Les polluants éternels, ou PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), suscitent de plus en plus de préoccupations sanitaires et environnementales. Utilisés massivement depuis les années 1940 pour leurs propriétés exceptionnelles, ces composés se retrouvent aujourd’hui au centre d’une controverse mondiale. Le 4 avril prochain, l’Assemblée nationale examinera une proposition de loi écologiste visant à restreindre leur utilisation en France. Retour sur l’histoire, les enjeux et les conséquences de ces polluants indestructibles.
Des molécules invisibles mais omniprésentes
Inventés pour un usage militaire avant d’être massivement intégrés dans l’industrie civile, les PFAS regroupent près de 12 000 molécules aux propriétés remarquables : antiadhésion, résistance à la chaleur et imperméabilité. Du revêtement des poêles antiadhésives aux textiles imperméabilisés, en passant par les mousses anti-incendie, ces substances sont devenues incontournables dans notre vie quotidienne.
Pourtant, leur stabilité chimique, si utile à l’industrie, représente un véritable cauchemar écologique : elles se dégradent extrêmement lentement et s’accumulent dans l’air, le sol, l’eau et les organismes vivants. Une étude française menée entre 2014 et 2016 a révélé que 100 % des personnes testées étaient contaminées par au moins deux PFAS.
Un cadre réglementaire insuffisant
Malgré les alertes scientifiques, la réglementation reste lacunaire. En Europe, seuls une vingtaine de PFAS sont actuellement visés par des limites de concentration dans l’eau potable, bien en deçà des normes plus strictes appliquées en Amérique du Nord. L’évaluation coût-avantages est également édifiée : selon une étude de 2023, éliminer ces polluants des eaux usées coûterait près de 240 milliards d’euros à l’Union européenne.
Certains progrès notables existent toutefois. La Convention de Stockholm a déjà interdit plusieurs PFAS, comme le PFOS et le PFOA. En France, la proposition de loi défendue par le député écologiste Nicolas Thierry pourrait marquer un tournant en interdisant progressivement ces substances sur le territoire.
Quels risques pour la santé humaine ?
Les PFAS, classés comme perturbateurs endocriniens, sont associés à de graves conséquences sanitaires : maladies du foie, troubles immunitaires, problèmes de fertilité et mêmes cancers. En 2023, le Centre international de recherche sur le cancer a déclaré le PFOA « cancérogène pour les humains ». L’impact économique de ces atteintes à la santé publique est estimé entre 52 et 84 milliards d’euros par an en Europe.
Une contamination systématique
Une récente enquête menée par UFC-Que Choisir et l’ONG Générations Futures révèle que l’acide trifluoroacétique, un PFAS particulièrement tenace, est présent dans l’eau potable de 24 communes sur 30 en France. Avec des concentrations record atteignant 13 000 nanogrammes par litre dans certaines zones, comme à Moussac (Gard), ces chiffres soulèvent des questions sur l’adéquation des seuils réglementaires actuels.
Vers un futur sans PFAS ?
Face à l’ampleur de la contamination, plusieurs pays européens, soutenus par des ONG et des scientifiques, militent pour une interdiction globale des PFAS. La France, par l’intermédiaire de sa proposition de loi, pourrait rejoindre cette dynamique et amorcer une transition vers des alternatives plus saines et durables.
Mais l’éradication complète des PFAS n’est pas pour demain. En attendant, une vigilance accrue s’impose pour limiter les sources d’exposition et protéger les générations futures. Le combat contre ces « polluants éternels » est loin d’être terminé, mais la mobilisation collective laisse entrevoir l’espoir d’un environnement plus sain.