Amélie Cornu, membre du collectif
Georgette Sand



Suite à une enquête du collectif féministe Georgette Sand dénonçant le fait que les femmes payent plus cher que les hommes certains produits ou services similaires, le ministère de l’Économie a annoncé qu’il lançait une étude pour évaluer ces différences de prix. Un début de victoire contre les stéréotypes du marketing !

Georgette Sand - Exemple de taxe rose

Comment l’idée vous est-elle venue de comparer les prix entre les produits féminins et les produits masculins ?

Nous avons été alertés par une étude américaine publiée dans le magazine Forbes, qui indique que les femmes déboursent en moyenne 1 300 $ de plus que les hommes par an pour des produits similaires. Nous avons voulu savoir si cette iniquité pouvait se vérifier en France. Nous avons constaté qu’il y avait une différence de prix entre des produits – souvent de marque distributeur ou « premier prix » – exactement identiques suivant qu’ils étaient vendus pour les femmes ou pour les hommes. De là est née notre action avec la mise en place d’un Tumblr qui dénonce ces écarts de prix. Nous en avons fait une plateforme collaborative à laquelle les internautes peuvent contribuer. Nous ne souhaitons pas tendre vers une tarification générale hommes-femmes car, parfois, quand il y a une fonctionnalité supplémentaire, il est justifié que le prix soit plus important. Mais nous ne voulons plus de rayons genrés. Nous souhaitons abolir le marketing genré qui consiste à mettre un rayon rose pour les femmes et un rayon bleu pour les hommes, et qui ne permet pas de comparer les prix. Nous souhaitons que les rayons deviennent mixtes et soient organisés par fonctionnalité : un rayon pour les déodorants, un pour les rasoirs, etc. Ainsi, les gens pourront agir en consommateurs avertis. Nous sommes conscients que cela peut prendre du temps : nous souhaiterions donc dans un premier temps que l’étiquetage mentionne le prix féminin et le prix masculin.

Nous souhaitons également nous attaquer aux enseignes de coiffure qui pratiquent des tarifs différents selon que le client est un homme ou une femme, alors qu’aujourd’hui, faire cette distinction est absurde ! Il faudrait raisonner en fonction de la longueur de cheveux, de la coupe, du service rendu, et non pas en fonction du genre de la personne.

Que révèle cette différence de prix de la société et des pratiques des marketeurs ?

Ces rayons dissociés en fonction du sexe du consommateur entretiennent les stéréotypes. Cette différence de prix repose sur un présupposé qui consiste à penser que les femmes sont prêtes à débourser davantage que les hommes pour des produits ou des services, notamment des produits cosmétiques. Cette inégalité est d’autant plus grande que, en France, les femmes gagnent 27 % de moins que les hommes, que 82 % des emplois à temps partiel sont occupés par des femmes, qu’elles touchent une retraite moins importante… Il n’y a aucune raison objective de majorer les achats des femmes. C’est une taxe invisible qui ne repose sur rien, si ce n’est sur un présupposé.

Comment avez-vous réussi à toucher Emmanuel Macron, ministre de l’Économie ?

Il y a environ une semaine, nous avons lancé une pétition ciblant Monoprix [1] sur le site change.org, et beaucoup de signataires ont répondu à l’appel. Nous avons été reçus dans le même temps par la secrétaire d’État aux Droits des femmes, Pascale Boistard, que le sujet a touchée. Elle a assuré au collectif qu’elle allait lancer une étude sur le sujet. Puis nous avons réalisé une interview dans un journal national (Le Parisien). À la suite de cela, nous avons eu énormément de retombées médiatiques. Nous n’avions pas anticipé qu’il y aurait un tel emballement des médias. Nous avons appris grâce à Twitter qu’Emmanuel Macron s’emparait du dossier à Bercy et que le gouvernement allait lancer une étude. Nous continuerons de tout mettre en œuvre – communiqués de presse, pétitions, réseaux sociaux et actions de mobilisation – pour nous assurer que le gouvernement aille au bout de ce dossier !

 

Propos recueillis par Pascal Greboval

[1]    À l’heure où nous publions, la pétition a reçu plus de 40 000 signatures.

Le 5 novembre 2014
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Ikario le 22/11/2014 à 13:24

J'aimerais souligner le fait (car le buzz dépasse souvent le cadre de la réflexion) que l'on s'attaque là à un gros poisson.

J'entends par là que le budget hommes/femmes diffère (je ne me risquerai pas à une explication dont je pense bien qu'elle se trouve sur différents niveau social et culturel d'une société).

Depuis l'adolescence, je me suis toujours fait la remarque que les vetements pour femmes ont toujours été moins chère que le même produit (ex : chaussettes, t-shirt, etc.) pour hommes...

Est-ce là une n-ième technique marketing ? Un marqueur social ? Un signe d'appartenance (voire d’aliénation dirons certains penseurs intelligent) ?


Bref, je tenais simplement à le signaler car nous avons tendance à confondre différences et inégalités.