques m’a vraiment attiré vers cette pratique. J’ai repensé au livre de France Guillain où elle parlait de continence des règles. Cela signifiait que l’on était incontinente en laissant écouler ses règles, comme si on laissait l’urine s’écouler en permanence et qu’on portait des couches parce qu’on n’avait jamais appris à maîtriser cet aspect-là de nous. Cela m’avait vraiment marqué de faire ce lien : si je peux gérer mon urine après tout, pourquoi ne pas le faire avec le sang. 

 

Quels bénéfices retirez-vous de la pratique du flux instinctif libre ? 

Avec cette méthode, mes menstruations ont évolué au fil des cycles, elles sont moins abondantes et plus courtes. Certaines filles ont même des règles moins douloureuses qu’avant de pratiquer le FIL. Ce dont j’ai le plus de gratitude pour cette méthode, c’est la confiance qu’elle m’a apportée, en moi, dans mon corps et dans mes règles.

 

« La pratique du FIL m’a apporté beaucoup d’apaisement, de sérénité et de confiance »

 

Avant, j’étais stressée avec l’idée d’avoir des fuites puis une tache sur mon pantalon qui serait visible. Je me rends compte que c’était une pression énorme. Je vivais la période de mes règles comme une contrainte. Maintenant, je ne ressens plus ces inquiétudes, je sais que je vais pouvoir gérer si je n’ai pas de protection avec moi. La pratique du FIL m’a apporté beaucoup d’apaisement, de sérénité et de confiance sur la manière de gérer mes règles. Pour moi, l’appréhension des fuites vient du sentiment que notre corps n’est pas fiable, qu’il peut nous trahir à tout moment. Pourtant, notre corps envoie plusieurs signaux pour nous indiquer le fonctionnement de nos règles. Il suffit de leur prêter attention comme on le fait naturellement avec l’urine.

 

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© Kaizen, explorateur de solutions écologiques et sociales

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