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samedi 23 novembre 2024
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Green Deal européen : l’Espagne soutient la transition verte

Depuis le début de la crise sanitaire, l’Espagne fait partie d’un groupe de pays qui pousse à mettre la transition écologique au centre des plans de reconstructions de l’Union européenne. Face à eux, d’autres rêvent de se libérer de toute politique environnementale. Mais la crise ouvre aussi l’opportunité d’accélérer la transition. Une lutte menée en ce moment même, dans laquelle les citoyens peuvent faire la différence.

« Faites du plan de relance un ‘Green Deal’. » En apposant son sceau au pied de cet appel, l’Espagne entrait dans la section qui montait au créneau pour défendre le “pacte vert” de l’Union européenne (UE), le 9 avril 2020. Le Coivd-19 faisait alors monter la fièvre en Europe. Les mesures de confinement avaient mis l’économie à l’arrêt et les institutions en panique. Lobbies et États réticents au changement en ont profité pour lancer l’assaut contre les politiques environnementales ambitieuses en gestation dans l’Union européenne (UE). Face à eux, un groupe de dix pays (Espagne, Autriche, Danemark, Finlande, Italie, Lettonie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal et Suède) s’est lancé dans la bataille de ceux qui souhaitent mettre la transition écologique au centre de toute politique de reconstruction.

Si le 27 mai dernier, la Commission européenne (CE) venait d’ébaucher les grandes lignes d’un plan de relance, affirmant que « le pacte vert (…) est la stratégie de croissance de l’Europe », le bras de fer se poursuit pour rehausser l’ambition.

« Ces annonces représentent un effort (…) pour tenir [la] promesse de faire du Green Deal le “moteur“ de la relance économique. Malheureusement, il manque toujours la moitié du moteur », réagissait Ester Asin, présidente du bureau des politiques Européennes de l’ONG WWF.

Des investissements verts

Baptisée “Nexte génération EU”, ce plan, doté de 750 milliards d’euros, demande à ce que « tous les investissements publics respectent le principe du ‘do no harm’ (ne pas nuire à l’environnement NDLR) ». Il insiste pour que 25 % du prochain budget européen soit dédié à des « investissements verts », comme prévu avant la crise. La CE voudrait lancer une grande vague de rénovation (pour réduire les dépenses énergétiques), investir massivement dans les technologies de l’énergie propre et dans la mobilité propre. « Mais des ‘portes dérobées’ semblent avoir été laissées ouvertes pour permettre des investissements non-durables », soupçonne WWF.

Insuffisant, certes. Mais ce plan aurait pu ne pas survivre au coronavirus. « Quand la pandémie s’est déclarée, certains milieux d’affaires se sont mis à dire : “Ce n’est pas le moment de resserrer les exigences environnementales sur les entreprises“ », raconte Philippe Lambert, député belge au Parlement européen, où il est coprésident du groupe Les verts/Alliance libre européenne. Pourtant, « la crise a secoué le parti-pris de base néolibéral tellement profondément que ceux qui défendent un changement de paradigme sont renforcés. » Ceux qui tirent à boulets rouges sur le Green Deal sont les mêmes qu’avant la crise. Mais en face, certains voient l’opportunité de lancer la transition écologique à plein régime.

Le nouveau leadership écologique de l’Espagne

« Depuis la première minute, la ministre de la Transition écologique espagnole, Teresa Ribera, parle d’une relance européenne verte et solidaire. Elle a été l’une des voix qui ont le plus porté ce slogan », estime Mónica Vidal, directrice des politiques publiques de la fondation espagnole Ecologie et Développement (Ecodes). Elle rappelle que nos voisins sont ceux qui envoient le quatrième plus gros contingent au Parlement européen : « Dans les discussions actuelles sur la relance dans l’UE, des négociations intermédiaires sont menées entre cinq pays clés, dont l’Espagne [avec l’Allemagne, la France, l’Italie et les Pays-Bas : NDLR]. »

L’Espagne est un nouveau venu dans le groupe des pays leaders en la matière. Le nouveau gouvernement de coalition Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) / Podemos (gauche radicale), présente la lutte contre le changement climatique comme une de ses priorités maximum. Une vice-présidence à la Transition écologique a été créée à la formation de l’équipe exécutive, pour coordonner l’action des différents ministères de façon transversale dans la lutte pour la préservation de l’environnement. L’une des premières décisions prises en conseil des ministres a été de déclarer l’ « état d’urgence climatique ». Le premier texte présenté au parlement après le déconfinement a été la « loi sur le changement climatique et la transition énergétique », le 19 mai dernier. « Avec [ce projet], nous envoyons un message fort sur la manière dont nous comptons contribuer à la construction de l’Europe que nous désirons », assurait Teresa Ribera, vice-présidente chargée de l’environnement.

La France, un allié de taille

Dans le bras de fer européen, la France est un allié de taille. Comme l’Italie. L’Allemagne a une attitude plus hésitante, en raison de la place du charbon dans son modèle énergétique et du poids de l’industrie automobile dans son économie. Mais presque rien n’est possible sans elle. Chypre, la Grèce, Malte, La Pologne, La République Tchèque et la Suède montrent des réticences. Les représentants des industries du plastique et de l’automobile ainsi que la plus importante organisation de patrons en Europe ont exprimé des positions contraires aux ambitions climatiques affichées par la Commission et le Parlement européen.

