Lutte contre la souffrance animale, contre la destruction des écosystèmes marins, contre les inégalités sociales… Emma Fourreau, 22 ans, ex-candidate Nupes aux législatives 2022 dans le Calvados, est sur tous les fronts. Une ténacité militante qu’elle puise dans les conséquences d’un système capitaliste à bout de souffle. Portrait d’une activiste infatigable.
«Moi, c’est tout ou rien !», prévient d’emblée Emma Fourreau. Force est de constater que l’ex-candidate Nupes, passée à un cheveu de la victoire des législatives le 19 juin dernier dans la première circonscription du Calvados, a su se démarquer par son engagement sans faille. Si 200 voix de plus lui auraient été nécessaires pour franchir les portes de l’hémicycle, ce ne sont certainement pas les épaules ni la pugnacité qui ont manqué, aussi bien sur le terrain que sur les plateaux télé. N’en déplaisent à certains, effrayés par un profil inédit : une jeune femme de 22 ans, étudiante, présente sur tous les fronts, qu’il soit écologique ou social.
Fidèle à elle-même, c’est à pied, sac à dos vissé aux épaules qu’elle a mené sa campagne, balayant d’un revers de main l’idée que l’on se fait d’une politique. «Ça va être difficile», avait pourtant tenté d’avertir une candidate issue de la droite. Pas de quoi décourager Emma Fourreau pour qui le militantisme, à mille lieues d’être «une activité dominicale», est devenu un vrai mode de vie, résultat de ses cinq années d’engagement au sein de la France Insoumise.
«Il y a une présomption d’incompétence», regrette-t-elle pourtant, trop souvent ramenée à son physique ou à son âge. En témoignent des réflexions entendues lors des tractages et sitôt ignorées, ou encore une caricature sexiste, œuvre «assez ignoble» d’un dessinateur normand qui l’a dépeint tout en décolleté et poitrine plantureuse, faisant appel au cliché de la blonde «hypersexualisée». Sa crédibilité, la jeune femme l’a donc conquise au gré de ses interventions médiatiques toujours réussies, des sessions porte-à-porte par dizaines et de la force de ses convictions politiques.
Du Calvados au Palais Bourbon
À défaut d’être députée, celle qui est à la fois militante insoumise et bénévole à L214, a été embauchée en tant que collaboratrice parlementaire auprès d’Anne Stambach-Terrenoir, élue Nupes de la deuxième circonscription de Haute-Garonne. La voilà donc à recroiser inopinément son adversaire Renaissance, Fabrice Le Vigoureux, dans les bureaux de l’Assemblée Nationale. Communication sur les réseaux sociaux, rédaction des questions écrites au gouvernement, relations presse… Une double, voire triple casquette qui lui permet d’être «à la fois l’ombre d’une députée», et d’avoir «[ses] propres activités en tant que militante».
C’est lors de l’élaboration du programme du parti que les deux femmes se sont rencontrées, en 2022, alors chargées de construire de nouvelles propositions quant à la condition animale. Car c’est bien là «le fil rouge de [sa] vie». Depuis toute petite, Emma Fourreau se bat pour les animaux. Indignée par le sort des cochons d’Inde dans les animaleries, elle crée une chaîne YouTube, âgée de 13 ans à peine, pour y faire de la pédagogie munie d’un petit caméscope. Des vidéos qui lui esquissent aujourd’hui un sourire gêné : «J’assume qu’à moitié» s’amuse-t-elle. Dans la foulée, elle fonde une junior association (association pour les moins de 18 ans aux procédures simplifiées, ndlr) pour prendre en charge les animaux de compagnie maltraités et les faire adopter. Face à l’élevage intensif et à la réalité des abattoirs, elle délaisse la viande, devient végétarienne puis végane, faisant fi de l’inquiétude de sa famille. Le temps de quelques mois, elle intègre l’organisation Sea Shepherd au Portugal en tant que bénévole, puis écrit pour le média Le Vent Se Lève…
Un parcours militant plus que riche qui la conduit à rencontrer Iris Domain, avec qui elle fonde l’association Sang Océan en 2019. L’objectif ? Lutter pour la préservation des écosystèmes marins, «un angle mort de toutes les discussions» selon la jeune femme. «Quand on parle climat, on parle des forêts, de l’Amazonie… Et l’océan, rien, alors que c’est le plus grand puits de carbone de la planète» poursuit-elle. Le ton grave et la voix assombrie, elle énumère : la canicule marine et les 6,5 degrés au-dessus de la normale, les coraux tués, la migration des poissons, les carcasses des dauphins, la captivité… Et rappelle l’urgence de passer à l’action.
Force collective
Sa combativité, Emma Fourreau la tient peut être de sa mère, autrefois militante au Parti social-démocrate travailliste suédois. Ou de son père, écolo convaincu qui lui transmet les bons gestes. «Pour autant, il ne m’a jamais dit : “C’est le grand capital qui détruit la planète !”», modère-t-elle d’un air entendu. À l’écouter, on comprend que c’est avant tout de la force collective dont elle s’abreuve. Des «camarades» qu’elle admire et qui l’inspirent au quotidien. Des rencontres faites lors des porte-à-porte, entre les récits-fleuves de personnes âgées isolées et les questions de familles précaires pétries d’angoisses, de colère et parfois de honte. Toujours avec la volonté de «les raccrocher à la démocratie», elle écoute, répond, prend le temps.
Quel chemin parcouru, depuis le temps où la militante, qui débutait alors dans les rangs insoumis, rusait de stratagèmes pour ne pas avoir à s’exprimer lors des réunions. «Vu que je n’osais absolument pas prendre la parole, je me chargeais tout le temps de faire le compte rendu : tu n’es pas obligée de participer, tu écris juste ce que tout le monde dit», se souvient la jeune femme. C’est la France Insoumise qui l’a aidée à prendre confiance en elle, à coup d’encouragements, média training et autres cours de prise de parole animés par l’actrice Sophie de La Rochefoucauld. Pour autant, là n’est pas la question pour celle qui n’était «pas très à l’aise avec le fait d’être candidate». «Le sujet, c’est le programme», objecte-t-elle.
Sur l’avenir, Emma Fourreau ne s’avance pas. Question de réalisme climatique, ou de réserve sociale : «Il y a un prix à l’espoir, quand il est déçu ça fait encore plus mal». Sa tasse de café froid dans les mains, elle insiste sur les trois ans qu’il nous reste pour agir, allusion aux dernières conclusions du GIEC, et sur le temps qui va irréfutablement manquer. Elle est catégorique, seules restent deux solutions : la dissolution, ou la révolution dans la rue. En attendant, elle continue de sillonner la France avec les militants insoumis à l’occasion des «Caravanes Populaires». Avec une humilité qui force le respect.