Centrales solaires, centrales hydroélectriques, parcs éoliens, unités de méthanisation ou réseaux de chaleur, le mouvement Énergie Partagée, lancé en 2010 avec le soutien de l’Ademe, a déjà participé à l’élaboration et au financement de près de trois cents projets d’énergie renouvelable citoyenne. Monter un projet près de chez soi ou devenir actionnaire permet de soutenir une démarche encore pleine d’avenir en France.
L’année 2021 s’est clôturée avec trois nouvelles difficiles à avaler concernant le secteur de l’énergie en France : Emmanuel Macron semble avoir la ferme intention de construire de nouveaux réacteurs nucléaires ; la précarité énergétique explose littéralement ; selon le baromètre annuel du médiateur national de l’énergie, 12 millions de Français déclarent avoir souffert du froid au cours de l’hiver 2021, soit 20 % de la population, 6 points de plus qu’en 2020; la plus grosse « délégation » présente à la COP26 de Glasgow début novembre n’était pas le Brésil ou la Turquie, comme on aurait pu le penser, mais le lobby des énergies fossiles (1) !
Un contexte maussade qui pourrait nous faire douter de l’assainissement du secteur, au moins sur le moyen terme. La ministre de la Transition écologique Barbara Pompili a fort heureusement annoncé lors des Assises des énergies renouvelables citoyennes à Nantes en novembre dernier « 10 mesures pour accélérer le développement des projets d’énergies renouvelables à gouvernance locale ». Une nouvelle encourageante. Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Main dans la main
L’idée est toute simple : se rassembler entre habitants, collectivités et acteurs des territoires et engager des projets de production d’énergie renouvelable ; en maîtriser le fonctionnement (donc la gouvernance, donc le financement) pour maximiser les retombées économiques, sociales, écologiques et démocratiques pour les territoires. En France, ce mouvement est celui de l’énergie citoyenne, initié avec la charte fondatrice Énergie Partagée (2) publiée en 2010. Sa mission ? Aider les citoyens – vous, moi, nous – à se regrouper au niveau local pour créer de l’énergie grâce au vent ou au soleil ; encourager ces petits groupes à s’étoffer, à collaborer avec les collectivités et les acteurs locaux, pour créer de la richesse à partir des toitures, des champs, des éoliennes ; créer une énergie plus propre, moins chère, territoriale et non spéculative, qui appartient à ceux qui la produisent et est consommée prioritairement sur place.
Parcs éoliens, toitures et fermes solaires, mais aussi unités de méthanisation, microcentrales hydrauliques, chaufferies bois : depuis 2010, ce sont près de 300 projets renouvelables qui ont été financés sur l’ensemble du territoire français dont 142 sont en fonctionnement pour environ 200 mégawatts en exploitation. En outre, 6 700 actionnaires citoyens ont rejoint le fonds, permettant de collecter 30 millions d’euros. Barbara Pompili a formulé comme objectif de « multiplier par cinq d’ici 2028 le nombre de projets citoyens sur notre territoire ».
L’appui financier d’Énergie Partagée est conditionné à la conformité du projet avec certaines valeurs et à sa solidité, évaluée par un réseau d’experts. L’association examine la démarche d’animation territoriale, le mode de gouvernance, la production d’énergie et la rentabilité. L’argent placé par les citoyens est utilisé pour accompagner les porteurs de projets à réunir des fonds propres et ainsi obtenir les financements bancaires ; cela permet aussi aux citoyens de participer à la gouvernance du projet, main dans la main avec Énergie Partagée.
Passer des vaches aux éoliennes
Les projets financés sont très divers, et parfois portés par les citoyens eux-mêmes. Pour qu’un projet soit citoyen, il faut que le territoire soit majoritaire dans les décisions et que les habitants soient présents ou représentés (collectif local Énergie Partagée…). D’où de nombreuses formules possibles entre les citoyens, les collectivités et les acteurs privés, locaux ou non, selon les particularités locales. À Saint-Georges-des-Gardes (Maine-et-Loire), un groupe d’agriculteurs a ainsi mobilisé 380 personnes pour accélérer la transition énergétique de leur terroir. « Comment on passe de traire les vaches à installer des éoliennes ? demande François Girard, initiateur du projet baptisé La Jacterie. En 2010, on a appris qu’il y avait un projet éolien sur notre territoire. Alors on a dit : “D’accord, on accepte des éoliennes chez nous, à condition qu’on en soit propriétaires et qu’on profite des retombées.” Cinq éoliennes plus tard, l’association qu’il préside, Atout Vent, a déjà inspiré trois autres parcs éoliens citoyens dans la région.
À Lucinges, en Haute-Savoie, le tout premier réseau de chaleur communal cofinancé par les citoyens alimente plusieurs bâtiments publics et privés. Depuis, le modèle ForestEner a essaimé dans la région : « On a remplacé des chaudières fioul et propane vieillissantes par une production centralisée de chaleur à partir du bois fourni par une entreprise forestière du coin, explique Yves Dieulesaint, conseiller municipal à l’énergie et initiateur du projet. Désormais, nos dépenses en énergie réchauffent aussi l’économie du territoire ! »
Du lisier pour éclairer
À Préchacq-Navarrenx, dans les Pyrénées-Atlantiques, seize agriculteurs et éleveurs mettent en commun leurs fumiers pour réduire le recours aux intrants chimiques et produire du biogaz, injecté dans le réseau et consommé dans un rayon de 20 kilomètres. Le méthaniseur transforme également des déchets de fruits et légumes et tontes de pelouses. « Dans un seul litre de lisier, il y a de quoi éclairer une pièce pendant une bonne heure ! estime Thierry Aurisset, co-initiateur de Méthalayou. Et le digestat produit est ensuite enfoui ou épandu sur les cultures, quand les plantes en ont besoin, ce qui permet de bien mieux utiliser les éléments fertilisants et de réduire les engrais chimiques. »
De la toute première toiture solaire en Rhône-Alpes en 2010 aux parcs éoliens dans les Mauges (Maine-et-Loire), actuellement en construction, les investissements racontent une nouvelle histoire de l’énergie – plus locale, plus collective, mieux maîtrisée –, et produisent une électricité 100 % renouvelable au bénéfice des territoires. En coopérant, en se regroupant, il est donc possible de reprendre le contrôle sur la production d’énergie, mais on peut faire encore mieux. À nous de jouer !
Notes :
(1). L’ONG Global Fitness a scruté la liste des 40 000 personnes accréditées : pas moins de 503 participants avaient des intérêts liés aux énergies fossiles, soit plus que n’importe quelle délégation nationale présente.
(2). Rédigée par les fondateurs de l’association, la charte a présidé à la fondation de l’association et la création de l’outil d’investissement.
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