« Il y a un soutien politique au plus haut niveau », se félicite Ester Asin, contactée par Kaizen, peu avant l’annonce du plan de relance. « Les ministres de l’environnement d’au moins 17 États se sont joints à l’appel du 9 avril. L’initiative du député européen [français] Pascal Canfin [élu sur une liste LREM) a lancé une “Alliance pour une relance verte”, qui rassemble plus de 270 acteurs influents : NDLR] a réuni un bon nombre de compagnies du secteur privé, des ONG et des partis politiques. Les citoyens se mobilisent aussi. », explique Ester Asin.

Le libéralisme titube et entre ouvre une fenêtre d’opportunité

L’annonce du plan de la Commission n’était que le premier round. Pour le député européen Philippe Lamberts « des propositions institutionnelles sur comment organiser le plan de relance doivent maintenant être amendées et votées par le Parlement et le Conseil. Ça, c’est la bataille des mois à venir ». Le deuxième round viendra après l’été avec le processus législatif qui permettra de traduire ces ambitions en règles précises, applicables sur le terrain. « Cette bataille durera un an, un an et demi », estime celui qui siège au Parlement européen depuis 2009.

Mais attention. « Les États membres de l’UE et les membres du Parlement européen doivent maintenant sortir leurs boîtes à outils pour s’assurer que notre relance économique soit réellement juste et verte », prévient Ester Asin.

Influence des citoyens

L’épidémie a-t-elle ouvert une fenêtre de tir pour ceux qui veulent rehausser l’ambition ? Philippe Lamberts le croit : « La crise a fait voler en éclats le discours du “plus vite, plus gros, plus loin, plus mondialisé ; l’idée que le profit est tout et que les marchés savent mieux que les États. On a vu que ceux qui défendent l’intérêt collectif sont les États. Les chantres de la mondialisation ont-ils changé leur fusil d’épaule ? Je ne crois pas. Mais ils savent que c’est très difficile de défendre ça aujourd’hui. » Cette ouverture n’a qu’un temps. « La pression de ceux qui défendent l’orthodoxie budgétaire et le profit à court terme reviendra. Si aucune réforme basculante n’a été enclenchée dans les 14 prochains mois, c’est fichu », analyse le député.

Encore faut-il que ces réformes soient proposées et approuvées. Bonne nouvelle : « Les citoyens ont beaucoup plus d’influence que ce qu’ils croient », assure Mónica Vidal. « Lorsqu’un député voit sa boîte mail inondée de messages exigeants : “Votez ceci, pas cela”, il se dit : “Sapristi ! Les gens me regardent” », ajoute Philippe Lamberts. Les citoyens peuvent aussi provoquer le débat, dans leur entourage, sur les réseaux sociaux, ou signer des pétitions et manifester, pour attirer l’attention sur le sujet. « Au moment du dieselgate, nous avions réussi à mettre le thème sur la place publique », se souvient la directrice des politiques publiques de la fondation Ecodes. « Le gouvernement espagnol était opposé à une réforme. Mais les journalistes ont commencé à suivre cette histoire, ce qui a généré un débat dans le pays. L’Espagne a fini par soutenir le changement du système d’homologation des moteurs. » Elle a réagit à la pression citoyenne.


QUELQUES CLÉS POUR SUIVRE L’AFFAIRE

L’élaboration des textes européens

La Commission européenne : c’est normalement elle qui propose les textes qui sont ensuite débattus, amendés et votés par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne.

Le Parlement européen : les 751 députés européens sont directement élus par les citoyens de l’UE.

Le Conseil de l’Union européenne : réunit les ministres compétents en fonction des sujets qui sont débattus. Les ministres compétents en matière d’environnement seront réunis pour débattre d’un texte sur l’environnement.

Le Conseil européen (différent du Conseil de l’Union européenne) : réunit les chefs d’État ou de gouvernement.

La Commission doit proposer un cadre très général fixant les grands principes du plan de relance d’ici la fin du mois. S’il est accepté par le Conseil de l’Union européenne et Parlement, ces principes devront être traduits en règles concrètes, applicables sur le terrain.

Ce que WWF demande :

– Que les aides financières soient clairement conditionnées au développement d’un agenda environnemental précis par celui qui les reçoit.

– Que 50 % au moins du prochain budget européen soit destiné à l’environnement et au climat.

– Qu’aucune aide ne soit dédiée à un secteur susceptible d’occasionner des dommages environnementaux, selon le principe du “Do no harm”.

Les obstacles seraient :

– Des aides d’État octroyées sans condition.

– Des investissements en infrastructures pour construire des aéroports, ports ou autoroutes, au lieu d’infrastructures pour des moyens de transport moins polluants, comme le train.

– Pas d’objectifs ambitieux pour 2030 : “Des objectifs pour 2050 ne les engagent à rien. Aucun d’entre eux ne sera plus au pouvoir”, grince le député européen Philippe Lamberts.

Relever l’ambition de la loi climat :

La rapporteur de la loi climat européenne, Jytte Guteland, propose une réduction d’émissions de gaz à effet de serre de 65 % pour 2030, contre 40 % aujourd’hui, et 50 à 55 % dans les plans actuels du Green Deal.

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