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dimanche 24 novembre 2024
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Quête de sens et d’autonomie : « Je voulais être moi-même sans avoir de comptes à rendre »

En 2019, déçu par ses études, Vivien Roulin arrête son master et décide de changer de vie : il met de l’argent de côté et achète une ferme dans le but de la rénover. Il se lance dans la permaculture, tend vers l’autonomie et veut planter une forêt comestible. Son quotidien est suivi sur TikTok par près de 90 000 personnes. Portrait.

À 29 ans, Vivien Roulin est propriétaire depuis 2021 d’une ferme et d’un terrain d’1,7 hectares, situés à 45 minutes de Rennes. Il partage son quotidien sur les réseaux sociaux, Instagram et TikTok, suivi par des milliers de personnes.

En arrivant sur son terrain, on découvre un joli corps de ferme aux pierres apparentes dans un état qui n’a presque pas changé depuis 80 ans. Pour rénover les lieux, Vivien entrepose les différents objets qu’il récupère au fur et mesure des travaux sur un terrain verdoyant, arboré et fleuri.

Après un début de master 2 en information-communication à l’Université Rennes-2, Vivien a fait face à une fausse promesse de stage. Cette mauvaise expérience le convainc d’arrêter ses études et d’acheter cette propriété qu’il doit rénover entièrement. Le monde de l’entreprise n’est pas fait pour lui. Ce choix de changer de vie a été naturel et libérateur, confie-t-il : « Je voulais être moi-même sans avoir de comptes à rendre. » Même si cette déception fut un déclic, il avait nourri inconsciemment ce projet depuis l’enfance.

Si une partie de sa famille travaille dans l’agriculture conventionnelle, ses grands-parents ont toujours eu un potager, et depuis tout jeune Vivien a les mains dans la terre. Divers reportages sur l’agrochimie, les emballages, le plastique ont également forgé en lui une réceptivité à l’urgence climatique. « On ne se construit pas tout seul », souligne-t-il.

En sortant de ce qui devait être sa première journée de stage, Vivien décide ainsi d’arrêter ses études, regarde le vélo sur lequel il était venu et commence à préparer sa transition :  « J’aime le vélo ; je me suis dit pourquoi ne pas s’en servir comme outil de travail ? ». C’est décidé : il commence alors à mettre de l’argent de côté en livrant des repas. Il travaille pour Uber Eats ou Deliveroo car  « c’est accessible et en plus il n’y a pas de patron sur ton dos », précise-t-il. Au début, content de travailler au financement de son projet, il pédale près de 70 heures par semaine pour ne dégager à la fin du mois qu’un SMIC. Cette situation précaire s’améliore pendant le confinement en bénéficiant d’aides de l’Etat. Avant de développer par la suite des techniques pour optimiser ses courses et ses recettes.

Après un an d’économies et avec un prêt de 20 000 euros de ses parents, il achète son terrain et sa maison pour 50 000 euros. À l’heure actuelle, le financement de sa rénovation se réparti en trois sources de revenus, variant d’un mois à l’autre : 1/3 provenant des livraisons de repas, 1/3 d’aides diverses de l’Etat comme la prime d’activité, 1/3 de vente de semences de son jardin et des revenus du contenu sur les réseaux sociaux.

Partager son quotidien sur ces réseaux sociaux (Instagram et TikTok), est une manière de laisser une trace pour lui-même et pour les autres, tout en gardant du lien avec ses proches, ami·e·s et famille. L’idée est à la fois de transmettre les savoirs et techniques de permaculture et d’agroécologie qu’il applique et expérimente.  Des méthodes apprises  grâce à des nombreuses vidéos YouTube qu’il a visionnées sur le sujet.

Le projet d’une vie

En se lançant dans un projet de si grande ampleur seul, Vivien y consacre toute sa vie. À très court terme, son principal objectif est d’avoir une chambre isolée pour cet hiver. Bien sûr, l’isolation aussi est faite de récup’ : des morceaux de palettes et de la terre-paille. En plus d’être économique, cette technique est aussi écologique. « Je souhaite aussi d’ici un an, commencer la construction d’une pépinière dans le but de l’ouvrir plus tard au public et de développer cette activité », ajoute-t-il. À moyen terme, d’ici cinq ans, il espère avoir terminé la rénovation du rez-de-chaussée et avoir retapé le toit. Pour ce dernier point, la tâche s’avère plus compliquée car la toiture est en amiante.  Il envisage également d’accueillir des woofers, solution qui lui apporterait beaucoup d’aide dans sa rénovation et son potager.

Mais Vivien pense aussi au très long terme puisque, comme il dit : « Je prépare ma retraite ». Il ne l’envisage pas financièrement mais voit son projet d’autonomie (électrique et alimentaire) comme un placement sûr pour l’avenir. Il a déjà commencé à planter des arbres, la plupart fruitiers qui constitueront dans plusieurs décennies une forêt comestible. Dans trente ans, avec son potager et sa maison autonome, il aura sa retraite et plus aucune facture ou presque et de quoi manger.

Cultiver la terre mais aussi son corps

Les pommes de terre ramassées sous paillage ©Dimitri Mouflard

Pour son potager et même pour ses massifs, Vivien pratique la permaculture. Cela lui paraissait évident de travailler avec la nature — et non contre — et sur sol vivant. Cette pratique, en plus de favoriser la biodiversité a de nombreux avantages. Le travail du sol est quasiment inexistant, le désherbage manuel est simplifié et les arrosages espacés voire évités. Pour sa part, malgré l’épisode de sécheresse de cet été, il n’a pas arrosé. Évidemment la production est moins bonne qu’avec un léger arrosage mais reste très satisfaisante. Il pratique également le compostage de surface : pas besoin d’entretenir une zone dédiée qu’il faudra déplacer chaque année. « Ce n’est pas très esthétique », s’amuse-t-il mais très efficace.

Les semis aussi sont simplifiés. Il sème par exemple les radis directement sous le paillage et plante les pommes de terre de la même manière. La terre n’est jamais retournée en profondeur et sa qualité est préservée.

Son mode de vie est très rythmé et il s’impose une discipline quotidienne : 30 minutes d’exercices dont 10 minutes de travail sur sa proprioception : souvent appelé « sixième sens », celui-ci porte sur l’équilibre et la position dans l’espace. Cet éveil tant musculaire que sensible s’accompagne de kéfir, qu’il réalise lui-même.

De la récup’, jusque dans les cimetières

Des plantes trouvées dans les poubelles des cimetières ©Dimitri Mouflard

Avec un budget limité, la récup’ est une source indispensable pour Vivien : les dons matériels d’abonné·e·s et des proches, les achats à très bas prix sur Leboncoin ou encore les poubelles. Pas de poubelles classiques mais des poubelles des magasins de bricolage dans les zones d’activité — où il trouve du bois, des palettes, du parquet — et celles des cimetières où il sauve des plantes en mauvais état qui peuvent agrémenter ses massifs. Cette volonté de récupération et de recyclage, en plus d’être économique, est très écologique. Il donne plusieurs vies à ces objets. Il utilise par exemple des boîtes de café en métal ou des pots de yaourt pour ses semis, une bouteille de lait percée comme arrosoir. Grâce à la récup’, il construit aussi son autonomie en récupérant des panneaux solaires et des batteries encore en très bon état de fonctionnement à des prix dérisoires.

À bientôt 30 ans, Vivien Roulin a fait le choix de changer de vie. Plus proche de ses convictions et plus proche de lui-même, il développe son projet en envisageant plus sereinement son avenir.

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