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mercredi 16 avril 2025
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Un selfie dans l’espace, une claque pour la Terre

LE VOL SPATIAL DE KATY PERRY

Rêves en orbite, planète en chute : le paradoxe du tourisme spatial ou l’apesanteur des responsabilités

Ce 14 avril 2025, la chanteuse américaine Katy Perry a effectué un vol suborbital à bord de la capsule New Shepard, propulsée par Blue Origin. Un exploit médiatique, un rêve d’enfant réalisé. Mais derrière l’image scintillante d’une star flottant en apesanteur, une question s’impose : peut-on encore célébrer ce genre de prouesse sans s’interroger sur son sens, son impact, sa légitimité écologique ?

UNE CÉLÉBRATION MÉDIATIQUE AU GOÛT D’ÉCHAPATOIRE

Le récit était soigneusement orchestré : six femmes à bord, un vol symbolique pour l’égalité, de l’émotion à l’atterrissage. Katy Perry, sincèrement émue, a dédié cette expérience à sa fille, emportant une marguerite dans l’espace comme un talisman.

Mais aussi sincère soit la démarche personnelle, elle s’inscrit dans un cadre industriel et idéologique bien plus problématique : celui du tourisme spatial. Une industrie en plein essor, soutenue par les plus grandes fortunes de la planète, qui vend à prix d’or l’illusion d’un nouveau rêve d’évasion… pendant que notre propre monde se fissure.

L’IMPENSÉ ENVIRONNEMENTAL D’UN LUXE ORBITAL

Un vol de quelques minutes au-delà de la ligne de Kármán consomme autant de carburant qu’un vol commercial long-courrier. Des tonnes de gaz éjectés dans les couches les plus sensibles de l’atmosphère, avec un impact direct sur le réchauffement global et la dégradation de la couche d’ozone. Le tout pour quelques instants de contemplation stérile.

Dans une époque marquée par l’urgence climatique, où chaque gramme de CO₂ compte, ce type de projet ne peut plus être présenté comme neutre ou anodin. Le message qu’il envoie est clair : l’accès aux étoiles devient un privilège, pendant que la Terre brûle.

UN MODÈLE DE DÉVELOPPEMENT À INTERROGER

Il ne s’agit pas d’accabler Katy Perry, qui s’est probablement inscrite dans ce vol avec sincérité, curiosité, peut-être naïveté. Mais le symbole est là, et il est puissant : des stars dans l’espace, pendant que des millions d’êtres humains survivent dans des conditions précaires, déplacés par des sécheresses, des inondations, des guerres climatiques.

Ce n’est pas tant le rêve spatial qu’il faut abandonner, que le modèle socio-économique qui le sous-tend. Un modèle où l’on investit des milliards pour quelques minutes d’apesanteur, alors que les écoles manquent de moyens, les hôpitaux de personnel et les pays du Sud de tout.

FAUT-IL REVOIR NOTRE IDÉE DU PROGRÈS ?

Explorer, découvrir, repousser les limites : voilà des ambitions nobles. Mais aujourd’hui, la véritable frontière à franchir est celle de la sobriété, du partage, de la résilience. Le progrès ne peut plus se définir par la hauteur qu’on atteint, mais par la profondeur de notre engagement sur Terre.

Et si l’on veut rêver grand, rêvons de forêts replantées, de villes apaisées, d’aliments produits sans détruire les sols, d’une économie qui respecte les vivants. L’espace n’a pas besoin de nous. La Terre, si.

POUR UNE ÉTHIQUE DU SPECTACLE

L’époque exige de repenser nos imaginaires. Les shows technologiques comme ceux de Blue Origin, même s’ils font vibrer les réseaux, doivent être soumis au même filtre critique que tout projet à forte empreinte écologique.

Ne confondons pas émotion individuelle et justification collective. Le rêve d’un·e artiste ne doit pas devenir la vitrine d’un modèle industriel non viable. Aujourd’hui, chaque symbole compte. Et celui-ci, aussi beau soit-il dans les étoiles, pèse lourd sur notre avenir terrestre.

À nous, désormais, de rediriger nos rêves. Non plus vers les hauteurs de l’espace, mais vers les profondeurs de la transition.

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