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jeudi 21 novembre 2024
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Collectif « 2022 ou jamais » : « Nous ne voulons pas d’un match prévu à l’avance Macron – Le Pen »

Pour faire triompher les valeurs « écologiques, sociales et démocratiques » aux prochaines élections présidentielles, le collectif « 2022 ou jamais » lance une primaire populaire pour faire émerger une candidature unique dès l’automne 2021. Soutenue par des personnalités telles que Cyril Dion, Pablo Servigne ou encore la Gilet Jaune Priscillia Ludosky, l’initiative a pour but de rassembler la gauche et les écologistes, et faire barrage à un duel redouté Macron-Le Pen. Entretien avec la co-présidente de « 2022 ou jamais » et porte-parole de la primaire, Mathilde Imer.

Quel est le concept et l’objectif de la primaire populaire ?

L’objectif est simple : permettre aux citoyens et citoyennes de faire émerger une candidature unique, gagnante en 2022, sur la base d’un projet écologique, de justice sociale, qui promeut un renouveau démocratique. C’est une primaire qui est différente des autres pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’elle est organisée par la société civile, car ce ne sont pas les partis qui choisissent les candidats. On a une phase de parrainage qui s’ouvre au lendemain des Régionales en juin : chaque citoyen pourra proposer le nom d’un ou d’une candidate qu’il verrait bien incarner le socle commun que l’on a rédigé. A chaque fois qu’une personne est mentionnée plus de 500 fois, à ce moment-là, elle est inscrite sur la plateforme. Et on prend à la fin, les dix candidats les plus soutenus, cinq hommes et cinq femmes, qui participeront au vote final qui aura lieu à l’automne prochain, et réunira deux millions de personnes.

Le socle commun représente des propositions inspirées de la société civile, comme les propositions du Pacte du pouvoir de vivre, de la coalition « Plus jamais ça », du Pacte pour la Transition, ou encore du « vrai débat » des Gilets Jaunes. On a fait un scan de toutes leurs propositions, en prenant en compte ce que présentaient différents partis politiques, et à partir de cela on a réalisé une synthèse avec dix propositions de rupture, sur les questions écologiques, de justice sociale, et du renouveau démocratique. Par exemple, la première proposition constitue une vraie loi Climat, pas comme la loi Climat qui fait suite à la Convention citoyenne votée à l’Assemblée nationale, très loin du niveau d’ambition qu’avait posé les 150 citoyens de la Convention. On souhaiterait reprendre quant à nous l’ensemble de leurs propositions, en mettant un coup de boost sur la rénovation thermique des bâtiments, qui permet de créer des centaines de milliers d’emplois non délocalisables, à court terme. Alors que la crise économique et sociale s’abat sur nous, on se dit que ce genre d’investissement est plus qu’utile pour notre pays en ce moment.

Autre exemple sur les questions de démocratie, l’idée de sortir de la monarchie présidentielle, en créant dès l’arrivée au pouvoir, une loi qui permet de donner une vraie reconnaissance du vote blanc, donner le droit de vote à 16 ans, etc.

On a présenté ces propositions à divers partis politiques, comme EELV, le PS, la France Insoumise, qui ont pu nous faire des retours. Et la version finale a donc été, non pas validée formellement – on n’a pas demandé à ce que les logos soient mis, loin de là – mais il y a un certificat de compatibilité en quelque sorte avec ces partis. C’est ce que l’on appelle le « bloc des justices » (ndlr : terme issu de la Rencontre des justices dont faisait partie Mathilde Imer), car le terme de « gauche » ne nous parle plus pour être honnête. Et on voulait montrer que c’est un bloc qui n’a plus conscience de lui-même, où il y a à la fois ces électeurs de ces différents partis classifiés traditionnellement à gauche. Mais il y a aussi, et c’est hyper important pour nous, les abstentionnistes. On considère aujourd’hui que notre démocratie doit donner envie aux personnes qui s’abstiennent de voter, et notamment les jeunes. Et aux électeurs déçus par la gauche qui sont partis du Rassemblement national. C’est donc redonner de la visibilité à un bloc qui s’ignore.

Mathilde Imer, militante écologiste, a co-fondé le mouvement des Gilets citoyens à l’origine de la Convention citoyenne pour le climat.

Le vote final se fera au jugement majoritaire. Pourquoi avoir choisi ce type de scrutin ?

