Une migration extraordinaire
Les baleines à bosse, reconnues pour leurs incroyables migrations saisonnières, viennent de dévoiler un nouveau mystère fascinant : un mâle adulte a été observé sur deux aires de reproduction distinctes, séparées par une distance record de 13 046 km, reliant le Pacifique Est (Colombie) et l’océan Indien Sud-Ouest (Zanzibar). Ce mouvement longitudinal, rare pour cette espèce, pourrait témoigner de leur plasticité comportementale face aux changements environnementaux globaux. Une découverte des chercheurs de la Royal Society .
Un voyage exceptionnel entre deux bassins océaniques
Habituellement, les migrations des baleines à bosse (Megaptera novaeangliae) s’effectuent entre leurs zones de nourrissage polaires et leurs aires de reproduction tropicales, suivant des routes établies et stables. Cependant, cette nouvelle étude, publiée en décembre 2024, révèle le cas d’un individu capable de naviguer entre des zones de reproduction situées dans deux bassins océaniques distincts : le stock G (Pacifique Est) et le stock C (océan Indien Sud-Ouest). Ces deux zones sont séparées par 120° de longitude, un fait jamais documenté auparavant.
L’individu en question a été identifié grâce à la plateforme collaborative Happywhale, qui regroupe des milliers de photos d’identification prises par des chercheurs et des citoyens du monde entier. Photographié pour la première fois en 2013 au large de la Colombie, ce même mâle a été revu en 2022 à Zanzibar, confirmant une migration inédite et d’une ampleur sans précédent.
Des comportements migratoires hors normes
La migration des baleines à bosse est traditionnellement associée à une fidélité marquée aux sites de reproduction et de nourrissage. Cependant, des cas rares de déplacements interocéaniques avaient déjà été documentés, notamment entre le Brésil et Madagascar ou entre le Pacifique Nord et l’Atlantique Nord. Ces mouvements sont souvent motivés par des stratégies de reproduction, particulièrement chez les mâles, qui cherchent à maximiser leurs opportunités de reproduction.
Dans le cas étudié, la distance record franchie suggère un comportement atypique. Les chercheurs avancent plusieurs hypothèses, notamment des stratégies adaptatives face aux perturbations climatiques, comme des variations de la distribution du krill dans l’océan Austral, ou des opportunités nouvelles offertes par des conditions environnementales changeantes.
Implications pour la conservation
Cette découverte souligne l’importance des collaborations internationales et des plateformes comme Happywhale pour étudier les déplacements des grands mammifères marins. Elle met également en lumière la nécessité d’une approche globale dans la gestion et la conservation des espèces migratrices. Les données collectées pourraient permettre de mieux comprendre comment les baleines à bosse s’adaptent aux pressions croissantes de la dégradation de leurs habitats et des changements climatiques.
La migration spectaculaire de cette baleine rappelle que l’océan est un espace fluide, où les frontières écologiques sont plus poreuses qu’on ne le pense. Alors que les pressions sur les écosystèmes marins augmentent, ce type d’étude est nécessaire pour mieux protéger ces géants marins dans un monde en pleine mutation.
En repoussant les limites connues de leurs capacités migratoires, les baleines à bosse révèlent non seulement leur résilience, mais aussi leur rôle clé en tant qu’indicateurs de la santé des océans.