Après avoir tenté de « réduire leur impact », certaines entreprises passent à l’étape suivante : restaurer les écosystèmes, revaloriser les sols et réenchanter les territoires. Une nouvelle économie est-elle en train de naître ?
Un changement de cap nécessaire
Depuis les années 2000, les initiatives pour « réduire l’impact environnemental » des activités humaines se sont multipliées. Éco-conception, compensation carbone, neutralité climatique… Des concepts utiles, mais souvent limités à une logique de réparation a posteriori. Face à l’ampleur des crises écologiques, climatiques et sociales, une nouvelle approche émerge : l’économie régénérative. Son objectif n’est plus simplement de « faire moins mal », mais de faire du bien, en s’inspirant du vivant pour restaurer les écosystèmes, les communautés et les territoires.
S’inspirer du vivant, recréer des cycles
L’économie régénérative ne propose pas de solutions « toutes faites ». Elle s’appuie sur une vision systémique : les entreprises, les organisations et les citoyens sont vus comme faisant partie d’un grand tout. Inspirée du biomimétisme, de la permaculture ou encore des savoirs ancestraux autochtones, elle cherche à restaurer les équilibres naturels plutôt qu’à les dominer.
Cela implique de repenser les modes de production, de gouvernance, mais aussi notre rapport au temps, au territoire et au vivant. Dans une logique régénérative, un projet ne se juge pas seulement à sa rentabilité économique, mais à sa capacité à rendre un lieu, une communauté ou un sol plus fertile qu’il ne l’était avant.
Des initiatives concrètes, en France et ailleurs
Le mouvement est encore jeune, mais des pionniers montrent déjà la voie :
🌾 En agriculture : régénérer les sols pour nourrir le vivant
Des agriculteurs comme Fabrice Desjours (Le Bec Hellouin) ou des collectifs comme Ver de Terre Production accompagnent la transition vers une agriculture qui ne se contente pas de préserver les sols, mais qui les régénère activement : couverture permanente, cultures associées, agroforesterie, non-travail du sol… Résultat : une meilleure biodiversité, une séquestration naturelle du carbone, et des rendements durables.
🧵 Dans la mode : produire localement et restaurer les paysages
La marque française Loom s’est récemment associée à des producteurs de lin bio pour relocaliser toute une filière en Normandie. Au lieu d’importer du coton cultivé avec d’énormes quantités d’eau et de pesticides, elle participe à une agriculture régénérative locale, à faible impact, qui redynamise les sols et les savoir-faire.
🌳 Dans la reforestation : réparer sans artificialiser
Des projets comme ceux de Boomforest ou Life Terra privilégient des plantations diversifiées, ancrées dans les écosystèmes locaux, plutôt que les vastes monocultures de résineux souvent proposées dans des logiques de compensation carbone. Le but : restaurer la biodiversité plutôt que de simplement verdir les bilans comptables.
Une nouvelle boussole pour les entreprises
De plus en plus d’entrepreneurs, de coopératives, mais aussi de grands groupes prennent conscience que les approches « neutres » ne suffisent plus. L’économie régénérative invite à repenser profondément le rôle des entreprises dans la société.
Cela passe par :
- une gouvernance distribuée et inclusive ;
- des modèles économiques circulaires ;
- une connexion au territoire et aux enjeux locaux ;
- une vision à long terme, au-delà des simples indicateurs financiers.
Certaines organisations, comme la Fédération des Acteurs de l’Économie Régénérative ou Regenerative Alliance, proposent désormais des cadres, des formations et des accompagnements pour amorcer ce virage.
Réparer le monde : une utopie réaliste ?
Ce changement de paradigme est encore minoritaire, mais il se diffuse rapidement, notamment chez les jeunes générations d’entrepreneurs, de designers, d’agriculteurs ou d’enseignants. Plus qu’une mode, l’économie régénérative incarne une nouvelle manière d’habiter le monde, de produire et de vivre ensemble.
Et si, au lieu de chercher à faire « moins mal », nous cherchions à faire du bien ? À rendre nos territoires plus fertiles, nos entreprises plus humaines, nos sols plus vivants, nos forêts plus résilientes ? C’est tout le pari — ambitieux, mais vital — de l’économie régénérative.