On a choisi ce scrutin pour différentes raisons. Tout d’abord, cela permet d’avoir une primaire en un seul tour afin d’éviter d’avoir des clashs trop profonds entre candidats ; on sait que la primaire de 2017 a laissé des traces. Deuxième raison, il faut que l’on arrête de « voter contre » de manière systématique. Nous, citoyens, on a toujours l’impression de voter pour le moins pire. Le vote majoritaire permet, au lieu d’adopter la stratégie du vote utile, de donner une mention à chacun et chacune des candidats qui sont en compétition. Donc si vous adorez quelqu’un, vous lui mettez « excellent », si vous trouvez que la personne est moyenne, vous lui mettez « moyen » ou « passable », et si vous détestez cette personne et que vous ne voulez surtout pas la voir, vous lui mettez « à rejeter ». Cela permet d’avoir un rapport de forces fidèle à la réalité de ce que pensent les électeurs, et donc d’éviter d’élire des personnes avec très peu de soutiens au sein de la population.

La dernière raison, est que cela permet de constituer beaucoup plus facilement une équipe derrière. Evidemment, il n’y aura qu’un seul nom sur le bulletin pour les Présidentielles, mais cela permettra d’avoir un embryon d’équipe gouvernementale, autour de ce ou cette candidate. Vu qu’il y a un rapport de forces réel, et non un rapport de forces biaisé par le vote utile, c’est beaucoup plus facile pour le vainqueur de prendre en compte la sensibilité des autres candidats et des électeurs qui sont derrière, en prenant potentiellement dans son équipe les uns et les autres.

Si le candidat désigné par les citoyens ne souhaite pas finalement se présenter, que se passe-t-il ?

Au lancement de la phase de parrainage, lancée fin juin prochain, seront d’emblée inscrits sur le site l’ensemble des candidats officiellement déclarés ou très fortement pressentis, qui sont déjà présents dans les sondages, qu’ils le veuillent ou qu’ils ne le veuillent pas. Idem, ceux qui sortiront parce que plus de 500 citoyens auront mis leur nom sur la plateforme, seront affichés sur le site du début jusqu’à la fin du processus de parrainage. C’est seulement à la fin de ce processus, qu’on leur demandera s’ils consentent à participer au vote final ou pas. Et s’ils ne consentent pas, ils ne participeront pas bien évidemment ; on ne va forcer personne.

En revanche, la pression populaire peut changer quelque chose, c’est le pari que l’on fait. Quand on a 500 000 personnes qui votent en ligne sur une phase de parrainage, c’est plus difficile de bouder la primaire pour les différents candidats et candidates.
On sait que dans les élections, c’est la dynamique qui compte. Quand on a une dynamique citoyenne qui est derrière un candidat, qui participe à une primaire, qui ose le jeu audacieux, a priori celui qui est en face est quand même moins bien positionné, et réfléchit à deux fois si tous ses autres concurrents sont en lice dans cette primaire.

Vous avez besoin d’une « pression populaire » pour convaincre certaines personnalités politiques de participer à cette primaire. Comment comptez-vous l’obtenir ?

Bien-sûr la réussite de cette primaire dépend du nombre de citoyens et citoyennes qui vont se mobiliser. On lance à partir de la semaine prochaine un mécanisme d’organizing. L’organising ce sont des méthodes qui viennent des Etats-Unis, qui ont été utilisées par exemple lors de la campagne d’Obama et de Bernie Sanders. Il s’agit de mobiliser par le bas, les citoyens. Ce qui permet d’augmenter assez rapidement un nombre de citoyens engagés pour une candidat ou pour un processus. Donc à partir de la semaine prochaine, on lance une grosse phase d’organizing  avec l’ensemble de l’équipe et des 600 bénévoles qui sont déjà engagés au sein de la primaire populaire.

Concrètement, c’est l’organisation d’événements pour faire connaître le projet, la mise en place de lives Facebook, etc. On arrivera d’ici fin juin à 300 000 signataires, c’est en tout cas notre objectif (ndlr : à la date du 27/05/2021, 33 949 personnes ont signé l’appel). Et sur la base de ces 300 000 signataires, se lancera la phase de parrainage, durant laquelle on espère mobiliser 500 000 personnes. Et une fois que les candidats ont accepté de participer, ils mobilisent eux-mêmes, de fait, leur base électorale. Et on arrive assez facilement à deux millions de votants.

Quels sont les acteurs politiques susceptibles de participer à la primaire populaire ?

