Pratiquons la politique en actes
Début février, les lecteurs de Kaizen réagissaient sur Facebook et interrogeaient Pierre Rabhi sur le thème des élections municipales. Pierre Rabhi réagit sur ce sujet brûlant, sous un autre angle.
Fabien, Sophie, Françoise : Quelles mesures inspirées du programme des Colibris une municipalité pourrait-elle mettre en place, dans le cadre de ses compétences (eau, logement, préservation de l’environnement, etc.) ?
Il est évident que l’urbanisation à outrance est la cause d’un déséquilibre ville-campagne qui a déjà, et aura de plus en plus, de graves conséquences pour l’avenir. Le message du mouvement Colibris, mis à l’épreuve des faits, suscite des rassemblements fondés sur des valeurs partagées de femmes et d’hommes en quête d’un art de vivre ensemble solidaire. Les municipalités pourraient, quand cela est réalisable, soutenir ces aspirations par des dispositifs fonciers en particulier. À partir d’un cahier des charges spécifique, elles pourraient aider à l’éclosion et à la multiplication des Oasis que nous préconisons depuis longtemps. Cela permettrait le délestage des villes surpeuplées, en partant d’un programme maîtrisé, pour éviter l’anarchie que risque de produire l’impasse sociale que l’inévitable croissance de la précarité risque de provoquer. Le Hameau des Buis est un des prototypes, perfectible, mais qui a l’avantage d’être exemplaire. Redéployer la vie sur l’espace rural me semble incontournable.
Fabien, Sophie, Françoise : Que pourrait-on intégrer pour présenter une liste ?
Présenter une liste nécessite de définir les critères qu’elle veut faire valoir dans le contexte général de l’échéance politique. Nous pouvons faire de cette occasion une opportunité pour faire entendre les aspirations que nous avons, souvent considérées comme marginales, alors qu’elles sont actuelles, concrètes et, sur bien des aspects, à caractère universel. Ce sont des préoccupations qui devraient rassembler, et non pas diviser en listes et en partis.
Fanfan : Je me présente dans un village de 490 habitants : par où commencer pour un monde plus solidaire, moins artificiel, alors que les habitants continuent de brûler des plastiques dans leurs cours ?
Se présenter comme candidat à une échéance politique nécessite de révéler les intentions que l’on a si l’on est élu. La sensibilisation des électeurs potentiels par des explications aussi claires que possible me semble la première action à mener. Il faut faire de la pédagogie, un travail patient et respectueux d’éveilleur de conscience, en concertation avec les citoyens concernés.
Elise, Marie-Lys : Être un Colibris engagé pour son territoire, sur le plan associatif et citoyen, est-il compatible avec une candidature à des élections ?
L’organisation Colibris refuse catégoriquement toute coloration politique. Cela la préserve de la division. De plus, nous pratiquons la politique en actes, et non pas la politique politicienne. Néanmoins, Colibris n’a pas à dicter la conduite de ses adhérents sur le plan de leurs engagements personnels. Selon la Charte du mouvement Colibris, tout amalgame doit être évité.
Elise, Marie-lys : Lorsque l’on voit que les personnes les plus militantes sont des personnes non engagées politiquement, le candidat à une élection même municipale n’est-il pas l’antonyme du militant?
On ne peut savoir ce qui anime et motive en conscience un candidat à une élection. Sans faire de généralités, car il peut y avoir des individus qui échappent à cette description, il semble que l’ambition personnelle et la lutte partisane soient dominantes dans le champ politique. Le souci véritable du bien-être de la collectivité est probablement présent chez certains candidats. Difficile de distinguer le vrai engagement, l’altruisme véritable, du simulacre de la générosité. Il appartient aux électeurs d’être clairvoyants dans leur choix. Il appartient au candidat, en son âme et conscience, de n’être pas l’antonyme du militant.
Troc services : Et si notre petite commune n’a plus de maire ?
L’absence d’un maire dans une commune, faute de candidat, serait sans doute une opportunité pour une gouvernance différente de la gouvernance conventionnelle. Il est probable que cette carence puisse être source d’une réflexion collégiale originale. Par les enjeux collectifs qu’elle implique, il est possible que la commune soit le lieu où une démocratisation vraiment participative puisse s’exercer. Une communauté humaine circonscrite et limitée devrait être favorable à une meilleure concertation dans l’intérêt du plus grand nombre. Cela s’appelle « s’occuper de ses oignons », et c’est la meilleure définition de la démocratie.
William, Fabrice : Faut-il encore aller voter ?
S’abstenir de voter ou bien voter est une affaire personnelle. Il appartient à la citoyenne et au citoyen d’en décider selon ce que leur inspire la situation et selon leur libre arbitre.