Aujourd’hui, celui qui a le plus de soutiens en ligne, c’est Jean-Luc Mélenchon, avec environ 200 000 signatures sur la plateforme « Nous sommes pour » (ndlr : plateforme du candidat de la France insoumise). Donc on voit bien à ce jour qu’aucun d’entre eux n’est capable d’atteindre plus de 300 000 soutiens. Est-ce que sous cette pression populaire, ils n’auraient pas intérêt à se ranger du côté de cette primaire ? S’ils disent tous « oui », c’est sûr que l’on aura deux millions de participants, parce que cela deviendrait quelque chose de sérieux. S’ils disent non, on n’aura pas deux millions de personnes. Certains se sont déjà engagés, comme Sandrine Rousseau, candidate à la primaire écologiste ; elle a annoncé publiquement, alors même que l’on n’a rien demandé à ce stade, qu’elle participerait à la primaire populaire si elle gagnait la primaire écologiste. On a également la bienveillance d’Eric Piolle et Yannick Jadot. Anne Hidalgo a également montré son intérêt, en disant assez clairement : « Je ne veux pas d’une primaire PS, je ne veux pas d’une primaire écologiste élargie, mais un format de primaire à l’américaine, ça m’intéresse ». On a une grande bienveillance d’Arnaud Montebourg. Le seul qui nous dit non de manière frontale aujourd’hui, c’est Jean-Luc Mélenchon.

Il y a quelques années, des primaires citoyennes ont émergé, afin de présenter aux élections présidentielles des citoyens ordinaires et s’émanciper des partis politiques. La primaire populaire est également présentée comme « une initiative citoyenne indépendante des partis politiques ». Pourtant les personnalités susceptibles d’être candidates incarnent souvent des formations politiques. Les partis sont-ils donc des intermédiaires indispensables pour accéder au pouvoir ?

Déjà il y aura les deux profils parmi nos candidats, des citoyens issus de la société civile et des personnalités politiques. On veut justement éviter l’écueil d’une primaire citoyenne où il n’y a que des citoyens qui se présentent, et qui n’arrivent pas à aller jusqu’au bout, ou n’arrivent pas à peser dans les faits. Ce que l’on veut, c’est gagner. Ce n’est pas juste pour se faire plaisir avec un beau processus. C’est gagner en 2022, parce que l’on n’en peut plus, on en a ras le bol de la manière dont la politique se fait aujourd’hui.

Donc on a essayé de prendre en compte les écueils de la primaire citoyenne, de la Primaire.org, et d’éviter aussi les écueils, si je prends l’opposé de la primaire citoyenne, de la primaire classique organisée par les partis politiques où tout est verrouillé, où ce sont les partis qui décident, et où ce ne sont que les acteurs politiques qui participent. La primaire populaire, c’est un mixte entre les deux. Parmi les candidats, il y aura des acteurs politiques de renom, et il y aura aussi des acteurs issus de la société civile, que les citoyens pourront faire émerger sur la plateforme au moment des parrainages.
Si on pense que c’est important de travailler avec les partis politiques, c’est qu’à un moment on veut qu’il y en ait qu’un seul. Et si on veut qu’il y en ait qu’un seul, il faut à la fois avoir un certain rapport de forces, un certain poids vis-à-vis d’eux, tout en évitant de faire un truc « citoyenniste » entre guillemets, où l’on n’est pas pris au sérieux et où on ne peut pas avoir d’impact. C’est vraiment ce nouvel équilibre que l’on essaie de construire.

On est très nombreux dans l’équipe à être inquiets, ou en colère, de voir un match déjà prévu à l’avance, Macron – Le Pen. On n’en veut pas. On a envie d’autre chose, et on a bien compris que pour y arriver, il fallait une candidature unique qui permettrait de passer le second tour, à la place d’Emmanuel Macron, ou à la place de Marine Le Pen. Et pour cela, il ne faut pas partir en ordre dispersé pour toutes celles et ceux qui sont pour l’écologie, pour la justice sociale, qui sont pour le renouveau démocratique.

Aujourd’hui, force est de constater que ce sont plutôt les acteurs de gauche et écologistes qui portent ces valeurs. Néanmoins, on a quelqu’un comme Arnaud Montebourg qui travaille aussi avec la droite, qui fait partie des acteurs politiques qui ont accepté le socle commun. On ne veut pas faire gagner la gauche pour faire gagner la gauche. On veut faire gagner des idées et des propositions. Donc nous on est ouvert à travailler avec tous les acteurs politiques qui sont prêts à incarner ce socle commun.


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